Quelle transition énergétique en Algérie face à la concurrence internationale (I)

L'enjeu primordial est de faire de la rente pétrolière un moyen pour une vraie transition économique.
L'enjeu primordial est de faire de la rente pétrolière un moyen pour une vraie transition économique.

Mesdames, messieurs, honorables invités. Permettez-moi d’abord de remercier le FFS de cette invitation à laquelle, j’ai été très sensible sur un sujet qui me tient à cœur depuis 1974, étant non partisan, mon seul souci étant les intérêts supérieurs du pays. Gloire en ce 1er novembre 2013 à nos chouhadas qui nous ont permis l’indépendance de l’Algérie éternelle.

Comment ne pas rappeler que jeune docteur d’Etat en gestion, l’honneur qui m’a été fait à l’âge de 26 ans par le mnistre de l’Industrie et de l’Energie de l’époque de diriger la première audit sur Sonatrach où j’ai pu côtoyer tant à Sonatrach qu’au ministère d’éminents cadres dont mon ami Mohand Cherifi qui font honneur à l’Algérie, de jeunes ingénieurs formés par Polytechnique d’El Harrach, l’IAP, l’Université d’Alger qui n’avaient rien à envier aux plus grandes écoles occidentales, certains par le passé jeunes cadres devenus aujourd’hui responsables à Sonatrach tout en déplorant aujourd’hui tant la baisse alarmante du niveau que la fuite des cerveaux. Par la même occasion permettez d’affirmer qu’ayant côtoyé tous les ministres de l’Energie et les responsables de Sonatrach de 1974 à 2013, que malgré les scandales financiers que relatent quotidiennement la presse internationale et nationale, pratiques qu’il convient de condamner avec force car facteur de démobilisation et de l’accroissement du divorce Etat-citoyens, devant combattre ce fléau étranger à toute moralité sur laquelle doit se fonder un Etat de Droit, non par des institutions administratives bureaucratiques qui souvent se télescopent mais en approfondissant la démocratisation de la société, que la majorité de nos cadres à quelque niveau sont honnêtes. Par ailleurs, comment ne pas mettre en relief, qu’en ce XXIème siècle où nous assistons à d’importantes mutations géostratégiques, il n’ y a pas de place pour les Nations faibles, supposant un minimum de consensus politique, social, et économique sur les grands chantiers à venir ce qui ne saurait signifier en aucune manière unanimisme signe de la décadence de toute société, en vue d’approfondir la réforme globale, les deux fondamentaux du développement étant la maitrise du savoir par une innovation continue et la bonne gouvernance tenant compte de notre anthropologie culturelle, une société sans son élite, et sans savoir est comme un corps vidé de son sang. C’est que les dynamiques économiques modifient les rapports de force à l’échelle mondiale et affectent également les recompositions politiques à l’intérieur des Etats comme à l’échelle des espaces régionaux. L’énergie, particulièrement, est au cœur de la souveraineté des Etats et de leurs politiques de sécurité. Cette présente contribution approfondira la communication que j’ai faite en présence de nombreux responsables de firmes étrangères, d’experts de renom et de nombreux cadres algériens à l’Assemblée nationale française le 31 mai 2013 portant sur le thème « l’Algérie face au nouvel ordre énergétique mondial » portant sur le thème "quelle transition énergétique pour l’Algérie face à la concurrence internationale et la forte consommation intérieure", en cinq parties.

1.- Cerner le concept de la transition énergétique

La transition pouvant être définie comme le passage d’une civilisation humaine construite sur une énergie essentiellement fossile, polluante, abondante, et peu chère, à une civilisation où l’énergie est renouvelable, rare, chère, et moins polluante ayant pour objectif le remplacement à terme des énergies de stock (pétrole, charbon, gaz, uranium) par les énergies de flux (éolien, solaire, biomasse). Le pic pourrait selon l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles, se situer vers 2015-2025 pour le pétrole, 2025-2045 pour le gaz et 2100 pour le charbon. Le développement actuel de l’extraction d’énergies fossiles dites "non conventionnelles", telles que les gaz de schistes ou le pétrole off-shore profond, peuvent repousser le pic, sans pour autant modifier le caractère épuisable de ces ressources. D’une manière générale, l’énergie est au cœur de la souveraineté des Etats et de leurs politiques de sécurité allant parfois à provoquer des guerres. Les avancées techniques (GNL-gaz naturel liquéfié, gaz de schiste, amélioration des performances d’exploitation de gisements d’hydrocarbures) couplées aux dynamiques économiques modifient les rapports de force à l’échelle mondiale et affectent également les recompositions politiques à l’intérieur des Etats comme à l’échelle des espaces régionaux. Aussi s’agit-il de cerner le concept de transition énergétique impliquant de bien répondre à quatre questions essentielles.

Premièrement. Si l’humanité généralisait le mode de consommation énergétique des pays riches, il nous faudrait les ressources de 4 ou 5 planètes d’où l’urgence d’une adaptation pour un nouveau modèle de consommation.

Deuxièmement. Il faut être réaliste et d’éviter une vision unilatérale car les fossiles classiques demeureront encore pour longtemps la principale source d’énergie. Aussi, la transition énergétique doit être fondée sur deux principes : premièrement, sur la sobriété énergique (efficacité énergétique), impliquant la maîtrise de la demande, la sensibilisation, mais aussi la formation pour forger de nouveaux comportements et donc un changement de culture. C’est-à-dire qu’il faut agir sur la réduction des besoins énergétiques en amont en augmentant l’efficacité des équipements et de leurs usages (par exemple nouveaux procédés pour le BTPH pour des économies en énergie, rénovation des bâtiments existants, idem pour l’ensemble du transport un des plus gros consommateurs de fossiles classiques. Deuxièmement, cela renvoie au MIX énergétique qui nécessitera d’adapter le réseau électrique aux nouveaux usages, supposant un nouveau réseau de distribution adapté aux nouvelles productions et de consommations pour garantir la continuité de fourniture et au meilleur prix.

Troisièmement la transition énergétique renvoie à d'autres sujets que techniques, posant la problématique sociétale, autant que la fiscalité énergétique influant sur le choix des allocations des ressources et ayant un impact sur la répartition du revenu par catégories socio professionnelles). Il ne suffit pas de faire une loi car le déterminant c’est le socle social Cela pose la problématique d’un nouveau modèle de croissance : tous les secteurs économiques, tous les ménages sont concernés : transport, BTPH ; industries, agriculture. Les choix techniques d’aujourd’hui engagent la société sur le long terme. Il ne faut pas être pessimiste devant faire confiance au génie humain. Le passage de l’ère du charbon à l’ère des hydrocarbures ce n’est pas parce qu’il n’y avait plus de charbon, et demain d’autres sources d’énergie. Cela est due aux nouveau procédés technologiques qui produit à grande échelle ont permis de réduire les coûts ce que les économistes appellent les économies d’échelle influant d’ailleurs sur la recomposition du pouvoir économique mondial et sur les gouvernances locales. Dès lors la transition énergétique suppose un consensus social car la question fondamentale est la suivante : cette transition énergétique, combien ça coûte, combien ça rapporte et qui en seront les bénéficiaires ?

2. Situation de l’économie algérienne

Il est utile de rappeler que 98 % des exportations du pays sont issues des seuls hydrocarbures et important environ 70/75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées et que selon l’enquête de 2012 de l’ONS le commerce et les servies (microunités à 95%) sont dominants représentant 83% du tissu économique. Nous assistons au dépérissement du tissu productif dont l’industrie représente à peine 5% du produit intérieur brut. Sonatrach a généré quelque 600 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000 et 2012,allant vers 660 fin 2000/2013 selon ses bilans. Cette manne a permis à l'Algérie d'éteindre sa dette extérieure et de diminuer artificiellement sa dette intérieure, et de disposer de réserves de change considérables, 200 milliards de dollars selon le FMI, fin 2013, les intérêts rapportés en 2011 ayant été de 4,7 milliards de dollars selon le gouverneur de la Banque d’Algérie donnant mathématiquement 86% placées à l’étranger en majorité en bons de trésor américains et en obligations européennes à un taux fixe de 3% pour 2010/2012, ce taux étant de 2 à 2,25% pour 2013, réserves auquel il faut ajouter les 173 tonnes d'or. Egalement une dépense publique colossale (parts dinars et devises) d’environ 500 milliards de dollars programmée entre 2004/2013 (mais faute de capacité d’absorption, le montant n’a pas été intégralement dépensé »), tout au plus l’on sait officiellement que 130 milliards de dollars sont des restes à réaliser du programme 2004/2009, avec ce paradoxe, un PIB algérien reste modeste à 188,6 milliards de dollars en 2012 selon le FMI, un taux de croissance moyen de 3% alors qu’il aurait du dépasser les 10%. Selon les statistiques officielles 40-45 % du PIB sont générés par les hydrocarbures et en réalité, tenant compte des effets indirects de la dépense publique via toujours les hydrocarbures, restant que moins de 20% pour les véritables producteurs de richesses et ce pour de 37,9 millions d'habitants au 1er janvier 2013, selon l'estimation de l'Office national des statistiques (ONS).

Autre caractéristique de l’économie algérienne le poids croissant de la sphère informelle. Les plus grosses fortunes en Algérie ne sont pas forcément dans la sphère réelle mais au niveau de la sphère informelle notamment marchande avec une concentration des revenus informels et une intermédiation informelle à des taux d’usure, Selon Deborah Harold, enseignante américaine de sciences politiques à l’université de Philadelphie et spécialiste de l’Algérie se basant sur des données de la banque d’Algérie, l’économie informelle brasserait 50 % de la masse monétaire en circulation soit 62,5 milliards de dollars. Ces données sont corroborées par la Banque d’Algérie où prenant en compte les données de sa note « Amélioration de la circulation de la monnaie fiduciaire en 2012 et 2013 », la masse monétaire M2 (monnaie fiduciaire et dépôts bancaires) étant passée de 25% en 2010 à 25,9% en 2011 pour atteindre 26,7% à fin 2012 et un document du Ministère du commerce algérien pour qui existeraient 12.000 sociétés écrans, nous aurons une transaction qui avoisinerait 51 milliards d’euros soit 66 milliards de dollars, plus de quatre fois le chiffre d’affaires de toutes les grandes entreprises du FCE réunies qui regroupe environ 499 entreprises. Tout se traite en cash expliquant en garde partie la corruption qui freine la mise en œuvre d’affaires saines. Les subventions généralisées sans ciblage favorise un des segments florissant de la sphère informelle la contrebande. A cela s'ajoutent les assainissements répétés aux entreprises publiques qui ont coûté au trésor public plus de 60 milliards de dollars entre 1971 et 2012. Pour les carburants, dont une fraction de la consommation (dont le gasoil) est importée au prix international, je déplore que l’audit que j’ai dirigé pour le gouvernement sur ce dossier stratégique, avec l’assistance du bureau américain Ernest Young et tous les cadres dirigeants de Sonatrach, entre 2007/2008 et dont j’avais soumis aux députés des recommandations concrètes qui n’ont pas été appliquées. Selon le ministre de l’Energie, 1,5 milliard de litres de carburants sortent chaque année illégalement d’Algérie, pour, l’ex ministre de l’intérieur, 25% de la production « est gaspillée et exportée illégalement » aux frontières et pour l’association des commerçants algériens dans une déclaration faite le 23 juillet 2013, 30% des produits subventionnés sont détournées par la contrebande, s’agissant des carburants, du lait, du pain et autres produits de large consommation où 80% transiterait par la sphère informelle. Ainsi l’Algérie subventionne indirectement tous les pays au frontières un grand nombre de produits de première nécessité, comme les céréales, l'eau et le lait, l'électricité et le carburant sinon le taux d’inflation officiel dépasserait les 10/15%. Mais avec une très profonde injustice sociale, celui qui gagne le SNMG au chef d'entreprise national ou étranger, bénéficient des prix subventionnés, n’existant pas de système ciblé de subventions. Outre cette disparité dans l’octroi du soutien de l’Etat, il faut remarquer l’opacité dans la gestion des transferts sociaux qui sont passés de 245 millions de dinars en 1999, à 1200 milliards de dinars en 2011, à 1400 milliards de dollars selon les lois de finances 2012/2013 et 1 603,2 milliards de dinars en 2014, soit 8,8% du PIB (source loi de finances 2014) environ 20 milliards de dollars’ au cours de 81 dinars un dollar). Si l’on applique le cours du début de janvier 2013, un dollar 76/77 dinar, nous aurons 22 milliards de dollars. La dévaluation rampante du dinar algérien étant coté à 5 dinars un dollar en 1973 à plus de 81 dollars en octobre 2013 (112 dinars un euro) par des artifices comptables gonfle la fiscalité hydrocarbures, les taxes à l’importation, artificiellement le fonds de régulation des recettes, voilant l’importance du déficit budgétaire, contribue à l’inflation par une épargne forcée accélérant la détérioration du pouvoir d’achat des revenus fixes au profit des rentes spéculatives et la détérioration de fait du dinar algérien dont l’écart entre le cours officiel et le cours sur le marché parallèle fluctue entre 40/50% selon l’offre et la demande. Face à cette situation où la majorité de la dépense et du pouvoir d’achat des Algériens restent tributaires à plus de 80% des hydrocarbures quelles sont les réserves et les capacités de production ? 

Abderrahmane Mebtoul, Professeur des universités, expert international

Lire la deuxième partie : Quelle transition énergétique en Algérie face à la concurrence internationale? (II)

Plus d'articles de : Analyse

Commentaires (2) | Réagir ?

avatar
adil ahmed

merci

avatar
Sherman Sherman

..... "mon seul souci étant les intérêts supérieurs du pays. Gloire en ce 1er novembre 2013 à nos chouhadas qui nous ont permis l’indépendance de l’Algérie éternelle. "

Rien qu"en lisant cette introduction, çà ne me donne plus envie de lire cet article ! J'en ai marre de ce type d'incantations çà ma rappelle le FLN et ses drabkistes !