Ahmed Amrouche (1911-1942) : le parcours d’un militant exemplaire du PPA

Ahmed Amrouche (1911-1942) : le parcours d’un militant exemplaire du PPA

Ahmed Amrouche, fils de Akli est de Arab Zouina, né le 15 novembre 1911 au douar de Beni Ouakour, dans la commune mixte de Maillot, arrondissement et département d’Alger.

Dès son premier âge, il choisit de partir travailler dans la ville de Constantine et de contribuer au militantisme au sein de l’Etoile du Nord-Africaine puis au Parti du peuple algérien.

Il demeurait au 10 Rue Leblanc, à Constantine (1). Amrouche montra un parcours marquant au sein du Parti du Peuple Algérien au niveau de Constantine. Dans les années 30, il put constituer, avec ses compagnons militants dont Saifi Aissa, Hachemi Baghriche, Filali M’barek, Filali Ali et tant d’autres, une section très active du PPA à Constantine, dans laquelle il fut chef du groupe A, créé par la section PPA à Constantine.

Le 26 janvier 1937, l’Etoile Nord-Africaine fut dissoute par le gouvernement Blum. Deux mois après (le 11 mars 1937), les mêmes militants fondèrent à Nanterre (Paris), le Parti du Peuple Algérien. Pendant la période allant du 13 février 1939 au 29 juin, plusieurs réunions furent tenues par les militants du PPA au café Es Salam à Constantine. Dans un carnet trouvé chez Hachemi Baghriche, militant du PPA à Constantine, Ahmed Amrouche avait assisté aux réunions de 22 et 29 juin 1939 comme étant président du groupe A créé à Constantine.

En outre, il avait assisté à la remise par Baghriche à Saïfi de timbres et de cartes d’adhésion. (2) Selon les biographies des militants du PPA arrêtés et condamnés (d’après les rapports de la police/Gendarmerie française), il est mentionné qu’Amrouche avait adhéré à «l’Etoile Nord-Africaine» et «Amis d’El Ouma» et par la suite au «Parti du Peuple Algérien». Il était considéré comme ''peu influant mais convaincu''. Par la suite, il reconnut son adhésion à ce dernier du début de 1938 au 15 janvier 1939 et nia toutes actions postérieures à cette date. À l’instruction, Amrouche déclara d’abord que l’indépendance de l’Algérie n’a jamais été le but du «Parti du Peuple Algérien» et que les réunions mentionnées par Baghriche n’étaient que de simples rencontres entre amis, au café Es Salam, pendant lesquelles il n’était uniquement question du parti.

Au fait, Amrouche avait reconnu qu’il avait dû être nommé président du groupe et chargé de diffuser le journal «El-Ouma» mais que cette organisation n’avait jamais fonctionné (3).

Le PPA fut dissous Le 26 septembre 1939. Ainsi ses journaux El-Ouma et Le Parlement algérien furent interdits. La plupart des dirigeants du PPA sur le territoire national, dont le militant Ahmed Amrouche, furent arrêtés, inculpés, mis en prison, ou envoyés dans des camps d’internement.

Après cette dissolution, quarante et un militants nationalistes étaient poursuivis pour reconstitution de ligue dissoute, manifestation contre la souveraineté française et atteinte au territoire national et à la sûreté extérieure de l’Etat. Treize d’entre eux, ayant fait l’objet d’un non-lieu, furent libérés. Un autre militant libéré pour maladie, avait pris la fuite. Vingt-sept militants dont Ahmed Amrouche, Messali Hadj, Mohamed Khider …etc, comparurent, le 17 mars 1941 devant le tribunal militaire d’Alger, défendus par plusieurs avocats, dont Déroulède (4).

Au jour du verdict, Amrouche fut inculpé de : - Atteinte à l’intégrité du territoire nationale. - Reconstitution de ligue dissoute. (5) Le lendemain du verdict (18 mars 1941), des inscriptions patriotiques apparurent sur les murs d’Alger «l’Algérie aux Algériens», «vive Messali», «Vive le PPA». Nullement découragés par les condamnations de leurs chefs, les militants y trouvèrent au contraire un exemple à suivre pour continuer la lutte, sans se laisser décourager par la répression. Leur parti, privé de ses responsables prestigieux, s’adaptait à cette période et se renforçait mettant ainsi en échec le but de l’administration (6).

Vers la fin de l’année 1941, une énorme manifestation est organisée par Amrouche et ses compagnons de lutte dans la prison d’El Berrouaghia, à Médea, contre les mauvaises conditions de la prison. Les prisonniers nationalistes affrontèrent courageusement les mauvaises circonstances par un soulèvement, suivi par une grève de la faim. Cependant, l’administration coloniale n’hésita point à accuser Amrouche d’être parmi les principaux incitateurs de la manifestation. Mis dans des conditions trop dégradées dans la prison, torturé par la suite, quelques jours après, Amrouche rendit l’âme dans la prison de Berrouaghia sous l’effet de tortures successives le 09 janvier 1942 (7).

En 1965, Ahcène Amrouche, le frère du martyr, lança une recherche farouche de la tombe de son frère à Médéa. Les derniers résultats n’ont pas abouti : «Des données encore approximatives: le corps fut bien enterré dans une forêt à Médéa, et ce n’est plus facile d’identifier la tombe du martyr». (8)

Au début des années 60, un boulevard à côté de l'hôtel Safir (ex-Aletti) à Alger, porta le nom: "Boulevard des frères Amrouche": Ahmed (décédé à la prison de Berrouaghia, en 1942, et son frère Si L’Mouloud Awaqur, tombé au champ d'honneur, en 1957).

Le 23 août 1965, une grande cérémonie officielle fut organisée à la mémoire des martyrs du village Iwaquren. D’ailleurs, le cimetière des martyrs a été inauguré par Krim Belkacem. Le jour de la cérémonie, des amis du martyr étaient présents, dont Allaoua Boumaaza, ancien condamné du PPA, et ami de Amrouche qui même fit une petite allocution en citant le courage du martyr, son combat et sa vraie cause. Dans le même ordre, une petite stèle était inaugurée pour Ahmed Amrouche au cimetière de Thadarth-Eljdid. A côté de Krim, plusieurs anciens chefs historiques assistèrent à l’hommage, dont, Amar Ouamrane, Mohand Oulhadj et tant de moudjahidines venus d'autres wilayas historiques, de la zone autonome d’Alger, et de toutes les localités voisines (9).

Aujourd’hui, 72 ans après sa disparition, c’est donc notre devoir de lui rendre hommage, à lui et à tous ses amis nationalistes disparus avant le déclenchement de la guerre d’Algérie. Simplement, car ces hommes avaient fondé un jour les premières bases de notre glorieuse révolution.

À vrai dire, le statut de ces nationalistes martyrs avant 1954 reste toujours injustement méconnu.

La mémoire la plus profonde est une mémoire de toute notre destinée (10). C’est le moment alors de nous réconcilier avec notre vraie histoire et de reconstruire intelligemment notre passé. Force de suivre les traces de nos rebelles, la vérité se lèvera un jour sur toutes les tombes inconnues. Gloire aux nationalistes tombés pour l’Algérie. Paix aux âmes de nos martyrs.

Hamza Amarouche

Renvois:

(1) Hachemi Baghriche, Militant à 15 ans au Parti du Peuple Algérien (PPA) - Le pont de la liberté, Editions L'Harmattan, 2005, Creac Histoire, Page 88.

(2) Hachemi Baghriche, Militant à 15 ans au Parti du Peuple Algérien (PPA) - Le pont de la liberté, Editions L'Harmattan, 2005, Creac Histoire, Page 115.

(3) Hachemi Baghriche, Militant à 15 ans au Parti du Peuple Algérien (PPA) - Le pont de la liberté, Editions L'Harmattan, 2005, Creac Histoire, Page 115.

(4) Mahfoud Kaddache, Histoire du nationalisme algérien : Question nationale et Politique Algérienne,1919-1951, volume2, 1980

(5) Hachemi Baghriche, Militant à 15 ans au Parti du Peuple Algérien (PPA) - Le pont de la liberté, Editions L'Harmattan, 2005, Creac Histoire, Page 89.

(6) Ahmed Mahsas, Le Mouvement Revolutionnaire En Algérie, de la 1er guerre mondiale à 1954. Editions L'Harmattan,1982, Page 159.

(7) Témoignage de Mr Letrache, co-prisonnier du défunt Ahmed Amrouche à Berouaghia, en 1942, reculli à Arab Amarouche ben Ahmed au début des années 70.

(8) Temoignages vivants de Arab Amarouche ben Ahmed, recueilli à l’auteur le 01 Juin 2012.

(9) Temoignages vivants de Arab Amrouche ben Ahmed, recueilli à l’auteur le 01 Juin 2012.

(10) Citation de Jean Guitton

Données reliées à l’article:

- El-Ouma : (Journal Mouzabite en langue arabe). Hebdomadaire de tendance nationaliste, favorable aux Oulamas, à l’étoile Nord-Africaine et au PPA. Alger 1933-1938 (Interdit en 1938). Directeur : Abou al yakadan Hadj Brahim.

- Ech Chaab : (le peuple), organe en langue Arabe du PPA. Directeur : Messali Hadj. Rédacteur en chef : Moufdi Zakaria, trésorier : Mestoul, Alger, Quelques numéros en 1937 (Août à Octobre). - Le Parlement Algérien : Hebdomadaire du PPA, lancé en MAI 1939 après l'interdication d'El-Ouma. Alger 1939.

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