A la veille de la présidentielle, la stabilité de l’Algérie est-elle menacée ?

La cour du président agite la menace d'instabilité pour justifier un 4e mandat de fait.
La cour du président agite la menace d'instabilité pour justifier un 4e mandat de fait.

A la veille de l’élection présidentielle d’avril 2014, nous assistons à une atmosphère polluée où la majorité du personnel politique invoque la notion de stabilité politique au moment des tensions existent au niveau interne et où se dessine d’importantes reconfigurations géostratégiques à la frontière de l’Algérie. Cette brève contribution se propose de faire un inventaire au nombre de vingt sur la notion de stabilité à partir des différentes déclarations de responsables repris dans la presse algérienne et internationale entre janvier et février 2014.

1- Pour ceux qui soutiennent un quatrième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, la stabilité passe par sa reconduction et ceux qui s’opposent contribuent à l’instabilité du pays.

2- Pour ceux qui s’opposent au quatrième mandat, la stabilité passe par son non reconduction invoquant sa maladie et son absence de l’arène internationale et nationale depuis plus d’une année parlant de « clan présidentiel » qui prendrait en otage le président 

3- Pour certains critiquer le bilan économique du président durant ces quinze dernières années c’est s’attaquer à la stabilité, les dossiers de corruption qui seraient «vides» étant l’œuvre d’un clan pour déstabiliser le président.

4-Pour d’autres le bilan économique est désastreux eu égard à l’importance de la dépense monétaire entre 2000-2013 ayant favorisé les scandales de corruption qui toucheraient les proches du président, conduisant à l’instabilité du pays.

5- Pour d’autres, les attaques personnalisées contre un département sensible de l’armée nationale populaire, constituent un acte de déstabilisation du pays. 

6-Pour d’autres tous les présidents de la république de 1963 2009 ont eu la caution de l’Armée afin de stabiliser le système.

7- Pour d’autres la mise au point du président de la république ne vise pas le secrétaire actuel du FLN, «homme du clan présidentiel» mais l’ensemble des personnes et institutions qui contribueraient à la déstabilisation du pays.

8- Pour d’autres ce n’est pas le quatrième mandat qui posait problème mais la désignation du vice-président qui n’ pas fait consensus expliquant que la révision constitutionnelle programmée fin novembre début décembre n’ait pas eu lieu.

9- Pour d’autres, il s’en est suivi – que cette rupture du consensus au niveau du sommet du pouvoir pour un candidat alors que tous les présidents de la république de 1963- 2OO9 ont eu la caution de l’Armée expliquant que le compromis qui était interne au sein du système, sort au grand public, contribuant à la déstabilisation, du moins apparente , du système.

10-Pour d’autres, il n’y a pas de mésententes entre les centres de décisions, mais une alimentation de l’information, les élections étant fermées pour conserver le système et par là pour voiler les problèmes réels.

11- Pour d’autres encore, il y a rupture entre les centres de décision et pour la première fois depuis l’Algérie indépendante, un général en retraire, ancien commandant de la 3e région militaire, parlant au nom de ses camarades d’armes selon sa propre expression va jusqu’à dénier au chef d’Etat-major actuel, cumulant une fonction politique de vice-ministre de la défense (proche du clan présidentiel selon la presse, son rôle de leader de l’ANP qui toujours selon ses dires ne représenterait que lui-même et non la majorité de l’Armée.

12- Pour d’autres, la justice n’est pas indépendante mais instrumentalisée. Face aux scandales de corruption, et de non nombre d’accusions d’une extrême gravité dont celles de l’actuel secrétaire général du parti FLN non reconnus par une autre tendance et qui pour la première fois est scindé en quatre tendances, reproduites au niveau international, discréditant l’image de l’Algérie, la justice, le Ministre de la justice faisant parti du clan présidentiel, ne réagit pas, reflétant de profondes divergences.

13- Pour d’autres, au niveau international l’on observe avec inquiétude ces tumultes internes pouvant conduire à des dérives incontrôlables, laissant sceptiques les investisseurs internationaux qui attendent de voir. Au niveau intérieur les hommes d’affaires sont inquiets.

14-Bon nombre constate qu’au niveau de la population qui se sent non concernée, les cafés alimentent toutes les rumeurs, les conflits au niveau du sérail, la grève de l’éducation nationale, les tensions sociales qui se généralisent au niveau de la majorité des régions, les tensions au niveau du Sahel et les événements malheureux de Ghardaïa, assistant à un spectacle désolant pour le pays qui commence à faire peur. 

15- Pour d’autres, il est inexplicable que l’on assiste à plus de 100 candidats à la candidature, dont la plupart sont des candidats fantaisistes dénaturant ainsi la politique.

16- Bon nombre se pose la question quel sera le taux de participation, déjà faible par le passé, après le désistement des islamistes, du RCD et éventuellement du FFS, le parti de Ghoul ne pouvant représenter le courant islamiste et celui de Amara Benyounes la région de la Kabylie? 

17- Pour d’autres le candidat du système qui sera choisi devra avoir l’aval des Etats Unis d’Amérique et de l’Europe notamment de la France.

18- Pour la tendance trotskyste représentée par le Parti des Travailleurs, dont la représentante vient d’être reçue par le vice-ministre de la défense, constant à ses idées, ayant invoqué il y a deux années d’une attaque indirecte contre l’Algérie par les USA et certains pays européens, la déstabilisation vient de l’extérieur, en référence à ce qui se passe en Egypte, Libye et en Syrie.

19- Bon nombre constate des alliances contre-nature de ceux soutenant un quatrième mandat , ou de ceux qui sont contre un quatrième mandat les leaders politiques se contredisant sur l'option tant idéologique qu'économique.

20- Bon nombre constate la maturité dont a fait preuve tant l’élite politique que la population tunisienne lors de la révision constitutionnelle.

Comme on le constate tout ce beau monde invoque le terme de stabilité, d’instabilité, dans le sens de ses objectifs dénaturant cette notion, comme on a pu dénaturer par le passé le terme de réformes.

Pour comprendre l’essence de stabilité politique, il est nécessaire de donner la définition à la notion de «stabilité». La notion de «stabilité» peut être définie comme une constance, une capacité du système de fonctionner, gardant inaltérabilité de sa structure et qui permet le fonctionnement et le développement effectifs dans le cas des influences intérieures et extérieures, en gardant sa structure et sa capacité de contrôler les changements sociaux. Elle ne saurait s’identifier avec la légitimité populaire. La stabilité politique, l'ordre politique peuvent être obtenu, en général, par deux moyens : par la dictature ou par un large développement de la démocratie tenant compte des anthropologies des sociétés. La stabilité peut être synonyme de statut quo lorsqu’elle se caractérise par la création et la préservation de l'immobilité, de la constance des structures socio-économiques et politiques. Le statut quo peut s’assimiler à une stabilité statique. Le statut quo est une locution francisée qui vient de la locution latine in statu quo ante signifiant littéralement : «en l'état où (cela était) auparavant» (ou statu quo ante). Cette locution est principalement utilisée pour désigner une situation figée, que l'on trouve dans des expressions typiques comme : «maintenir le statu quo», «revenir au statu quo». Le statut quo est un cout énorme pour la société algérienne dominée par la distribution de la rente, en ce monde mondialisée où n’existe pas d’équilibre car toute Nation qui n’avance pas recule forcément. Cet immobilisme sans base sociale réelle, et sans dialogue, conduit inéluctablement à terme à la décomposition de la société car reposant sur l’autosatisfaction, continuant dans une trajectoire que l’on sait suicidaire en dépensant sans compter par la distribution de traitements sans contreparties productives.

La stabilité réelle passe par des institutions crédibles évolutifs dans le temps, la moralité de ceux qui dirigent , la participation des citoyens à la gestion de la Cité, un minimum de consensus qui ne saurait signifier unanimisme signe de la décadence de la société devant prendre en compte la diversité au sein de la Nation, le développement multidimensionnel tenant compte des nouvelles mutations mondiales, conciliant efficacité économique et justice sociale( à ne pas confondre avec égalitarisme). Car l’on doit différencier la stabilité statique de la stabilité dynamique tenant compte tant de la transformation interne de la société que celle du monde. Deniz Akagül) politologue turc note avec pertinence «que la stabilité politique se fonde sur la balance des intérêts coïncidant et résistant des divers groupes sociaux sur le rapport optimum de la succession et la modification conditionnée par les motivations intérieures et extérieures». Aussi faut-il poser correctement les problèmes : la stabilité politique a-t-elle un impact sur les performances économiques ou au contraire ce sont ces dernières qui déterminent la stabilité politique ? Ou encore la nature du régime, sa stabilité et la croissance se renforcent-elles les unes les autres ? Les enquêtes par bon nombre d’experts internationaux montrent une situation complexe largement influencée par les évolutions politiques et économiques, les dynamiques internes et les facteurs externes. Les analyses sur les interactions entre la nature du régime politique, sa stabilité et le développement économique, aboutissent à des résultats qui restent souvent perplexes tant sur l’existence d’une corrélation que sur le sens des causalités. Quant au lien entre la stabilité du régime politique et le développement, les recherches parviennent à dégager des résultats plus probants, sans toutefois déboucher sur un schéma déterministe politique ou économique solide.

En résumé, l’Algérie traverse un des moments les plus cruciaux de son Histoire. Il faut vite tant la sinistrose, tout ce qui a été réalisé depuis l’indépendance politique n’est pas totalement négatif, que l’autosatisfaction source de névrose collective. Tout le monde reconnait que les résultats sont loin des potentialités de l’Algérie, et elles sont immenses, pouvant dépasser la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée. Le retour à la confiance, sans laquelle aucun développement viable ne peut se réaliser, passe nécessairement par une gouvernance renouvelée, la réhabilitation de l’entreprise créatrice e richesses et son soubassement la valorisation du savoir. Personne n’ayant le monopole du nationalisme, espérons un débat serein sur les vrais problèmes des Algériens, une transparence par la démocratisation des décisions politiques et économiques et un Etat de droit afin de les mobiliser face aux enjeux futurs et aux réformes structurelles différées qui seront douloureuses. Puissent les intérêts supérieurs de l’Algérie l’emporter sur les considérations personnelles dont le but est le contrôle et la distribution de la rente des hydrocarbures au profit d’une minorité. L’Algérie est un grand pays, saura concilier la modernité avec son authenticité par un dialogue productif sans exclusive et éviter grâce aux femmes et hommes de bonne volonté, toute dérive déstabilisatrice.

Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, Expert International en management stratégique

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Commentaires (5) | Réagir ?

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klouzazna klouzazna

OUI... par le DELIRE et le KHORTI de ses propres enfants !!!

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Bachir ARIOUAT

L'Algérie vit depuis 1962, sous la menace perpétuelle de ceux qui ont usurpés le pouvoir depuis cet époque.

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