Crise alimentaire : Le Président sénégalais accuse la FAO d'en être responsable et demande son démantèlement

Crise alimentaire : Le Président sénégalais accuse la FAO d'en être responsable et demande son démantèlement

Selon une dépêche AP, le Président du Sénégal exige le démantèlement de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) qu’il juge responsable de la crise alimentaire actuelle.
Dénonçant « le gouffre financier » que constitue cette institution dont l'argent est « largement dépensé en fonctionnement, avec très peu d'opérations efficaces sur le terrain », il propose tout simplement de remettre son budget au FIDA (Fond international pour le développement agricole).
Selon M. Wade, il faut que le FIDA évolue vers une institution d’aide agricole internationale ayant son siège en Afrique, là où elle sera la plus utile à ses yeux.
La FAO (Food and Agriculture Organization) va mal. Les experts sont à son chevet. Un récent rapport d’évaluation met le doigt où ça fait mal... Un article paru en septembre 2007, dans "Les Afriques", intitulé « La FAO souffre d’une forme aigue de sénilité », tente de cerner, à partir de ce rapport, les raison de ce malaise.

Quelles sont la nature et l’ampleur du problème de la FAO ?

Le rapport d’évaluation (1) est d’une rare clarté : le problème dont souffre la FAO est une forme aiguë de sénilité, celle qui affecte les souverains déchus d’un autre âge, traitée avec une cynique condescendance par les puissantes nations occidentales, méprisée par les jeunes loups de la pensée néolibérale qui mènent le jeu et ont eu, au cours des 20 dernières années, tous les moyens nécessaires à leur action. La FAO, en tant qu’organisation mondiale coordinatrice de la lutte contre la faim, est à la fois adulée et respectée pour son savoir et ses analyses mais profondément décrédibilisée en tant que partenaire opérationnel. On ne peut pas se permettre d’embarquer la FAO dans l’aventure d’un projet de développement agricole dans une région pauvre et isolée ; ce serait comme s’embarrasser d’un vieillard certes érudit et plein d’expérience mais « ronchon » et (parce qu’) impotent. En plus, les services de la FAO sont facturés très chers aux partenaires et elle n’a même pas les moyens de contribuer une quote-part même minime à la levée de fonds. Donc elle travaille en ronchonnant, seule dans son coin, fait des déclarations fracassantes de temps en temps et pleure sa grandeur passée.

Comment en est-on arrivé là ?

Il suffit de mettre en parallèle la (relative) vétusté des locaux de la FAO à Rome et les bureaux ultramodernes et confortables des grandes agences humanitaires, à commencer par le PAM, pour comprendre que la FAO a été victime d’un changement de direction des vents de la coopération internationale. Elle a conduit la « révolution verte » dans les années 60-70. L’ambition, qui était de vaincre la faim dans le tiers-monde par l’amélioration des techniques agricoles, a tourné au fiasco. Force est de constater que cette grande dame de l’agriculture mondiale, qui croulait alors sous les crédits, a beaucoup dilapidé de façon somptuaire sans jamais se remettre en cause.
On a beaucoup écrit sur les conséquences désastreuses pour les paysans du tiers-monde du parachutage des « paquets technologiques » composés de semences hybrides (ancêtres des OGM…), qu’ils devaient acheter chaque année, d’engrais chimiques chers et toxiques pour les sols lorsque mal maitrisés et de pesticides le plus souvent aussi dangereux à court terme qu’inefficaces à long terme. C’est la FAO qui a porté le chapeau…

La « révolution verte » a affamé les paysans du Sud et enrichi les industriels du Nord… Et la FAO n’a pas la conscience tranquille à ce sujet...

On a moins écrit sur ce que la « révolution verte » a représenté comme subventions publiques pour les monstres de l’agrochimie, du secteur pétrolier et les constructeurs de matériel agricole. La « révolution verte » a affamé les paysans du sud et enrichi les industriels du nord… Et la FAO n’a pas la conscience tranquille à ce sujet... Elle a certes fait amende honorable en révisant substantiellement son discours technique, mais le mal était fait dans l’esprit des gestionnaires (souvent honnêtes et compétents) des (maigres) budgets qui continuent bon an, mal an à être alloués aux projets de développement agricole… On se méfie de la FAO et on préfère confier l’argent aux ONG… Résultat, la FAO réunit à Rome des légions de « sommités » venant des quatre coins du monde, qui, faute de crédits pour lancer des projets sur le terrain, passent leur temps à écrire des rapports.

Quels sont les scénarios possibles ?

En face d’un tel rapport, très honnête et bien construit, on peut imaginer 3 scénarios : le maintien du statu quo, la réforme dure et la réforme molle.

Le statu quo s’imposerait après quelques ronds de manche dans les instances où siègent les états membres et quelques vagues au sommet du Secrétariat. Ce ne serait pas la première fois que des rapports externes appellent de bonne foi la nécessaire et énergique réforme, mais que rien ne se passe en raison de l’inertie des rapports de force internationaux sur les sujets stratégiques. Certains pensent que l’agriculture n’est plus un secteur économique aussi stratégique que par le passé et qu’on laissera plus facilement aujourd’hui l’agriculture paysanne du tiers-monde se développer. Compte tenu de la fragilité de la situation alimentaire mondiale (problème étrangement peu relayé par les medias d’information grand public), je ne partage pas cette opinion. L’entrée en force des OGM en Europe, malgré toutes les opposions, montre que le secteur agrochimique aujourd’hui diversifié ne renoncera à aucun profit. C’est d’ailleurs le grand bénéficiaire (commanditaire ?...) de la situation actuelle de décrépitude et discrédit de la FAO.

La reforme dure est un scénario peu probable mais qu’on ne peut pas exclure. Il consisterait en un assainissement de la structure par un régime de croissance budgétaire zéro pendant 3-5 ans, réduction des effectifs pour libérer les liquidités nécessaires au rétablissement d’une capacité d’intervention opérationnelle. En d’autres termes, elle enverrait les gens soit à la retraite, soit chez eux, soit sur le terrain. Une telle réforme n’est pas sans précédent dans le système des Nations unies (le PNUD est un exemple récent…), mais la difficulté est l’autonomie décisionnelle de la FAO et les aspirations (naturelles) des délégués nationaux pauvres (ou moins pauvres) à pouvoir jouir un jour du statut d’experts internationaux… Si le principe d’une telle réforme est acquis au niveau de l’assemblée annuelle de la FAO, il « suffirait » d’une équipe musclée et aguerrie pour la piloter, ce qui est loin d’être une ressource rare… Le résultat positif n’est évidemment pas garanti, mais c’est une autre affaire qui ne serait d’actualité qu’après 3 à 5 ans de régime sec…

La FAO réunit à Rome des légions de « sommités » venant des quatre coins du monde, qui, faute de crédits pour lancer des projets sur le terrain, passent leur temps à écrire des rapports.

La réforme molle serait un scénario intermédiaire, d’application courante dans ce genre de circonstances, mais qui aboutirait à maintenir le statu quo en éloignant un temps les velléités de changements.

Quel est le pronostic pour l’avenir ?

Aucun pays ne prendra le risque de proposer la fermeture de la boutique et le rapport est sûrement parti d’un plan de restructuration sur lequel certains bailleurs sont déjà engagés. On peut penser que les pays nordiques, les (dernières) bonnes âmes de l’Occident coopérant, qui ne sont pas étrangers à ce plan, seront plus que des observateurs attentifs lors des discussions qui se tiendront à la FAO cet automne. Le Brésil, l’Inde et la Chine, les vraies puissances agricoles en mal de protagonisme sur la scène diplomatique internationale, veilleront à leurs intérêts et aspirations commerciales... Les Européens écouteront mais n’agiront probablement qu’au travers de l’EU, laissant à la Commission le soin de réviser éventuellement ses positions (assez négatives en général) à l’encontre de la FAO.

Je suis convaincu que les responsables politiques des pays agraires pauvres de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine ont les clefs de l’avenir de la FAO car ce sont les principaux intéressés à la régénération de l’organisation. Mais encore faudrait-il qu’ils fassent des choix stratégiques clairs, cohérents et concertés en matière de politique agricole. Je pense donc qu’on va vers le maintien du statu quo maquillé en réforme molle. J’espère me tromper. On peut toujours rêver...

Par Yann Le Cleach, New York
source : lesafriques.com

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Commentaires (2) | Réagir ?

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aziz

et notre ministre de l'aigri-culture

qu'est ce qu'il pense de l'avenir de

la pomme de terre en Algérie

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M. Farah35

Cultivez vos champs pour nourrir vos peuples au lieu de servir de marionnettes aux puissances occidentales et de machines à broyer l'intelligence. Demandez à vos semblants de renoncer à l'arme blanche et au pouvoir à tout prix et de se mettre au travail, vous verrez si vous manquerez de pain!!!!l'Afrique est riche avec des esprits pauvres et pollués