Zeroual gêne les combines de "tohu wa bohu"

Liamine Zeroual.
Liamine Zeroual.

Autrefois, en Orient, les toits des maisons étaient de grandes terrasses. On avait pour habitude d'y monter afin de discuter plus facilement avec ses voisins ou ses voisines. Cette coutume existe toujours chez nous. Des terrasses de Ghardaïa on entend les uns dire aux autres :"Réveillez-vous ! L’Algérie est au bord de l'implosion ! Soyez prudents ! La guerre civile risque d'éclater à tout moment".

Aujourd’hui, les politiciens n’ont pas besoin de ces terrasses pour s’exprimer puisque les moyens de communications ne sont pas chers. Ils sont à la portée de tout le monde. Même les gamins ont leurs moyens pour exprimer leur mécontentement politique. L’intervention de l’ex-chef de gouvernement, Ouyahia, sur la terrasse d’Ennahar a laissé le téléspectateur bouche bée. Elle a fait rappeler au peuple algérien les paroles de Matthieu : "C’est en vous mettant à l’ombre de sa main que Bouteflika vous enseigne à l’écouter. Il arrive que Bouteflika vous fasse passer par l’épreuve des ténèbres, pour vous apprendre à l’écouter. C’est dans le noir qu’on éduque les oiseaux chanteurs. C’est dans le noir que les champignons poussent et se multiplient. Alors, tenez-vous tranquille si vous voulez cueillir vos champignons pour en faire avec une bonne salade en avril prochain. Si vous débouclez votre bec, dans cette profession, vous risquez d’entendre des paroles désagréables. Ne parlez à personne de ce qui vous arrive; n’en cherchez pas l’explication dans les livres, mais écoutez avec attention. Si vous en parlez à d’autres, cela vous évitera d’entendre ce que Bouteflika est en train de vous dire » La leçon de Matthieu se résume comme suit : ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour; et ce qui vous est dit à l'oreille, prêchez-le sur les toits. 

Les téléspectateurs n’ont pas oublié les paroles de cet homme en juin 2008 "Je ne suis pas un Clint Eastwood, je fais mon job ! La corruption est cette fille née d’une grande dérive que nous devons tous combattre. C’est une lutte sans pitié et un long combat… Celui qui détruit son pays ne mérite que la mort. Je suis pour la peine de mort dans des cas comme les kidnappings, la violence contre les enfants, les grands détournements dans les postes et les banques ainsi que le trafic de drogue. Coup de théâtre ! Les spectateurs ne reconnaissaient plus le politicien des sales tâches… Ils étaient étonnés de voir le défendeur de la constitution de 1996 qui stipule dans son article 87". Le Président de la République ne peut, en aucun cas, déléguer le pouvoir de nommer le Premier ministre, les membres du Gouvernement, ainsi que les Présidents et membres des institutions constitutionnelles pour lesquels un autre mode de désignation n'est pas prévu par la Constitution. De même, il ne peut déléguer son pouvoir de recourir au référendum, de dissoudre l'Assemblée populaire nationale, de décider des élections législatives anticipées, de mettre en œuvre les dispositions prévues aux articles 77, 78, 91, 93 à 95, 97, 124, 126, 127, et 128 de la Constitution.» changer de peau comme un serpent. L’homme de Zeroual divague dans le jamais entendu et navigue dans une mer houleuse. Quand Ouyahya parle de Clint Eastwood, il se rappelle certainement le bon vieux temps de sa jeunesse de 1971 et du film Un frisson dans la nuit (Play Misty for Me) de ce réalisateur. L’Algérie de 1971 est très différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Je lui recommande de revoir le film « Mémoires de nos pères » de ce même réalisateur pour rafraîchir sa mémoire politique. 

La moquerie semble être la seule chose qu’il ait vraiment prise au sérieux chez cet homme d’astuce. La raillerie tenait le cœur d’Ouyahia, au point d’en faire la loupe à travers laquelle il regardait un royaume qu’il a qualifié un jour de cabaret national. La logique du politicien des sales besognes et l’intelligence du caporal des missions difficiles nous fait penser à une histoire des temps où les poules avaient des dents. En Prusse, cette histoire est racontée aux enfants pour les faire dormir. Puisque le peuple est adulte je vais faire comme Ouyahia. Je vais raconter au peuple cette histoire pour le faire rigoler politiquement. "Un jour de la semaine des quatre jeudis, le roi de Prusse convoqua son plus fidèle valet : j'ai une mission très délicate et trop délicieuse à te confier ! Depuis plusieurs mois ou plusieurs années, une rumeur hante mon royaume, je n'en dors plus de la nuit. Il paraît que j'ai une araignée dans le plafond ! J’ai peur que cette araignée fasse écrouler mon royaume. Les araignées sont dangereuses. Elles tissent une toile qui sert de cachette pour mes ennemis. J’ai lu dans mes vieux livres chinois qu’une araignée a détruit les fondations du royaume arabe en Andalousie. Il faut absolument que tu me débarrasses de cette horrible bestiole qui veut me déloger de mon place. Voici la clé qui ouvre la porte de mon plafond, je te donne carte blanche et libre commerce. Il faut avouer que le valet n'aimait pas vraiment travailler pour le roi de Prusse. Mais cette fois-ci, ce travail inattendu lui sembla digne d'intérêt et allait enfin le changer des corvées habituelles. Le valet prit donc l'énorme clé et la petite carte du château, puis commença l'ascension de l'interminable escalier qui menait au plafond du roi. Au bout de plusieurs heures, il aperçut enfin une porte minuscule. Le valet tourna péniblement la lourde clé dans la serrure. La porte s'ouvrit sur une peinture surprenante qui s'appelait le tohu-bohu !". Depuis les politiciens utilisent le tohu-bohu pour signifier confusion, désordre et scandale. Les religieux hébreux disent "Tohu wa bohu" pour d’écrire la situation sur la terre avant la création de la lumière. D’après ces religieux, tohu a été utilisé 20 fois dans la Bible mais buhu n’a jamais été utilisé seul. Il a été utilisé 3 fois mais toujours en liaison avec Tohu pour former l’expression "Tohu wa Buhu". 

Aujourd’hui, la clef du grenier et la carte d’El Mouradia sont entre les mains d’Ouyahia. Comme le Prussien des histoires, Ouyahia monte les escaliers de la Mouradia. Il ouvre la porte du grenier. Surprise ! Il ne trouve pas un tohu-bohu mais un portrait d’Abdelaziz Belkhadem. Ce portrait était bien accroché au mur du grenier. Il regarde bien le portrait. Il s’assure que ses yeux regardent bien Belkhadem. Après un souffle profond, il réalise que d’autres personnes peuvent ouvrir la serrure sans utiliser une clé. Il reste un moment sans prononcer un mot. Il revoit les idées sur la sécurité du royaume et se rend compte que la combine de la serrure du grenier est entre les mains de Belkhadem. Le téléphone arabe nous dit qu’Ouyahya n’a jamais fait confiance à la barbe de Belkhadem. Cette fois-ci il joue la politique de malin et malin et demi. Il reconnait que la politique est une fonction non linéaire. Cette fonction a pour base une poignée de compromis. Cette poignée peut serrer le vase où fleurissent les intérêts. Il s’arrête devant le portrait de Belkhadem. Il le déroche du mur et lit les écrits sur son verso. Il se rappelle de ses paroles en 2008 « Le fait de ne pas présenter mon programme est légal. Je fais comme mon prédécesseur Belkhadem qui s’était abstenu de présenter le programme du gouvernement lorsqu’il en prit la tête du gouvernement… Il utilise la télépathie politique pour parler à Bouteflika…. Il faut que j’accepte la réalité. Si tout se passe comme planifié, Belkhadem est dans le tableau politique de l’Algérie après avril 2014. Je retire tout ce que j’ai dit en 2008. 

Le tohu a poussé Ouyahia à élaborer un texte qui prévoyait des mesures répressives extrêmement sévères contre la corruption. Cette action portait le nom «opération mains propres». A cette époque le ministre d’Etat, représentant personnel du président de la République, Abdelaziz Belkhadem, a exprimé ses réserves vis avis de cette opération de grande envergure. D’après son bohu, le sujet est trop sensible pour être traité aussi hâtivement. Le bohu de Belkhadem explique les raisons de ses réserves. Dans une conjoncture comme celle qui prévaut depuis quelques jours et qui rappelle celle de 1998, nous nous devons d’être très attentifs et de faire montre de responsabilité dans la thérapeutique de cette maladie. Le bohu pousse Belkhadem à bloquer le tohu d’Ouyahya. Nous pouvons dire qu’en politique algérienne le bohu l’a emporté sur le tohu. Le décret portant le nom «lutte anticorruption » proposé par si Ahmed fut tout simplement retiré! A cette époque Belkhadem pensait qu’il y a bien des cadres honnêtes et propres dans le pays. Le bohu de Belkhadem affirme que scandales liés au phénomène de la corruption ont toujours existé et rien ne dit qu’ils n’existeront pas à l’avenir. 

Ouyahia savait que les tohus s’appliquaient aussi au MSP via ses ministres. Les medias nous ont informés que la liaison tohu-bohu a touché pratiquement tous les départements gérés par le parti de Soultani: Travaux publics, Pêche et Commerce. A cette époque, Belkhadem estimait qu’il faut laisser cette question aux spécialistes : La justice et les services de sécurité. Il pensait qu’au stade pénal, la responsabilité est individuelle. Belkhadem pensait aussi qu’on ne pouvait pas repasser à la vapeur surchauffée la responsabilité morale ou politique qu’après que la justice eut fait son travail de dégraissage. Tohu nous dit que le bohu de Belkhadem a donné un grand pardon aux ministres du MSP et, surtout, à Chakib Khelil le baba Ali de la chipa. Le tohu savait avec certitude que Belkhadem n’aurait jamais agi de cette manière sans en être chargé par celui qui l’a nommé au poste de ministre d’Etat, représentant personnel du président de la République. Aujourd’hui le Clin Eastwood accepte le deal sans commentaire et montre son pile sur les terrasses. Le tohu d’Eastewood coïncide avec le face de Belkhadem dans la démocratie algérienne. 

Si la relation pile/face entre Ouyahia et Belkhadem est prépondérante aujourd’hui, elle n’est en aucun cas déterminante dans la qualité de gouvernance dans le futur proche. Chez nous, le tohu est présent dans les élections aux assemblées nationales. Il surveille le bohu en cas de corruption. Le peuple sait que l’argent sale place certains députés et sénateurs quand tohu et bohu sont ensemble. La liaison tohu-bohu n’a jamais été dévoilée. Cela signifie que la politique du jeu de «pile ou face» n’est pas une volonté sérieuse pour combattre ce fléau même quand le face de Belkhadem coïncide avec le pile d’Ouyahia. La rue affirme que les histoires de tohu et les rumeurs de bohu sont des coutumes politiques qui existent depuis bien longtemps. Les débats de nos rues déterminent la différence entre la république tohu et la république bohu. La république bohu veut qu’Abdelaziz Belkhadem n’assiste pas à toutes les réunions hebdomadaires du cabinet de tohu mais seulement à celles où il est question de dossiers «lourds» soumis par Bouteflika. Par contre, la république tohu affirme que la défaite du terrorisme est d’abord le fruit d’une résistance nationale héroïque pour la sauvegarde de la République, et le pour la défense des citoyens et des biens. 

Dans ce cafouillage politique, la liaison tohu et bohu a enfanté un nouveau-né nommé Barakat. Devant cette scène alarmante les gens qui adoptent Barakat disent que Bouteflika a bien façonné le tohu d’Ouyahya le pour qu’il coïncide avec bohu de Belkhadem. Malheureusement, le manque de lait sain dans une démocratie de "tohu wa bohu" a obligé ce bébé de crier dans la rue «Ni la république de tohu ni la république de bohu». Les cris de ce bébé ont attiré la conscience de l’ex-président Zeroual. Zeroual sort de son silence et appelle au sérieux. Son intervention gène les combines tohu wa bohu. 

Pr Omar Chaalal

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