Mascarade présidentielle : de la provocation permanente en Kabylie

Béjaïa vent debout.
Béjaïa vent debout.

Dans un climat d’insolence officielle et de mépris affiché et traduit avec zèle dans un chapelet de discours infantilisants qui insultent l’intelligence du peuple algérien dans son ensemble, des animateurs de meetings du président candidat à l’élection du 17 avril prochain organisent un processus de provocation permanente à l’origine de toutes les dérives.

La population paupérisée, à bout de peine, terrassée par le coût de la vie, la vindicte de l’administration, la culture de la corruption, n’accepte plus cette fermentation continue alimentée régulièrement par les pyromanes du système qui veulent à tout prix la ramener vers leur territoire de prédilection, le terrain de la violence, où ils jouent «à domicile» et où l’administration, l’arbitre corrompu, est de leur coté.

Pour comprendre les mouvements de foule et leur évolution il faut revenir à leurs causes d'origine. Le cas de la dérive de Bejaia est édifiant. Lors de la dernière visite de Sellal l’administration locale et ses services de sécurité avaient trié sur le volet une "Société civile" affairiste obséquieuse et bienveillante pour accueillir le premier ministre, la population ayant été exclue de ce contact rétabli entre la région et le pouvoir central après quinze années de rupture. Au lieu de retisser le lien perdu, cette visite contreproductive émaillée de promesses que le temps a fini par démentir, a agrandi le fossé irrémédiablement.

Aujourd’hui, la population voulait dire ses 4 vérités à Sellal directeur de campagne du candidat Bouteflika, à propos de ses promesses, notamment celle liée au désenclavement de la région par l’ouverture d’un tronçon d’autoroute. Elle a pris les devants demandant à participer au meeting en refusant que la salle soit remplie de gens transportés d’autres wilayas. De nombreuses tentatives pacifiques d'investir la salle de la Maison de la culture Taos Amrouche ont avorté, l’entrée de la salle où devait se dérouler le meeting déjà remplie par des personnes ramenées par bus des wilayas limitrophes tôt dans la matinée était gardée par un imposant cordon de police qui ne laissa personne entrer, ni sortir d’ailleurs. Les organisateurs, des fidèles parmi les fidèles du FLN et du RND qui disposaient des moyens de l’Etat mis à leur disposition par l’administration locale, en excluant la population notamment la jeunesse, voulaient une rencontre soft avec leur grand pourvoyeur de fonds ! 

Les échauffourées ont commencé de cette interdiction faite aux jeunes de Bejaia d'entrer dans leur «maison de la culture». Des affiches et des tee-shirts du président-candidat sont brûlés devant les nombreux jeunes policiers que la scène amusait. Les heurts ont vite dérapé malgré les appels à la raison des adultes. Le calme précaire a été rompu quand le camion chasse neige dit "Azrayen" Dieu de l’enfer dans la mythologie locale, a chargé la jeunesse aveuglément. La colère est montée d'un cran puis la foule devint incontrôlable, la manifestation vira à l'émeute ... Le cordon de sécurité, constitué de CNS, fit mouvement vers la foule, au moment où quelques "personnalités"munies d’invitations furent introduites dans la grande salle de réunion sous les huées des jeunes qui les traitaient de tous les noms d’oiseaux et même de harkis. Un élu du RND à l’APW est rentré tête baissée sous les crachats et les insultes des jeunes en furie. On lui jeta la pierre et quelques noms d’oiseaux de nos maquis bien fleuris en ce moment.

La foule gonflait à vue d’œil, une population adulte prit place autour de la maison de la culture bouclant toutes les issues pour empêcher le cortège électoral de Abdelmalek Sellal de rejoindre la salle. La foule donna de la voix dans des slogans hostiles scandant : Ulac l’vote ulac ; Pouvoir assassin ; Mawtini la Kabylie …

De nombreux militants de partis politiques d’opposition investirent la place tentant de ramener le calme. D’anciens députés, comme Meziane Belkacem, de vieux meneurs du MCB comme Madjid Amazigh, observaient tranquillement du trottoir, mesurant sans doute le fossé qui grandissait avec cette nouvelle génération qui a d’autres paramètres et d’autres valeurs ! Des hommes de cultures tout aussi dépassés par l’événement, des universitaires, des étudiants, des lycéens, de nombreuses femmes, des anciens moudjahidines et même des handicapés sur fauteuils roulants non médicalisés grossirent la foule. 

Trois véhicules de l’ENTV caillassés vers 11h, sont brûlés vers 13h. Quelques instants plus tard des journalistes de la chaine Ennahar TV qui affiche ostensiblement son hostilité à la culture amazighe et son arabo-baathisme primaire, reconnus par les manifestants, ont été pris à partie puis carrément passés à tabac.

La tension monta encore d’un cran, le nombre de manifestants s’amplifia avec l’arrivée de citoyens des quartiers lointains. La place est noire de monde. Aucun accès n’est possible à la maison de la culture. L’esplanade de la maison de la culture «Libérée» vers midi et demi par les manifestants fut reprise par le cordon de sécurité de CNS. Vers treize heures des partisans du candidat Bouteflika tentèrent de quitter précipitamment la maison de culture. Ils furent refoulés par la police à l’intérieur pour leur propre sécurité. Sans eau ni nourriture ils paniquèrent ne sachant pas exactement ce qui se passait dehors.

Les jets de pavés et de bouteilles en direction de la porte principale de la maison de la culture reprirent de plus belle après un épisode de calme éphémère. La police antiémeute riposta avec des matraques et des jets de pierres, refoulant les manifestants et réoccupant de nouveau les rues adjacentes à l’esplanade de la maison de la culture. La réaction musclée fut suivie de tirs de bombes lacrymogènes. Le chasse neige fit de nouveau son apparition et fonça sur les manifestants. Un policier reçut un coup de pierre sur la nuque et tomba évanoui. Des voitures de l’ENTV furent incendiées. L’édifice est caillassé et les vitres sont brisées. L’émeute toucha les quartiers environnants (quartier Sgheir et Aâmriw, montée vers l’hôpital). Des organisateurs du meeting s’agitèrent, Abdelmalek Sellal est encore à l’aéroport entouré des reporters de la presse qui l’accompagnaient et auxquels il fit un discours courtois et apaisant. La radio Soummam annonça à 14 h que le meeting a été annulé suite à un regroupement de citoyens hostiles. Les émeutes se poursuivirent encore jusqu’à 18h.

Comme il n'y avait aucune organisation derrière cette colère populaire, les Baltaguias du système ont fini par noyauter le mouvement et dévaloriser l'acte citoyen anti-système . L’émeute dégénéra en violentes dégradations et incendies transformant cet édifice en cendres ! La manifestation démonstration, si besoin était, qu’ il y a un divorce avéré entre la rue et la "Classe" politique émoussée et embourgeoisée. L’avenir proche n’augure rien de bon.

Depuis que la culture est séquestrée dans des "Maisons", elle a manqué singulièrement d’oxygène, du souffle populaire ! Dans un climat d’exclusion de la population, Il a suffi d'une allumette d'un inconscient pour mettre le feu au bucher préparé par les spécialistes de la provocation permanente.

Rachid Oulebsir 

Les nervis du pouvoir étaient à la manoeuvre.

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Commentaires (5) | Réagir ?

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Massinissa Umerri

Je ne sais de quel contact "perdu" vous parlez. Des prostitue's (mal ou femelle), il y en a toujours eut partout, pour s'accomoder d'une coqueterie pour des interets - c'est la definition de la prostitution d'ailleur - Quand aux rapports entre Kabyles et le regime, c'a toujours ete un rapport de force. Ils sont mieux arme's et de bons voleurs des biens des Touaregs pour s'offrir des mercenaires.

Sinon, le temps a fait son job, la Kabylie recompose sa population et les rapports de force changent. On a fait la betise d'associer des islamo-soumis a la lutte contre la france et on paye' et continuons de payer le prix. Mais cela ne saura durer eternellement. La preuve est la gesticulation des algeriens a l'annonce de la fin de la rente. Le reste... faut bien tuer le temps.

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Aksil ilunisen

LA HAINE ENGENDRE LA HAINE..... LES ENFANTS DE BOUSSOUF N'ONT TOUJOURS PAS COMPRIS CET ADAGE AUSSI VIEUX QUE LE MONDE.

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