De fausses démocraties en perte de crédibilité

Dessin de Topyk.
Dessin de Topyk.

Dans un fauteuil roulant, Abdelaziz Bouteflika a très difficilement déposé son bulletin de vote le 17 avril. Il permet maintenant à la classe dirigeante algérienne de tourner le quatrième film de sa série qui sera intitulé : le retour de la momie.

En voici le scénario : Absente tout au long de la campagne, la momie a vaincu haut la main le candidat Ali Benflis à l’élection présidentielle. Il n’y a finalement pas eu d’élection, mais une intronisation à peine déguisée. Comme cela était prévu, le système politique algérien a laissé le pouvoir à un homme sans voix dans un fauteuil roulant. Jamais, depuis l’indépendance de l’Algérie, une élection n’a autant mis en valeur les défaillances de son système électoral. Pourtant, pour être éligible le candidat à la présidentielle devait présenter un certificat témoignant de sa bonne santé physique et mentale. Quand Abdelaziz Bouteflika est allé voter, toute l’Algérie et le monde entier se sont rendu compte que ce n’était pas le cas. Cela n’a cependant pas arrêté les manipulateurs qui viennent de prouver que la politique algérienne est une simple façade pour leurs activités. Que le conseil constitutionnel ait accepté la candidature d’une personne qui ne répond pas aux conditions requises pour être éligible à ce poste est la première de nombreuse anomalie. Il est difficile de qualifier d’élection ce processus de sélection biaisé sans retenir un fou rire. La fraude entame gravement la légitimité de celui qui en bénéficie et le trucage des urnes décrédibilise les élus. 

Il serait pourtant trop facile de dire que l’Algérie marche à l’envers de l’histoire et tourne le dos définitivement à sa jeunesse. Ce n’est pas le cas puisque ce pays est exactement au centre de cette nouvelle évolution des mœurs politiques de la planète. La triche électorale à grande échelle est maintenant un processus répandu dans une myriade de systèmes politiques que l’on qualifie par erreur de démocratie. Les nouvelles technologies informatiques et de communication ont depuis déjà quelques années dépassées le point ou les citoyens ordinaires peuvent leur échapper et une nouvelle ère de dictatures déguisées commence. Le meilleur cas, car le plus frais est l’élection provinciale qui s’est passée le 7 avril dans la province canadienne du Québec. Là, comme en Algérie, les politiciens et spécialistes du marketing ont joué sur les peurs de la population en agitant l’idée de sécession pour lui faire avaliser le choix des puissants dirigeants du pays. Comme en Algérie, la presse québécoise a aussi évoqué la possible fraude avant le scrutin sans que cela change pourtant rien au déroulement du processus ni du résultat. 

Si en regardant ces deux pays, on peut se désoler, en les comparant, il est permis de se consoler. Les techniques qu’ils ont utilisées ne sont que des exemples mineurs de ce qui se passe actuellement à la grandeur du monde. Georges W. Bush a réussi à devenir président des États-Unis avec l’aide de son frère gouverneur de la Californie et d’urnes électroniques à mémoire sélective. Les membres des 1 % les plus riches sont passés à l’attaque et leur niveau de vie s’améliore au détriment de celui des 99 % restant. Un bon exemple de cela en est que, dans un pays où abonde le pétrole, plus des deux tiers des Algériens vivent avec moins de 300 $ par mois. Les humanistes de notre planète sont dépassés par les nouveaux outils de contrôle des populations. Il ne faut pas tout voir en noir. Les dictatures existent depuis l’antiquité et elles sont régulièrement remplacées par des systèmes plus démocratiques et humains. 

L’évolution des sociétés repose aussi sur le courage de leurs citoyens. Ali Benflis a annoncé qu’il allait créer une formation politique et utiliser tous les moyens pacifiques pour imposer la volonté populaire. Ce dernier appelle à combattre le système de l’intérieur et se prépare pour la dissolution de l'actuelle Assemblée populaire nationale. L'organisation d'élections législatives anticipées pourrait se faire avant la fin 2014. Les activistes de Barakat ont aussi montré un haut sens éthique et moral tout en prouvant qu’ils n’étaient pas dupes du complot. Les supporteurs d’Abdelaziz Bouteflika pourraient de plus aider à faire tomber son régime en ostracisant leurs opposants politiques maintenant identifiés. La population serait alors poussée dans un autre « Printemps arabe » comme en Tunisie en Égypte ou en Libye. La rente pétrolière s’amenuise. Les membres influents du clan Bouteflika pourraient massivement prendre leur retraite sous des cieux plus cléments. Le dernier plan du film montrerait une momie qui s’éloigne en fauteuil roulant.

Michel Gourd

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Commentaires (5) | Réagir ?

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Khalida targui

moudjiza rabaniya monsieur c'est un miracle pas rire bezaf, on a le petrole et les miracles, la France walou meme les idées by by

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khelaf hellal

Huit millions de voix pour Bouteflika contre 1million de voix pour le deuxième candidat Benflis, un score ubuesque, grotesque qui sent la dictature par les urnes. La constitution d'une satrapie dominante par l'argent des hydrocarbures et par les urnes.

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