Gal Abdelmalek Sellal gal

Le président avec Sellal et Gaïd Salah
Le président avec Sellal et Gaïd Salah

La rubrique politique du journal Horizons du 16 février 2014 retraçait la énième villégiature d’Abdelmalek Sellal en "près-campagne" depuis plusieurs mois pour marteler une pieuse "stabilité" et souligner "les lignes rouges à ne pas franchir"(1).

Le Premier ministre avertissait de la sorte un certain nombre de francs ou apprentis tireurs, notamment "celui qui fait la promotion de ce qu’on appelle le printemps arabe" et auquel il s’adressait par voix de presse interposée pour l’assurer "(…) que les jours de l’Algérie seront un printemps d’amour, de sécurité, de savoir, de connaissance, de construction, de prospérité, de justice et d’égalité. C’est ça l’Algérie"(2). Eh oui, "viva algeria" et tutti quanti puisque ce pays "(…) se porte aujourd'hui mieux qu'hier, (et que) les lendemains seront certainement encore plus enchanteurs"(3). İl y aurait ainsi des bourgeons prêts à fleurir sur les balises directrices du Merlin l’enchanteur ou arlequin "Gal Sellal gal"(4). Ses notes sont tellement solubles dans le répertoire musical et bandes son connues que l’on peut même entendre en arrière fond d’une commedia dell’arte le duo Dalida-Delon chantant «Paroles, paroles, paroles : paroles, paroles, paroles et encore des paroles». "Gal Sellal gal" reprend les rimes et mimes d’une longue tradition orale transmise par des "trouvères" touareg et autres conteurs kabyles chantant, lors des cérémonies de l'existence, les pèlerinages ou l'exil des héros familiers, les comptines et berceuses de l'enfance. İnscrits dans le cycle méditerranéen de la fable orientale et de la gouaille populaire, sa logomachie passe ainsi du magique à l'imaginaire collectif et colporte du lyrisme rédempteur. Partie intégrante d’un processus historique de symbolisation, elle remisait pourtant le 31 août 2013 (lors de la conférence nationale sur l’éducation) la poésie aux rayons de la foi religieuse et réprouvait d’autre part "l’excès d’importance accordé aux sciences humaines"(5).

En intervenant à sa suite dans El Watan du 06 septembre 2013(6), des écrivains, éditeurs ou journalistes(7) rapportaient alors que pendant la décennie 70 la plupart des champs culturels servaient l’anti-intellectualisme d’un Boumediène attaché à consolider les constantes du "socialisme-spécifique", que Chadli Bendjedid avait annulé le Salon du livre, que pour lui et ses proches acolytes la question récurrente restait "Wach idir bel adab ? İrrouh yakhdem, khirlou !"(8). Une société qui ignore les mathématiques ou des sciences exactes se morfond dans "Qoul Aoudou bi Rabi el falaq" (verset coranique), répétera à son tour "Gal Sellal gal"(9). Elle dériverait en quelque sorte dans le pré-monde de la jahilyya, là où se sont engouffrés puis aventurés les peintres de la re-singularisation esthétique, précurseurs auxquels Mohammed Djehiche, le directeur du Musée public d’art moderne et contemporain d’Alger (MAMA), refuse de consacrer une exposition au parcours cognitif, une monstration pourtant indispensable pour saisir la portée immanente d’un "Champ du Signe", et à travers lui les sillons annexes participant à l’arborescence du paysage artistique. L’ex-gestionnaire de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts d’Alger préfère affirmer que "franchement, nous n’avons pas de grands artistes d’art contemporain en Algérie.»(10), contredisant de la sorte un "Gal Sellal gal" laissant croire de son côté que «Les prochains jours seront décisifs pour l’Algérie qui a entamé son parcours vers le progrès et la modernité (…)"(11). En avant toute, tel pourrait être le nouveau slogan de l’heure dans la bouche d’un second couteau coupant le fil mnémonique des bilans comptables pour rejeter l’idée d’un "retour en arrière" tout en évoquant les vertus apaisantes des quinze dernières années, pommade-cataplasme permettant de tourner "(…) définitivement la page grâce (…) à la politique de réconciliation nationale du chef de l’État. Maintenant, nous nous dirigeons vers le développement." Les proclamations pompeuses de "Gal Sellal gal", proférées devant la société civile de la wilaya de Mila, invitaient à exclure les comportements négatifs et les atteintes faites aux institutions, cela à l’approche d’un scrutin présidentiel bidonné mais auquel il faudrait, selon lui, néanmoins adhérer "(…) car c’est l’avenir de l’Algérie qui est mis en jeu." Aussi, orchestre-t-il les violons berçant les «(…) acquis de l’Algérie, que nous allons oeuvrer à renforcer et à soutenir" et enjolivant les logorrhées fitness de l’anti-fitna. Toutes divisions dans les rangs militants ou l’esprit de corps de l’Armée ne pouvant conduire qu’en dehors du bon chemin tracé pour "Préserver l’unité nationale et le sens du patriotisme», il s’agit dorénavant de s’atteler à «(…) éradiquer les crises du logement et de l’emploi (…), à réduire la dépendance aux hydrocarbures (…)", à lutter contre la bureaucratie, à réformer la justice, à consolider la liberté d’expression, à soutenir la presse publique et privée, à améliorer le service public ainsi que "(…) les conditions de vie en Algérie (où) il est très difficile de ne pas reconnaître les grandes réalisations enregistrées ces dernières 15 années".

Sous le dictateur Franco la junte militaire vantait aussi ses réalisations, mais c’est bien après son règne que l’Espagne est définitivement sortie du sous-développement, cela en évitant, comme le conçoit par ailleurs "Gal Sellal gal", de convier les mouvements associatifs, (parmi lesquels les nombreux réseaux islamiques) à s’impliquer dans les actions caritatives, sous le prétexte que le ministère de la Solidarité nationale "(…) n’est pas en mesure de prendre en charge seul, les attentes et préoccupations des citoyens.»(12). Celui de la Culture fut cependant enclin à satisfaire les lubies de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), coproductrice du film Enemy Way (La voie de l’ennemi). Accompli par Rachid Bouchareb, il fut projeté, au début du mois de février, en avant-première à la salle El-Mougar d’Alger devant Khalida Toumi et "Gal Sellal gal", lequel saluera à l’occasion une équipe en compétition pour l’Ours d’or à la 64e Berlinale(13) mais qui ne figurera pas au palmarès de la re-singularisation esthétique mais plutôt à celui du gâchis tant la production a coûté des millions de dinars, voire des millions de devises, et hibernera probablement au final dans la catégorie des flops.

Le second sous titre de la chronique relatant, via le périodique Horizons du 16 février 2014, la visite de travail de "Gal Sellal gal" (au niveau de la wilaya de Mila) étant "Nous devons maîtriser la collecte des ordures", il serait à ce titre assurément temps de penser à ramasser celles traînant au sein d’une Union générale des travailleurs algériens (UGTA) caporalisée depuis le 19 décembre 1962, depuis qu’un pacte dit historique fut conclu avec le FLN par le Secrétaire général d’une centrale fier d’avouer que l’accord recréait "(...) l’enthousiasme révolutionnaire qui (…) permettra de mener à bien notre révolution socialiste"(14), révolution de laquelle s’est considérablement éloigné Sidi Saïd, l’actuel leader du syndicat majeur (donc de l’UGTA) devenu le cireur de pompes du régime autocratique. L’ancien hébergé du collège syndical et politique de Bologhine que nous fûmes, cherche encore à transmettre "ce que chacun de nous a pu arracher au mutisme d'un présent torride", de la clôture d'un système d’appareils bloquant toujours la dynamique des paradigmes émancipateurs. Également responsable de l’oeuvre érigée (avec le sculpteur Ourad) à Annaba le 29 juin 1996 en l’honneur de Mohamed Boudiaf (lynché quatre années plus tôt), nous dévoilons, autant que faire se peut, parfois les travers d’un pouvoir adepte du retour du même sous l'apparence du nouveau puisqu’après la nomination le 02 juillet 1992 d’Ali Kafi à la tête du Haut comité d'État (HCE), Belaïd Abdesselam revenait au devant de la scène politique pour occuper le poste de Premier ministre. Offrant au gouvernement d’alors une coloration "néo-boumedieniste", sa nomination cautionnait le rappel du nationalisme vertueux et surtout l’avant-poste de la "Famille Révolutionnaire". İntronisé comme "l'Homme de la situation", le promoteur de "l'industrie industrialisante" se disait capable d'endiguer la crise en instaurant une "économie de guerre" admise comme la "solution idoine", de rompre avec l'asymétrie d’échanges commerciaux fondés sur l'exportation de produits primaires et l'importation de biens manufacturés. Rompu à la logique bipolaire, il traitait dès son arrivée les journalistes de traîtres ou d'agents de l'étranger. Profitant de la mise en vigueur des lois d'exception envers le terrorisme, il suspendait le 08 août 1992, soit un mois après son investiture, les quotidiens Le Matin, La Nation et Djezaïr el Youm, contraignant de la sorte la profession à un harcèlement judiciaire(15). Le point le plus critique, est qu’il réactualisait en parallèle le concept de "laïco-assimilationnisme", une pirouette sémantique des plus dommageable puisque que s’accentueront dès lors les attentats visant les intellectuels, artistes et journalistes. C'était dans ce contexte insidieux que le ministre de la Culture, Hamraoui Habib Chawki, débutait ses chimériques effets d'annonces en présentant devant quelques médias le projet d'une Université des arts et de la culture, d'une Foire internationale des arts plastiques(16), de belles intentions et promesses jamais matérialisées(17). Coupables d’incitation aux meurtres, Belaïd Abdesselam et Hamraoui Habib Chawki auraient dû être poursuivi en justice et c’est en partie pourquoi il paraît opportun, contrairement aux perspectives démagogiques de "Gal Sellal gal", de revenir en arrière non pas pour constater que «Nos urbanistes manquent d’une touche civilisationnelle»(18), donc encore une fois de "renouveau dans et/ou par l’authenticité" ("tajaddud wal açala"), mais faire l’état des lieux, un réel audit, un minutieux diagnostic sur les nombreux dysfonctionnements. Parmi eux, les frasques parisiennes d’Hamraoui Habib Chawki (encore lui), en parades dans la capitale française alors qu’il était censé servir l’Algérie en Roumanie puisqu’à l’époque son ambassadeur. Plutôt que de se montrer digne de ses tâches diplomatiques, l’ex-présentateur du journal télévisé de la chaîne unique préférait se promener sous les lumières de Panam alors qu’il avait à tenir son poste au milieu de la grisaille d’un ex-pays frère du bloc soviétique. Le monde est parfois petit et nous fait croiser des énergumènes que l’on préféré ignorer. Non, "Gal Sellal gal", les éclaireurs émergents ne lâcheront pas les sales affaires. Voilà sans doute pourquoi il ne souhaite pas d’un printemps arabe ou d’un autre printemps kabyle car à bien regarder, c’est d’abord à Tizi-Ouzou et non pas au Caire, Tripoli ou à Tunis que tout a commencé, que les fissures dans la chape de plomb des césarismes apparaîtront, et cela dès 1980. Conduisant alors la répression berbère, Kasdi Merbah fera ensuite les frais de ses postures inquisitrices puisque exécuté le 21 août 1993(19). Contrairement à Abdelhafidh Boussouf, l’ex-chef du Ministère de l’armement et des liaisons générales (MALG), son élève n’a pas eu droit à une stèle, et à fortiori aux hommages de "Gal Sellal gal"(20) dont les "(…) tentatives d’établir des passerelles entre le pays et ses diasporas, vieux voeux pieux, se sont avérées velléitaires et clientélistes rencontrant dans leur mise en oeuvre, les résistances d’intelligentsias et de bureaucrates établis, rentiers"(21).

"Gal Sellal gal" semble essentiellement obnubilé par les dernières volontés d’Abdelaziz Bouteflika que relaient la plupart des journaux algériens. Elles sont du reste constamment illustrées par une photo le faisant apparaître vaillant et en pleine possession de ses moyens mentaux ou physiques. C’est là un subterfuge grotesque digne d’un "faux à usage de faux" mais que les soutiens à sa reconduction entretiennent quitte à dénoncer puis à condamner le caricaturiste Djamel Ghanem à une amende de 30.000 dinars et à 18 mois de prison ferme. Ce verdict pourrait fort bien se concrétiser le 04 mars 2014 sous couvert des inculpations d’ "outrage au président de la République", d’"abus de confiance" et d’ "accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données", surtout si personne ne manifeste sa désapprobation au nom de la liberté d’expression, et en l’occurrence de la vérité toute crue. Puisque l’ex-ministre des Affaires étrangères de Boumediène est dans un état déficient et que cette évidence maquillée ou grimée ridiculise toute une nation, il faut que la mascarade cesse. Pour cela, il demeure primordial de conforter ou réconforter tous ceux qui ont le courage de contester l’insupportable bouffonnerie, donc pétitionner pour sortir Djamel Ghanem du cachot juridico-mental dans lequel il risque d’être prochainement enfermé, dire que l’intimidation ça ne passera pas, que la peur ça ne doit plus laisser place à l’inhibition des cerveaux !

Saadi-Leray, sociologue de l’art

Renvois

(1) Premier sous titre de l’article consacré par le quotidien Horizons du 16 février 2014 à la visite d’Abdelmalek Sellal dans la wilaya de Mila.

(2) Abdelmalek Sellal, in Horizons, 16 fév. 2014.

(3) Abdelmalek Sellal, in L’Expression, 16 fév. 2014.

(4) Référence ici à la pièce Galou laraab Galou (les arabes ont dit) montée en 1983 par le duo Chérif Ziani Ayad-Azzedine Medjoubi et dont nous avons été, avec les peintres Larbi Arezki et Mustapha Goudjil, l’un des trois décorateurs.

(5) Mohamed Sellal, in El Watan, 30 août. 2013.

(6) Dont l’éditorial s’intitulait Fanon revient.

(7) Rabah Filali, Bachir Mefti Maïssa Bey et Amazit Boukhalfa.

(8) «Que peuvent bien faire nos enfants de ou avec la littérature ? ».

(9) À Kouba, lors donc de la conférence nationale pour l’éducation.

(10) Mohammed Djehiche, in El Moudjahid, 16 déc. 2013.

(11) Abdelmalek Sellal, in Horizons, op. cit.

(12) İbid.

(13) Festival international du film de Berlin clôturé le 16 février 2014.

(14) Rabah Djermane, in NAQD, 04, janv-mars. 1993.

(15) L’ancien code de l'information voté par la défunte APN-FLN était toujours actif.

(16) À instaurer dès le mois de septembre 1992 avec un Salon de la communication et de la presse et un Salon du folklore.

(17) Ces projets furent annoncés dans le journal El Moudjahid du 11 août 1992. Rapportant une visite de Hamraoui Habib Chawki dans la wilaya de Béchar, le quotidien Horizons du 08 août 1992 titrait pour sa part que ce ministre de la Culture militait en faveur «° (…) D'une véritable intifadha culturelle. °».

(18) Abdelmalek Sellal, in Horizons, op. cit.

(19) Formé à l’école de Boussouf et du KGB, Kasdi Merbah était en 1980 le chef de la Sécurité militaire. İl fut abattu avec son fils et son frère dans un attentat perpétré le 21 août 1993 à Bord el Bahri.

(20) Pendant sa journée passée dans la wilaya de Mila, Abdelmalek Sellal inaugurera un monument édifié en hommage à l’ancien patron du MALG.

(21) Kadri Aissa, in El Watan, 01 fév. 2014.

Plus d'articles de : Actualité

Commentaires (1) | Réagir ?

avatar
khelaf hellal

Les lignes rouges, ce sont eux qui les ont franchies avec la corruption généralisée, les transferts illicites de capitaux, la banqueroute frauduleuse d'El Khalifa Bank , le dépeçage de Sonatrach , rien que ça, il faut le faire! Il leur arrive de rougir, mais pas de honte en tout cas, seulement après avoir sifflé un bon plat de fruits de mer et de crevettes royales au Club des Pins pendant que la plèbe crève la dalle.