Le clan que vise Zeroual ne lit pas entre les lignes

Bouteflika a profité du travail des autres.
Bouteflika a profité du travail des autres.

Le Président Liamine Zeroual en homme de principes et de conviction devait certainement agir pour éveiller la conscience d’abord de tout citoyen présent, convergent et jaloux de l’avenir de son pays ensuite au clan qui gravite autour de l’actuel président et qui tentent un coup de force contre la volonté populaire.

Il leur rappelle qu'"il faut se garder de croire que la grandeur du dessein national peut relever de la seule volonté d’un homme serait-il providentiel ou de l’unique force d’un parti serait-il majoritaire." Il est fait allusion sans aucun doute à la coalition des partis au pouvoir. Il précise que"la grandeur du dessein national est intimement liée à la grandeur du peuple et de sa capacité d’œuvrer consciemment à conquérir de nouveau espaces démocratiques." il se trouve désormais que cette équipe n’est pas réceptive aux arguments qui tendent vers les convergences nationales. Ils ne veulent dialoguer et écouter qu’avec ceux qui admettent qu’il n’y a qu’un seul patriote, conscient et intéressé, c’est celui qui se trouve sur une chaise roulante. Comment cet honnête homme peut-il s’attendre la réhabilitation des missions des institutions et l’organisation de l’alternance politique dans des conditions ordonnées et apaisées lorsque la fraude a déjà commencé à travers la promulgation dans le secret total d’un décret exécutif qui octroie jusqu’à 37 500 DA par jour au président de la commission nationale de surveillance. Ladite commission devait en principe se suffire de l’appui logistique des autorités publiques pour l’accomplissement de leur missions. Les représentants des partis politiques et des candidats ne devront toucher aucun centime. N’ont-ils pas ouvert la limitation des mandats auquel ce Président devait durement travailler pour garantir la démocratisation de l’alternance politique ? Pourquoi ? Pour faire de l’Algérie un empire. Ils ont tenté de privatiser la plus grande entreprise du pays pour l’offrir aux sociétés de Dick Cheney. N’est-ce pas sur recommandations du regretté Benhamouda que le président Liamine Zeroual l’a érigé en un groupe puissant qui rassemble autour de lui toutes les annexes parapétrolières afin de recoller les morceaux suite à leur déstructuration programmée. Pour le sauvegarder des convoitises, ce groupe est rendu sur instruction de cette équipe : incessible, insaisissable indissociable. Aujourd’hui pourquoi se mobilisent-ils en renfort pour insister sur ce quatrième mandat alors que le troisième était déjà de trop ? Que valent leurs arguments économiques ?

1- Bouteflika est-il vraiment dans le coup ?

Certains organes de presse rentrent sciemment ou inconsciemment dans le jeu du discours politique officiel pour présenter Bouteflika comme un "parrain" qui maîtrise à la perfection les préparatifs pour briguer un quatrième mandat. Dans cette foulée, cette tendance dont on définira les objectifs plus loin, oriente l’opinion publique sur le bilan économique des trois mandats. Ils espèrent que l’aisance financière et les aveux répétés de l’échec de Bouteflika lui-même apaiseront les tensions sociales et feront oublier les absences quasi-permanentes du président en exercice durant ce troisième mandat. Après tout, pensent-ils, les citoyens diront que Bouteflika a été de bon augure, en venant, il a trouvé les caisses vides, voilà qu’il termine ses trois mandats avec près 200 milliards de dollars et une dette extérieure totalement assainie comme s’il est, ou ils y sont pour quelque chose. Deux observations méritent d’être rappelées à ce niveau d’analyse :

- Il faut souligner que ni Bouteflika, ni avant lui Zeroual et on peut remonter jusqu’au feu Boudiaf n’étaient sollicités ou élus pour régler les problèmes économiques de l’Algérie. En plus, la priorité de l’Algérie était de trouver une solution au vide politique laissé par la démission de Chadli et le blocage du processus électoral qui ont mené à une confrontation conflictuelle et, partant à une fracture sociale. Aucun programme de développement ne pouvait se mettre en œuvre et permettre le décollage économique sans cette plateforme consensuelle. Chacune de ses personnalités avait une source de légitimité. L’un par son charisme historico-politique, l’autre appartenait à l’armée qui détenait le pouvoir dit-on etc.

Bouteflika quant à lui, pour beaucoup d’analystes, pouvait concilier les deux tendances dirigiste et libéraliste. Il a "bâti" avec le feu Boumediene le modèle de développement par l’industrie industrialisante, n’était-il pas membre du conseil de la révolution qui a cautionné cette politique depuis plus d’une décennie ? Nombreux sont les citoyens qui ont cru à son mimétisme et sa manière presque parfaite pour imiter le regretté Boumediene lors de sa première compagne électorale. Les Algériens n’espéraient aucunement revenir au dirigisme Boumedieniste mais se disaient, enfin un homme politique qui a hérité de son aura sans gant ferré. Il nous fera l’économie d’un débat d’école stérile entre les deux tendances technocrates.

- Le mode de gouvernance qui s’est instauré avec lui ou malgré lui, a favorisé la création d’un système qui fait de lui un atome social autour duquel gravitent les opportunistes de tout bord. Ils s’accommodent dans cette espèce de modus vivendi pour la simple raison que chacun y trouve son compte. Même les partis de la coalition dont l’existence est censée noyer le poisson à défaut de le pêcher, ânonnent, en pamoison, à longueur de journée. Ceci explique son comportement public des fois même insultant envers certains de ses ministres. Ils encaissent, baissent la tête, mais c’est les règles du clan qui l’emportent. Cette situation pouvait durer indéfiniment tant que le noyau central tient et supporte ce sociogramme mais la maladie sérieuse de Bouteflika a changé les donnes en affolant les membres du clan. Le résultat est que aujourd’hui, le Chef a perdu son "immortalité" et sa bonne santé, le cannibalisme de son entourage veut maintenir le statu quo quelqu’en soit l’issue. Ce mode de gouvernance, en vigueur depuis près de 15 ans explique la bipolarité dans les décisions que relèvent certains partis politiques et surtout ce suspens autour de sa candidature pour un quatrième mandat que les médias spéculent sur son annonce officielle depuis avril 2013.

2- Le bilan économique en question

Ces observations relevées, nous pouvons maintenant revenir aux chiffres fallacieux de ce fameux bilan économique dont se gargarisent certains membres du gouvernement pour faire passer leurs pilules. D’abord au niveau d’analyse purement économique, la croissance en Algérie est du type extensif. Sa variation, dépend principalement de deux facteurs exogènes : le prix du baril et le cours du dollar américain. A raison, on nous dit avec envie que nos ancêtres ont bien choisi l’endroit de leurs tentes. Elle est accessoirement liée aussi aux conditions atmosphériques car une bonne année pluvieuse limiterait normalement la facture alimentaire. Or, aucun de ces facteurs n’a de lien avec la mise en œuvre des programmes des gouvernements ou des actions des uns et des autres. Donc, cette embellie financière n’a fait l’objet d’aucune tactique ni créativité de la part des différents gouvernements. Par contre, l’arrivée de Bouteflika en 1999 a trouvé un terrain presque assaini par les gouvernements Zeroual et ceux d’avant lui. D’une façon générale, la mise en œuvre du Programme d’Ajustement structurel (PAS) a été à l’origine d’une amélioration significative des équilibres budgétaires. Les revenus budgétaires ont augmenté profitant d’une hausse des prix du pétrole qui rappelons le constituent la variable d’ajustement majeur des équilibres. En effet, les ressources budgétaires sont essentiellement déterminées par la dynamique de la fiscalité pétrolière dont la contribution au budget de l’état s’est accrue d’environ 17 points au cours de la période 1993-2000. Une très forte rigueur budgétaire et monétaire a été menée durant la période 1994-1998 et a conduit à la maîtrise relative du taux d’inflation, des ratios monétaires et du taux de crédit. L’indice général du prix à la consommation a connu au cours de cette décennie deux périodes distinctes. La période 92-95, a été marquée par une forte progression du prix, suivie d’une deuxième période qui s’ouvre à partir de 1996 et qui assiste au déclin de l’inflation. Les chiffres portant à cette période, sont disponibles dans les différents rapports du FMI, CNES, ONS etc. Leur synthèse se trouve dans le tableau ci-après.

Tableau N° 01 : Evolution des principaux agrégats macroéconomiques : 1993-2000

Agrégat

Milliard DA

93

94

95

96

97

98

99

2000

93/2000

En %

Recettes budgétaires

335.6

477.2

611.7

824.0

933.4

784.3

972.8

1136.9

138

Dépenses budgétaires

412.9

566.3

769.6

888.3

940.9

970.7

1078.8

1144.5

102

Solde budgétaire

-77.3

-89.1

-157.9

-64.3

-7.3

-186.4

-106

-7.6

-9.1

Variation de l’indice des prix en % base 100= 1989

24.7

41.3

31.0

19.7

5.7

5.7

1.2

1.2

 

Ratio de liquidité en %

49.1

49.1

40.7

36.7

39.8

46.3

46.0

40

 

Taux d’intérêt base bancaire

(moyen)

17.6

17.6

18

16.3

14

9.25

8.50

8.50

Les politiques de rigueur budgétaires et monétaires menées dans le cadre de ce PAS ont contribué également au rétablissement progressif des équilibres extérieurs comme le prouve la réduction notable des déséquilibres de la balance des paiements sous tendue par celle commerciale et surtout les résultats du rééchelonnement de la dette extérieure. Cette politique a également permis la reconstitution de réserves de change appréciables. Les éléments chiffrés sont synthétisés dans le tableau ci-après :

Tableau 02 : Evolution des éléments du commerce extérieur 1993-2000

Agrégat en Millions de

§ US

93

94

95

96

97

98

99

2000

93/2000 en %

Total importation

7770

9693

10789

9098

8687

8620

9730

9662

144

Total exportation

10500

8907

10260

13476

13723

10054

12552

21692

 

Balance Commerciale

2730

-786

-529

4378

5036

234

2812

12030

 

Taux de change DA/§

23.35

35.06

47.65

54.77

57.75

58.74

66.64

75.29

 

Prix moyen du brut en §/bll

17.52

16.31

17.48

21.65

19.48

12.99

18.20

27.50

 

Réserves brutes

-

2640

2110

4230

8050

6840

4410

11190

 

Dettes extérieures

25720

29650

31320

32090

31200

30200

28100

21360

 

En ce qui concerne le secteur des hydrocarbures, principal pourvoyeur en devises pour les investissements au service du développement national, la loi 86-14 amendée en 1991 et définissant le régime pétrolier de partage de production a été à l’origine des principales découvertes qui ont permis la reconstitution des réserves pétrolières et gazières. En effet, nous savons que dans les activités de l’amont pétrolier, il se passe souvent 8 à 10 ans d’intervalle entre la période d’investissement dans l’exploration et celle de la production qui permet les premiers retours sur investissements. Donc, les premiers contrats passés à partir de 1986 dans le cadre de ce régime n’ont commencé à donner leur fruit qu’à partir de l’année 2000, début justement de ces découvertes. Il se trouve que l’équipe de Bouteflika dans ce secteur précis n’a produit que des débats stériles autour de la fameuse loi sur les hydrocarbures qui, à ce jour, n’a pu être appliquée. Il est probable qu’aucune manifestation sérieuse auprès des investisseurs n’a été remarquée sur les 15 blocs lancés en appel à manifestation d’intérêt dans le cadre l’ordonnance 2006 qui annule certaines dispositions de cette loi.

3- Le bilan politique

Maintenant sur le plan politique et lorsqu’il été en forme, il a travaillé pour lui même en utilisant son expertise diplomatique. On se rappelle son rôle très actif dans le Nepad et l’Union Africaine. Le règlement des conflits Ethiopie /Erythrée, la paix en Somalie, la réhabilitation de la Libye, sa médiation au Soudan et entre l’Iran et les USA etc. Est-ce réellement réhabiliter l’Algérie à l’international lorsqu’on entend la France exprimer son intention d’utiliser ce pays pour l’exploitation du gaz de schiste avec la méthode de fracturation hydraulique qu’elle a interdit chez elle ?

4-Conclusion

Si l’on doit donc résumer le bilan économique de l’équipe Bouteflika pendant ces trois mandats, on dira chiffres à l’appui que le peuple a serré la ceinture pendant une décennie, une équipe de cadres dirigeants, (politiques et gestionnaires directs) ont sacrifié leurs efforts et leur temps pour mener une politique d’austérité et de rigueur pour des salaires minables et un mécontentement général dû à l’impopularité des mesures entreprises et d’autres viennent fin 1999 pour récupérer tous les fruits et s’offrir des avantages faramineux et des salaires choquants. Non seulement ils n’ont rien entrepris mais ils ont détruit ce qui a été réalisé. La corruption durant cette période est devenue un phénomène de société et s’est internationaliser pour la première fois depuis l’indépendance de l’Algérie.

Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier

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Commentaires (2) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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Aksil ilunisen

Et si sur le tableau #2, on met un zero dans chacune des cases sur la ligne "Total Exportation" on degagerait un nouveau solde qui nous aidera a avoir une idee exacte comment et dans quelle Algerie vivraient nos petits enfants........ D'ailleurs, les pratiques "thailandaises" font deja partie des moeurs marocaines et aussi, tout recemment, tunisiennes.

Lfahem yefhem!