Tunisie : Mehdi Jomaâ devra organiser les prochaines élections

Mehdi Jomaa, le prochain premier ministre
Mehdi Jomaa, le prochain premier ministre

Après la démission du Premier ministre Ali Larayedh jeudi, le président Moncef Marzouki a chargé, comme le veut la procédure, le chef du parti islamiste Ennahda, majoritaire à la Constituante, Rached Ghannouchi, de lui soumettre une candidature.

La désignation de Mehdi Jomaâ, ministre sortant de l'Industrie méconnu du public, est acquise depuis la mi-décembre à la suite d'un accord politique pour sortir la Tunisie de la profonde crise déclenchée par l'assassinat, attribué à un groupe jihadiste, de l'opposant Mohamed Brahmi. La construction, c'est le domaine de Mehdi Jomaâ. Mais c'est bien la première fois que cet ingénieur désigné vendredi pour former un cabinet d'indépendants en Tunisie chargé d'organiser des élections et de stabiliser le pays, est chargé des fondations d'un État. S'il dispose d'une solide expérience dans le monde des affaires, c'est un nouveau venu sur la scène politique.

Choisi le 14 décembre par la classe politique à l'issue de longues négociations, M. Jomaâ attendait depuis que l'adoption de la future Constitution avance et la formation d'une instance électorale pour que le Premier ministre démissionne, chose faite jeudi. Depuis un mois, ce ministre sortant de l'Industrie a limité au strict minimum les apparitions et déclarations publiques, alors que la vie politique est marquée par un climat de méfiance et de suspicion notamment entre islamistes et opposants. 

Sa tâche est lourde

Mais sa tâche est lourde : former un cabinet d'indépendants accepté de la classe politique pour organiser des élections libres en 2014, alors que les conflits sociaux et l'essor d'une mouvance djihadiste ne cessent de miner la stabilité de la Tunisie. C'est d'ailleurs ainsi qu'il a défini sa mission le 20 décembre : "favoriser les conditions appropriées pour des élections transparentes et crédibles, assurer la sécurité des Tunisiens, et promouvoir l'économie afin de sortir de la crise".

Cet ingénieur au physique robuste et sans appartenance partisane déclarée a été formé par l'École nationale d'ingénieurs de Tunis dont il est sorti en 1988 avant d'obtenir un diplôme supérieur de mécanique (DEA), selon sa biographie officielle. Il entame alors une carrière dans le privé qui l'amènera au poste de directeur d'une division d'Hutchinson, une filiale du géant français Total spécialisée dans l'aérospatiale et dont les principaux clients sont des groupes tels EADS, Airbus et Eurocopter.

Après la démission du gouvernement dirigé par l'islamiste Hamadi Jebali à la suite de l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd en février dernier, son successeur Ali Larayedh fait appel à lui pour diriger le ministère de l'Industrie. "Il est suffisamment compétent et indépendant pour assurer les fonctions de Premier ministre", a commenté Mahmoud Baroudi, un responsable de l'Alliance démocratique, un mouvement d'opposition au parti islamiste Ennahda. 

Il n'a jamais été actif sous le régime de Ben Ali

Âgé de 51 ans et père de cinq enfants, d'après sa biographie diffusée par l'agence de presse d'État TAP, M. Jomaâ n'a jamais été actif en politique sous le régime de Zine El Abidine Ben Ali, renversé par la révolution de janvier 2011. Depuis sa nomination au ministère de l'Industrie, il ne s'est pas engagé sur le terrain miné des batailles qui déchirent la classe politique, s'exprimant publiquement uniquement sur son domaine de compétence.

Il a ainsi beaucoup milité auprès des entreprises et des décideurs européens de passage pour de nouveaux investissements afin d'aider à rebâtir l'économie tunisienne, alors que le chômage reste endémique, un facteur clé du soulèvement de 2011. Mais il s'était aussi prononcé fin 2013 pour des réformes fiscales très impopulaires en Tunisie. Une série de nouvelles taxes a d'ailleurs déclenché des violences à travers le pays cette semaine, si bien qu'elles ont été suspendues par Ali Larayedh jeudi.

M. Jomaâ n'a par ailleurs aucune expérience en matière de sécurité, un dossier clé depuis la révolution en raison de l'essor de groupes djihadistes armés responsables, selon les autorités, d'un nombre grandissant d'attaques. S'il devient Premier ministre, c'est d'ailleurs à la faveur d'une crise politique profonde déclenchée le 25 juillet dernier par l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi, attribué à un groupe islamiste armé. 

"Pas un Premier ministre de consensus"

Il sera aussi confronté à la défiance d'une partie de l'opposition tunisienne qui a vivement contesté sa désignation. Des opposants considèrent en effet que sa participation au gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda aurait dû l'exclure de la course à la direction du gouvernement.

"On ne peut pas choisir comme chef du gouvernement un membre du gouvernement sortant (...) Le Premier ministre choisi ne sera pas un Premier ministre de consensus", a ainsi dénoncé dès le 14 décembre Issam Chebbi, un des chefs du Parti républicain.

Avec AFP

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