Loi de finances 2014 : transferts sociaux de 22 milliards de dollars et peu de visibilité

Ministère des Finances.
Ministère des Finances.

Une loi de finances n’est qu’un document comptable public et ne peut donner une vision stratégique du développement.

I- Données macro-économiques

a.- Le projet de loi de finances de 2014 table sur une croissance globale du PIB de 4,5% et de 5,4% hors hydrocarbures ; 50 milliards de dollars d’importations et 57,4 milliards de dollars d’exportations d’hydrocarbures tablant sur une croissance globale du PIB de 4,5% et de 5,4% hors hydrocarbures.

b.- Le projet de loi prévoit des recettes budgétaires de 4 218,2 milliards de dinars et des dépenses de 7 592,2 milliards de dinars dont 4.704,4 de dépenses de fonctionnement, soit une hausse de 10,3%, par rapport à 2013 , creusant le déficit budgétaire, devant puiser dans le fonds de régulation des recettes estimées à fin 2014, à 7 226,4 milliards de dinars, soit 39,7% du PIB, le prix de référence fiscal étant établi à 38 dollars le baril.

c.- Le taux d’inflation se situerait, en moyenne, sur l’année 2014, à 3,5%.

d.- Les transferts sociaux représentent en 2014 un cinquième du budget de l’État avec un montant de 1 603,2 milliards de dinars en 2014, soit 8,8% du PIB contre 1400 en 2012, environ, 22 milliards de dollars au cours de 77 dinars un dollar..

2.- Données micro-économiques

a- Pour encourager l’investissement, le PLF 2014 prévoit la suppression des dispositions spécifiques relatives aux modalités d’octroi des avantages pour les projets d’investissement dont le montant est supérieur à 500 millions de dinars et inférieur à 1,5 milliard de dinars.

b- Le projet de loi prévoit un allègement des procédures d’agrément en faveur des projets d’investissement étrangers directs ou d’investissement en partenariat avec des capitaux étrangers.

Leur soumission obligatoire à l’examen préalable du Conseil national de l’investissement est supprimée. L’examen du CNI sera requis uniquement dans le cas où l’octroi des avantages est sollicité par les projets d’investissements » impliquant des étrangers.

c- Le plafonnement fixé à 5 ans, au titre de la période de réalisation des projets d’investissement éligibles au régime dérogatoire de la convention d’investissement, est supprimé.

d- Encouragement sous différents formes fiscales et financières les investissements étrangers qui contribuent au transfert du savoir-faire ou qui produisent des biens avec un taux d’intégration supérieur à 40/50%. 

e- Le délai accordé au ministère de l’Industrie pour se prononcer sur l’exercice du droit de préemption est porté à trois mois au lieu d’un mois actuellement.

f- La règle 49/51% est maintenu pour les activités productives, banques et généralisées au commerce extérieur. Le seuil de détention du capital par les nationaux résidents est de 51% et plus, dans le cadre de partenariat pour les activités de commerce extérieur alors qu’avant ces activités ne pouvaient être exercées par des personnes physiques ou morales étrangères que dans le cadre d’un partenariat dont l’actionnariat national résident est égal à au moins 30% du capital social

g- Les concessionnaires automobiles et les importateurs de véhicules seront obligés d’installer une activité industrielle ou de service ou toute activité qui a un lien direct ou indirect avec l’industrie de l’automobile dans un délai de trois ans

h- Le PLF 2014 reconduit l’exonération des droits de douanes et de la TVA applicables aux produits et aux matières premières de la filière avicole, ainsi que l’exonération de la TVA du poulet de chair et des œufs de consommation, jusqu’au 31 août 2014

3- Appréciation : sept remarques

1.- Cette loi apporte peu de changements fondamentaux par rapport aux autres lois de finances s’inscrivant toujours dans le cadre d’une économie de rente comme en témoigne l’importance des transferts sociaux ( 22 milliards de dollars) afin de calmer le front social à la veille de l’élection présidentielle : distribuer des revenus sans contreparties productives toujours grâce à la rente des hydrocarbures. Les subventions généralisées et sans ciblage sont à la fois source d’injustice sociale , d’inefficacité économique et de gaspillage.

2.- Les prévisions de taux de croissance doivent s’inscrire dans le véritable contexte du maintien de la dépense publique à savoir un prix du baril fluctuant entre 100/110 dollars, existant une contradiction avec cette fourchette fournie par le gouverneur de la banque d’Algérie et la déclaration récente du Ministre des finances qui l’estime à 71 dollars. L’OPEP dans son rapport de juillet 2013 estime la dépense publique algérienne sur la base d’un cours de 125 dollars le baril pour 2013 contre 115 pour 2012. En cas de chute brutale, ce taux de croissance est dérisoire et ne sera pas atteint. D’ailleurs, établir le calcul à 37 dollars est une chimère alors qu’il serait souhaitable de recourir au cours du marché (moyenne annuelle) pour plus de transparence en supprimant ce fonds de régulation, quitte à mettre le surplus, comme en Norvège dans un fonds intouchable pour les générations futures. La manipulation du cours du dinar par une dévaluation rampante accroit artificiellement le fonds de régulation et la fiscalité des hydrocarbures et donc la réalité du déficit budgétaire.

3.- La valeur des importations contenues dans cette loi est en contradiction avec les récentes statiques officielles. Si l’Algérie maintient le rythme d’importation du premier semestre 2013, la valeur des importations de biens seront de 60 milliards de dollars fin 2013 auquel il faut ajouter 12 milliards de dollars de services (‘ données officielles de 2012) soit 72 milliards de dollars fin 2012 plus les transferts légaux de capitaux des sociétés étrangères fluctuant entre 4/6 milliards de dollars. Dans ce cas il faudra puiser dans les réserves de change estimées à environ 190 milliards de dollars (86% étant placées à l’étranger) d’autant plus que els statiques récentes montent que le taux d’intérêt par le passé de 3% avoisine en 2013 2% à 2,25% , posant la problématique de leur rendement.

4.- Le taux de chômage est biaisée incluant les sureffectifs des administrations, des entreprises publiques et l’emploi informel qui représente plus de 50% de la superficie économique, autant que le taux de croissance. L’on peut démontrer à partir du renversement de la matrice du tableau d’échange-industriel que 80% d’effets directs et indirects sur la valeur ajoutée le sont grâce à la rente des hydrocarbures, restant aux entreprises créatrices de richesses autonomes que 20%

5- Le taux d’inflation, autant que le taux de croissance se calcule par rapport à la période passée. Ainsi, un taux plus bas en 2013 par rapport à 2012 taux élevé qui a approché les 9% officiellement, donne un taux cumulé élevé. Comme le calcul officiel du taux d’inflation en Algérie est également biaisé, comprimé par les subventions, sinon il dépasserait largement les 10/15%. Une appréciation objective doit mettre en relief les liens entre l’accumulation, la réparation du revenu et le modèle de consommation par couches sociales : celui qui perçoit 20.000 dinars par mois n’a pas la même perception que celui qui perçoit 300.000 dinars.

6.- Les obstacles à la croissance hors hydrocarbures et donc à l’épanouissement de l’entreprise créatrice de richesses sont le terrorisme bureaucratique à plus de 40%, intiment lié à la logique rentière dominante, un système financier inadapté (25%, le système socio-éducatif avec l‘effritement du niveau et la non adaptation à l’environnement (25%) et le foncier avec l’aménagement de toutes les commodités (10%),

7.- Une loi de finances n’est qu’un document comptable public et ne peut donner une vision stratégique du développement. L’Algérie souffre d’un manque flagrant de management et de planification stratégique au sein de laquelle doit s’insérer une loi de finances. Il existe une loi valable pour tous les pays : 80% d’actions mal ciblés ont un impact s de 20%, mais 20% d’actions bien ciblés ont un impact de 80% sur la sphère économique et sociale. Sans s’attaquer aux causes fondamentales du blocage qui sont structurelles, malgré toutes ces mesures d’encouragement à l’investissement, si louables soient-elles, une loi des finances de portée conjoncturelle, n’aura que peu de portée sur la création de la valeur ajoutée à moyen et long terme afin d’éviter les remous sociaux. On ne crée pas des emplois par décret ou en privilégiant l’administration car le taux d’emploi (non les emplois rentes) est fonction de l’investissement productif , lui même tributaire de l’innovation continue, y compris dans les nouvelles technologies, pour avoir un taux de croissance durable. Aussi travers cette loi l’on ne peut cerner le problème essentiel : comment insérer la sphère informelle dominante , sans laquelle aucun Etat de Droit ne peut se réaliser ; comment réaliser la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, elle même fonction d’une réelle transition énergétique incluant la protection de l’environnement , dans le cadre de la mondialisation, ne pouvant m’expliquer ces constructions de millions de logements selon les anciennes méthodes consommatrice d’énergie.

Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, expert international en management stratégique

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Bachir ARIOUAT

Il n'y a jamais de visibilité en Algérie sur quoi que ce soit, la visibilité permet de découvrir les vérités et une lisibilité des gestions des organismes de l'état, elle permet de savoir où est passé l'argent de l'état, pas de visibilité, pas de preuve, pas gestion, je remplis mes poches, ni vu, ni connu, c'est cela gestion en Algérie.