Spéculation immobilière et indécence du marché dans une ville défigurée !

Par la poussée démographique et l'absence de véritable politique immobilière, nos villes ont pris d'affreux visages.
Par la poussée démographique et l'absence de véritable politique immobilière, nos villes ont pris d'affreux visages.

Inutile d’être expert en immobilier pour comprendre que le marché en Algérie a atteint l’indécence. Il faut juste être un citoyen lambda avec tout ce que cela sous-entend comme parcours du combattant.

Acheter un bien immobilière pour habitation en dehors de tout placement financier et de blanchiment d’argent, quelle gageure !!! Je ne parle pas du chemin labyrinthique pour acquérir un logement soutenu par l’Etat, il faut des années, voire une décennie d’attente avec les conséquences sociologiques qui en découlent ou encore, moins inavouable, des acrobaties d’influences que cela nécessite. La location est une solution qui reste, aussi, fastidieuse. Alors que la pratique courante dans la plupart des pays du monde est le payement mensuel avec un ou deux mois de garantie, il est imposé à l’Algérien d’allonger un an d’avance pour un loyer faramineux dans un environnement souvent médiocre, plus les frais d’agence et ceux du notaire.

Encore une fois on se rend bien compte que le pays avance la tête à l’envers. Des prix défiant toutes les lois d’un marché immobilier qui devrait tenir compte au moins d’un paramètre essentiel, le revenu moyen du citoyen algérien. Un marché donc échappant à toute forme de régulation et à la logique économique la plus élémentaire.

Autre incohérence

Celle du système bancaire qui annonce un financement immobilier pouvant aller jusqu'à 80% du prix d’achat se basant sur l’avis d’experts conventionnés avec ladite banque. Ces derniers feront une évaluation réelle du bien, à juste titre, alors que l’acheteur sera confronté au prix spéculé. Sans oublier que ce dernier sera taxé sur la valeur réelle du marché et non celle évaluée par l’expert et validée par la banque ! Dans le cas où un accord entre acheteur et vendeur n’est pas trouvé, l’acheteur aura déboursé, a perte, le prix de l’expertise qui est, au bas mot, d'environ 60 000 DA.

Prenons l’exemple de la ville d’Alger

Des immeubles magnifiques, souvent dans un état de délabrement, d’insalubrité et de dangerosité. Combien de passants ont-ils reçu un bout de balcon sur la tête ou, au mieux, y ont-ils échappé de justesse ? Combien de balcons risquent-ils de s’effondrer sans l’excuse d’une moindre secousse tellurique ? Et pourtant !!! On continue à y pratiquer des prix affolants qui ne tiennent compte ni de la vétusté des bâtisses, ni de la difficulté à stationner et ni du taux d’intérêt bancaire qui est au alentour de 6%, alors qu’il devient dérisoire lorsque l’on achète du neuf.

Il ne suffit pas d’un lifting pelliculé des façades d’Alger centre pour redonner du lustre à cette ville magnifique alors que le problème est souvent d’ordre structurel et civique. C’est un véritable chantier de restauration qu’il faudrait envisager et un travail de conscientisation du "citoyen habitant".

Cette bulle spéculative ne pourra pas grossir indéfiniment et fatalement son explosion aura des conséquences redoutables même si beaucoup ne veulent pas y croire. Dans un pays où le seul placement sûr est l’immobilier, alors que nous n’avons pas de véritable économie à valeur ajoutée, cela est inéluctable. Réguler le marché de l’immobilier en Algérie ne pourra se faire que s’il y ait une volonté et une décision politique ferme. Cette régulation permettrait un accès au citoyen plus facile à l’achat ou à la location et diminuerait de façon drastique la tension de la demande du logement soutenu par l’Etat.

Toutes ces difficultés autour de l’acquisition d’un logement se font dans un environnement de villes traumatisées et défigurées. Nos villes reflètent l’agression qu’à subi la citadinité, au sens large et profond, par l’intrusion d’une ruralité qui n’a pas su s’adapter. Ainsi, nous sommes passés de l’urbanité des villes au concept bien de chez nous de la rurbanité (ruralité-urbanité).

Sur le plan esthétique, nous devrions avoir la palme d’or du mauvais goût et du délire architectural si on peut parler d’architecture hormis quelques édifices. Un véritable sujet d’étude socio-architecturo-psychanalytique.

Trouver des solutions à ce carnage, nécessite un travail de titan et la mise en place d’une véritable politique de la ville :

  • Réhabiliter les quartiers qui ont une valeur historique et urbanistique,
  • Revenir a une architecture et a des matériaux de constructions plus en adéquation avec notre climat, notre mode de vie et notre culture,
  • Créer des écoles de formations professionnelles pour la restauration
  • Repenser l’espace public comme un espace de partage et non pas uniquement un espace de passage et intégrer les espaces verts dans les cités et les villes
  • Créer des quartiers nouveaux avec des ratios cohérents en termes d’habitats collectif, semi collectif, individuels, des espaces de loisir, afin d’éviter les cités et des villes dortoirs,
  • Créer des agences foncières plus agressives qui doivent viabiliser les terrains avant de les vendre en tenant comptes des normes urbaines afin d’éviter tout débordement sur la route et les trottoirs,
  • Définir des ratios de densité urbaine selon la vocation des quartiers : d’affaires, habitats….
  • Interdire la destruction des constructions qui ont un cachet particulier ou dans certains quartiers, la destruction de villas pour construire des immeubles, mieux, classer des constructions ou des quartiers,
  • Définir des cahiers des charges strictes et les appliquer.

Pour finir, il est légitime de se poser la question suivante : jusqu'à quand allons-nous subir le diktat de la spéculation immobilière et continuer à voir nos villes péricliter ?

En attendant, une réponse plausible, continuons à rêver les yeux ouverts !

Dr Sabrina Rahmani

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Commentaires (3) | Réagir ?

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Massine Ait Ameur

Avez vous visite un de ces buildings de 10 etages a Alger ou l'ascenceur ne marche plus depuis des decenies au grand damn des gens qui ont achetes des appartements, souvent bien vacants ? quelle misere surtout pour les gens ages! On dirait que l'on vit dans une jungle de puanteur, de saletes.. c'est cela les grands buildings, construits avant l'independance: la pourriture partout. Aller du cote de El-Harrach, Hussein Dey et voyer pour vous meme.

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Quelqun EncoreQuelqun

Ah si vous saviez ma pauvre dame ! Il ne s'agit plus de respect de normes d'urbanisme ou de cahier des charges. C'est encore beaucoup plus simple et terre-à-terre. Il s'agit en fait de "qualité de goût".

L'Algérien lambda n'a plus le sens du bon goût. Pour le vérifier, il suffit d'arpenter les chemins qui montent des villages kabyles. Des centaines de millions dépensées pour, en définitive, ériger des bâtisses communément appelées "villas", mais qui ressemblent beaucoup plus à des fusées qui ne décollent pas (tout comme certaines mosquées). L'Etat- pour une fois- n'a rien à voir dans les goûts des particuliers. Aux tuiles des toits des maisons faisant, jadis, de nos villages "des perles qui ornent le Djurdjura" se sont succédés des dalles quelconques souvent ornées d'antennes paraboliques et de pneumatiques servant (apparemment) de para-tonnerre.

Les pouvoirs publics quant à eux ont d'autres chats à fouetter que de s'intéresser au cadre de vie des citoyens, aux visages de nos villes et villages. Quand on sait que la capitale-même est devenue -au gré des différents mouvements de populations des camapgnes avoisinantes- une sorte de conglomérat de bourgades et de bidonvilles, il ne faut pas s'étonner du reste.

D'ailleurs, qui pourrait aujourd'hui, parmi les plus éclairés, nous définir ce qu'est " un citadin algérien " ?

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