La France envoie des signes contradictoires à l'Europe

François Hollande et Manuel Valls
François Hollande et Manuel Valls

La France a renforcé jeudi son dispositif européen au sommet de l'Etat avant un probable bras de fer avec la Commission européenne mais risque de saper son crédit par des pieds de nez répétés à l'adresse de Bruxelles et un discours ambigu.

La nomination mercredi de Harlem Désir au poste de secrétaire d'Etat aux Affaires européennes s'inscrit dans une tradition de désinvolture de Paris à l'égard de l'UE, dont la France est pourtant un des Etats fondateurs.

Le très contesté premier secrétaire du Parti socialiste, auquel François Hollande fournit ainsi une porte de sortie, succède à Thierry Repentin, qui confessait n'avoir aucune compétence pour les dossiers européens. Le chef de l'Etat avait auparavant choisi pour ce poste Bernard Cazeneuve, qui avait fait campagne en 2005 pour le "non" à la Constitution européenne, comme son ministre de tutelle, Laurent Fabius, toujours chef de la diplomatie.

En dix ans, ils sont dix à s'être succédé à un poste où aucun n'a laissé de souvenir marquant, hormis le nouveau secrétaire général de l'Elysée, Jean-Pierre Jouyet, qui a piloté côté français la préparation du traité de Lisbonne en 2007-2008. Le député écologiste européen Yannick Jadot s'indigne d'une "désinvolture irresponsable" et "pathétique" qui contribue selon lui à saper l'influence de Paris au sein de l'Union européenne.

"Ce gouvernement et ce président ne prennent pas la question européenne au sérieux", a-t-il déclaré à Reuters. "L'Europe est le lieu d'extradition de ceux qui ont échoué, que ce soit Harlem Désir au PS ou Pierre Moscovici à Bercy."

L'ÉLYSÉE RENFORCE SON DISPOSITIF EUROPÉEN

Une allusion aux informations faisant état d'un soutien du chef de l'Etat à la candidature de l'ex-ministre des Finances à un poste de commissaire européen. "François Hollande laisse totalement l'Europe entre les mains de (la chancelière) Angela Merkel et (du Premier ministre britannique) David Cameron", a ajouté Yannick Jadot.

Le député socialiste Christophe Caresche estime cependant qu'Harlem Désir est "tellement affaibli" que l'exfiltrer ainsi de la direction du PS "n'est pas une mauvaise idée". Il minimise en outre la portée de cette nomination.

"Le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes est un agent d'ambiance. Ces dossiers sont traités à l'Elysée et au ministère des Finances", dit-il. "Nos partenaires savent que ce n'est pas lui qui va définir la politique européenne de la France."

C'est précisément dans l'idée de renforcer le dispositif européen au sommet de l'Etat que le conseil des ministres a nommé mercredi au poste de secrétaire général aux affaires européennes (SGAE) le conseiller Europe de François Hollande, Philippe Léglise-Costa, un expert des arcanes bruxelloises.

"Notre dispositif d'instruction des affaires européennes doit évoluer pour être plus en ligne avec la manière dont l'UE a elle-même changé", explique un proche du chef de l'Etat. "Il y avait un problème de pilotage politique."

Jusqu'ici, ce dispositif se caractérisait par une dualité, avec une petite équipe de quatre personnes seulement, dont le conseiller Europe, auprès du chef de l'Etat, contre au moins une vingtaine auprès de la chancelière allemande, Angela Merkel.

A la tête du Secrétariat général des affaires européennes, une instance de coordination interministérielle d'environ 200 hauts fonctionnaires, le SGAE faisait pour sa part office de conseiller du Premier ministre pour les dossiers européens.

DEUX CONSEILLERS DE HOLLANDE À BRUXELLES

Désormais, le conseiller Europe du président et le SGAE seront une même personne, rassemblant tout ce dispositif dans une seule main, à l'Elysée, même s'il coiffe un adjoint placé auprès du Premier ministre.

Le secrétariat général des affaires européennes a lui-même vocation à évoluer, précise-t-on à l'Elysée, où Jean-Pierre Jouyet, un Européen convaincu, sera au coeur de la machine présidentielle.

Cette réorganisation veut tenir compte du rôle croissant des chefs d'Etat et de gouvernement des 28 Etats membres de l'Union européenne dans la gestion des dossiers européens et le fait qu'ils sont de plus en plus en première ligne dans la zone euro.

Philippe Léglise-Costa va jeudi à Bruxelles en compagnie du secrétaire général adjoint de l'Elysée et conseiller économique de François Hollande, Emmanuel Macron, rencontrer l'équipe du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Objet de ce rendez-vous, au surlendemain du discours de politique générale du nouveau Premier ministre, Manuel Valls : discuter des réductions de charges promises aux entreprises et aux ménages modestes, d'un programme de 50 milliards d'euros de réduction des dépenses publiques et d'un éventuel ajustement de la trajectoire de réduction des déficits publics français.

Le nouveau gouvernement a laissé entendre qu'il aimerait rediscuter du rythme de réduction de ces déficits mais les réactions européennes ont jusqu'ici été négatives.

"Je crois qu'ils trouveront un terrain d'entente", estime cependant le député écologiste européen Daniel Cohn-Bendit. "Je crois que, dans la situation actuelle et avant les élections européennes, ce n'est pas l'intérêt de la Commission de jouer aux gros bras."

Reuters

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