Pourquoi les "deux Egyptes" restent inconciliables ? (1re partie)

Les militaires ont repris en main le processus d'ouverture et mis sous le boisseau les libertés démocratiques.
Les militaires ont repris en main le processus d'ouverture et mis sous le boisseau les libertés démocratiques.

Les vendredis se suivent et se ressemblent en Egypte depuis les événements du 3 juillet 2013. Le dernier en date et qui coïncide avec la levée de l’état d’urgence, a vu des milliers d’égyptiens sortir dans la rue à l’appel de l’alliance pour la légitimité sous le signe "non à une justice qui se venge".

En effet, les arrestations des protestataires qui refusent la démarche ou feuille de route de ce qu’ils appellent le coup d’Etat militaire par le général Abdelfatah Al-Sissi se fait au rythme d’une centaine par jour pour atteindre, selon le milieu officiel prés de 20 000. Il n’y a plus de place dans les prisons égyptiennes. Le nombre de morts aurait dépassé les 1022 selon le ministère de la santé égyptien et plus de 6000 à en croire la confrérie des frères musulmans. Il faut ajouter à cela les 846 du 25 janvier au 26 février 2011. Pour quelqu’un de l’extérieur, il lui est très difficile de suivre les méandres de ce qui se passe en Egypte avec l’accélération des événements auquel s’ajoute la subjectivité des médias locaux. Il faut préciser que la stratégie de diabolisation des frères musulmans adoptée dès le début des événements par presse égyptienne, s’est avérée contre productive et ne rend pas du tout service à l’autorité intérimaire puisque qu’à en juger par le vendredi dernier et la tuerie des policiers du Sinaï, la situation ne semble pas se calmer au moment même où le pays en a besoin pour mettre en place son programme d’urgence pour une reprise économique. Maintenant avec l’accident ferroviaire avec 11 morts plus de 40 gravement blessés ajouté aux événements de la commémoration des tués du boulevard Mohamed Mahmoud et le dernier viol de l’enceinte de l’université El Azhar, cette même presse s’en prend carrément au gouvernement au président intérimaire et au gouvernement Beblawi qu’elle juge incompétent pour diriger cette transition et manque d’initiative.

1- Du côté des partisans du retour à la légitimité

Même si une bonne partie de la direction des frères musulmans est en prison, on peut estimer que leur soutien reste solide avec au moins le quart de la population. Malgré leur désarroi complet, leur démarche elle, reste cohérente avec les objectifs qu’ils se sont fixés dès le lendemain de l’écart de Morsi. Leur position depuis quatre mois n’a pas évolué d’un iota et ils restent déterminés. C’est aussi en harmonie avec une telle position que le président déchu ne pouvait accepter le fait accompli même si le 30 juin 2013 a vu un immense mouvement populaire de son rejet et celui des Frères musulmans. Reconnaître les accusations qui lui sont portées et le tribunal qui le juge, serait trahir ses partisans qui ont payé cette lutte pour la légitimité de leur vie. Dans son dernier discours à la veille de sa destitution, il a donné l’impression de reconnaître son échec confirmé par l’ampleur du mouvement de protestation même si les chiffres ont été quelque peu gonflés. Il n’y a jamais eu en Egypte de président qui a mis autant d’acteurs contre lui. Peut être qu’il aurait voulu vérifier tout cela par les urnes mais son écart devait être mené non seulement par l’armée comme on le laisse entendre mais la police et l’appareil judiciaire en faisaient partie. Certains de ceux qui y ont participé ont cru que ce changement remettrait dans le droit chemin une révolution que les Frères auraient fait dérailler. Il n’en est rien. C’est bien une contre-révolution qui se met en marche au nom de la guerre contre le terrorisme, les médias relayant les arrestations de Djihadistes à travers tout le pays, la découverte de caches d’armes, informations données par la sécurité d’Etat n’a jamais été vérifiées. Depuis on assiste au retour triomphant de l’appareil sécuritaire. Certains ont pu se réjouir qu’il écrase les Frères musulmans. Il reste tout de même surprenant que ceux qui prétendent défendre la démocratie et les droits humains s’accommodent de massacres à grande échelle. Tout porte à croire que la volonté de revanche de l’ancien régime est intacte et qu’elle ne se limitera pas aux Frères.

2- Du côté de l’autorité de transition

De l’autre côté, la démarche de l’autorité intérimaire semble évoluée en dents de scie. En effet, elle ne cesse de cumuler les contradictions. D’abord la mise à l’écart du président déchu a été entachée de nombreuses irrégularités qui aurait pu être évitées. On l’enferme (maintenant on le sait) au siège de la garde républicaine pendant plus d’un mois. Il a fallu que la communauté européenne suivie par les Etats-Unis exigent sa liberté pour que le procureur général lui signifie, comme la justice égyptienne sait le faire des accusations très controversées. Au départ, on parlait de son évasion de la prison après la chute de Moubarak, plus tard on pointe une incitation au meurtre devant le palais présidentiel. Dans les deux cas de figure, son lieu a été tenu secret au mépris des lois de la république, et, ce pour des raisons sécuritaires qui n’ont apparemment convaincu personne. Ensuite, si on part de l’hypothèse que la feuille de route préparée par l’armée est l’expression de l’appel de la population sortie le 30 juin, le jugement du président n’en faisait pas partie et devait donc logiquement être laissé à l’appréciation du nouveau président une fois la transition terminée et les institutions mises en place. On se rappelle que l’ancien président Moubarak, avait subit des pressions de l’armée pour ne pas avoir présidé le dernier conseil militaire début février 2011 mais il a fini par démissionner et sa demande a été constatée publiquement à travers le communiqué de son vice président. Ce n’est pas le cas de Morsi dont la démission n’a pas été consommée et donc il continue quelque soit ce qu’on le dise d’en jouir. Combien même, on justifie tout cela par la révolution complémentaire du 30 juin, cette mise en œuvre reste incohérente. En effet, historiquement lorsque les populations sortent pour se révolter, ils abolissent l’ordre établi avec toutes les lois et les règlements qui en découlent. Si les égyptiens admettent que Morsi est un dictateur, comme l’a été le Shah d’Iran ou Ceausescu de la Roumanie, on doit le juger par un tribunal révolutionnaire et non se cacher derrière une réglementation gelée. Maintenant si on lui reconnaît son statut pourquoi se presser pour le juger ou lui appliquer l’article 152 de la Constitution suspendue de 2012 qui réglemente les procédures du jugement du président de la République. Comment a-t-on placé le président intérimaire Adly Mansour ? N’est-ce pas sa fonction de président du conseil constitutionnel qui lui a permis d’être constitutionnellement coopté ? Pourquoi utilise t-on la constitution pour l’un et on la gèle pour l’autre ? Il s’agit là d’une entorse flagrante qu’il reste très difficile de dissimuler à la communauté internationale.

3- Du côté des partis qui ont précipité la chute de Morsi

Le principal parti qui semble t-il avait forcé la main à l’armée n’est pas aussi propre qu’on lui prête. Le mouvement Tamarrod a pu recueillir plus de 22 millions de signatures pour forcer Morsi à démissionner mais en vain. Tout cela est excitant pour des jeunes dont l’ambition est de changer le monde mais encore faut-il avoir des moyens de leur politique ? Ainsi leur lancement publicitaire est assuré par le milliardaire copte Naguib Sawaris, le magnat de la téléphonie mobile, présent dans le monde entier dont l’Algérie. Il leur a offert le réseau pour leur siége à travers toute l’Egypte. Tamarrod reste donc redevable au parti des Egyptiens Libres dont le penchant « Business » est bien connu de la population locale. Leur siège au Caire est mis à leur disposition par un magistrat très connu pour ces manipulations de « reformes ». Il s’agit d’un certain Hicham Bastawissi. Le gauchiste Mamdouh Hamza, leader d’un groupe de construction de bâtiments finance quant à lui l’impression de millions de pétitions qui circulent. Ces jeunes de Tamarrod dont l’importance a été intentionnellement gonflée dans les semaines qui ont précédé le 30 juin, ne sont même pas une organisation mais un simple sigle utilisé par les uns et les autres (y compris les services secrets de l’Etat). Notons que son compte Twitter et sa page Facebook défendent des positions opposées, le compte Twitter étant très critique à l’égard du pouvoir. En qui concerne les autres partis de l’opposition politique regroupée au sein du Front de Salut National (FSN), il a donné sa caution aux militaires et à l’Etat profond. Certains, en son sein, ont pu croire que l’on assistait à un mouvement rectificatif qui replacerait l’Egypte sur la trajectoire du 25 janvier 2011. Mohammed El-Baradei était de ceux-là ; il a été nommé vice-président avant de démissionner à la suite de la sanglante répression du 14 août. Depuis, il est non seulement stigmatisé par les médias (et nombre d’intellectuels et d’écrivains), mais il a été inculpé par un tribunal pour avoir "trahi la confiance du public" ! Cela en dit long sur les juges, dont certains prétendaient qu’ils avaient lutté courageusement contre la « dictature » de Morsi, et qui étaient (et restent), pour leur majorité, un pilier de l’ancien régime. En deux ans et demi, ils n’ont pas été capables de condamner un seul responsable de la période Moubarak et ont même fait libérer l’ancien président. Maintenant, on apprend que ce sont aussi des militants du mouvement du 6 avril, à l’origine des mobilisations du 25 janvier, qui sont arrêtés et inculpés. Le principe constaté de l’extérieur est que toute opposition à la démarche militaire est considérée comme espionnage et trahison.

Rabah Reghis, consultant et économiste pétrolier

Lire 2e partie : Pourquoi les "deux Egyptes" restent inconciliables ? (II)

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Commentaires (8) | Réagir ?

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rabah Benali

Bonjour.

Généralement Mr Reghis, je partage avec interêts les propos et analyses que vous développez sur le présent forum. Cette fois ci, je vous avoue avec regret, ne pas vous rejoindre.

Ce qui se passe dans "Le poulailler bedouin" d'orient en général et en Egypte en particulier, n'est, à mes yeux, pas un "Couscous Algérien"!! Cette contrée appelée Egypte, qui semble vous préoccuper, a joué un rôle déterminant dans le long process causes de nos malheurs et de la tragédie actuelle de mon pays.

Comme dit l'adage populaire de chez nous; "Allah alla yaghleb fess a3la hraoua". !!

"Yattaklou" !! S'ils le souhaitent. Essayons de nous occuper plutôt de notre tragédie.

Tragédie dont voici une des causes principales:

Comme vous le savez, d'ici quelques semaines, un cancereux paraplégique venu d'ailleurs, d' origines éthniques douteuses, traitre aux principes de Abane, Krim, Amirouche, Ben m'hidi, Ben boualaid, Boudiaf et P'ti Omar, pour ne citer que ces braves, sera de nouveau ré-installé aux commandes de l'avion "Algérie". Avion en détresse qui a lancé des" Maday" répétitifs il y a déjà des décénies.

Après s'avoir fait trifouiller et triturer les hémoroides trois mois durant par des médecins "Gaulois" et vendu son âme au diable, le revoilà de nouveau commis d'office; décideur et "Chikour" en chef exclusif aux destinées de cette "Algérie" meurtrie.

Un handicapé cancereux assis sur une charrette, probablement incapable de faire "Pipi" tout seul, "Pilotera" le bolide "Algérie". Il décidera pour le restant de sa vie, par "khobzistes charognards" interposés, des déstinées des peuples d'Algérie. Peuples déculturisés, dénaturés, désabusés, trompés et violés. Peuples laminés par des décénnies de mensonge, d'imposture et de "T'choukir" d'ètat.

Vous, l'"Expert pétrolier" aux seins de la multinationale Algérie version "P'ti Mario Co LTD", au lieu de vous usez à nous expliquer la problématique Egyptienne, essayez plutôt d'éclairer vos lecteurs sur le crash imminent de l'avion fou Algérie.

Logiquement, un "Expert pétrolier" n'est sans doute, pas sans le savoir, que les mamelles nouricières; H R'mel et H. Messaoud; son, t elles aussi, cancereuses et paraplégiques. (Comme "Chikour P'ti Mario"). Ces mamelles riquent à tout moment, elles aussi, de se "crasher".

A cet effet, je vous suggère de laisser l'Egypte aux Egyptiens "Hachakoum". Et d' expliquez plutôts aux unfoirés "Chouaker" d'Alger, la ou les mesures nécessaires à prendre pour préserver et/ou ménager les résèrves hydrocarbures existantes ou ce qui en reste.

Conseillez les plutôts sur le process à suivre pour arréter, ou du moins atténuer à courts termes, l'importation grandissante de carburants et de dérivés pétrochimiques de premières nécessité tels que les polymers plastiques. Polymers, dont une partie considérable finit dans nos champs, nos arbres, nos routes et nos rues sous forme de sacs, de bouteilles et de contenants de tout genres.

Expliquez plutôt, si vous en avez l'occasion, à cet enc…. lé de ministre de l'environnement, que convenir, comme il l'a annoncé dernièrement, avec les 600 producteurs de sacs plastiques que compte le pays, d' augmenter les dimensions des sacs afin d'inciter à la diminutionde leur nombre, n'est que pain béni et vœux pieux pour les importateurs et leurs acolytes.

Un sac plus grand ne peut être que plus lourd donc plus poluant. Il sera juste plus couteux. Il fera le bonheur des importateurs et fabricants. La solution, c'est le couffin traditionnel.

Quand à l'Egypte et aux Egyptiens Hachakoum". Qu'il s'entre tuent s'ils le désirent.

Ils ont bien aplaudit lors de nos décennies noires profitant de l'aubaine pour nous exporter leur misère et leur venin mortel.

Cordialement

Rabah Benali

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albert smail

Ces requins du monde des affaires sont capables de faire périr 20 millions d’égyptiens plutôt que de renoncer à leurs intérêts.

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