"L’odeur des planches", de Samira Sedira

Samira Sedira
Samira Sedira

Samira Sedira a publié "L’odeur des planches" chez les éditions la Brune au Rouegue. C’est le premier ouvrage de cette comédienne d’origine algérienne.

Dans L’odeur des planches, Samira nous livre son histoire. Elle passe ainsi de la lumière à l’ombre. Cette partie que nous ignorions jusqu’à présent de son passé. D’une écriture maîtrise, puissante, elle déroule aux lecteurs son enfance dans l’Algérie des premières années de l’indépendance. En 1969, elle quitte Oran pour la France avec sa mère. Son père les attendait de l’autre côté de la Méditerranée. Pour sa mère, ce fut un terrible déchirement. Pour elle une nouvelle vie qui commence.

Samira Sedira a vécu un temps au paradis, un hôtel tenu par un Kabyle où se retrouvait le lempen proletariat de l’émigration. « Le Paradis » n’en était pas un, glisse-t-elle. "Sur les murs de la chambre des taches bizarres, auréolées de graisse ou urine séchée, des traces sur la moquette aussi, partout des traces de chiures, de la moisissure."

Changement de décor avec l’entrée dans un logement HLM. Des cubes en béton de trois étages, disposés en demi-cercle. L’intérieur tranche avec "le Paradis". Blancheur des murs et propreté. La famille a deux chambres. "Ma mère esquisse un sourire", mais elle ressent toujours autant de déracinement. Pour elle rien n’a changé au fond. "Ma mère, elle, ne fait rien. En général, après notre départ, elle lave la vaisselle, donne un coup de serpillière, s’assoit à la table de la cuisine, à la même place que le matin, puis lentement touille son café noir". Les gestes sont immuables pour cette femme. 

Son père est un ouvrier spécialisé. Un OS de la soudure. Il va trouver une place de soudeur dans une entreprise de construction maritime. Samira a d’abord les langues étrangères à la FAC, puis sous l’impulsion d’une amie, elle a rejoint le groupe de théâtre universitaire. Ce fut une révélation. Samira a tout de suite apprécié les tréteaux. «Les premiers mots que je prononçai furent ceux de Shakespeare. Le roi Lear. Je ne sais plus quels étaient ces mots, mais je reste à jamais marquée par le silence de mes partenaires, leur incroyable écoute, si dense». Un nouveau chemin était tracé pour elle.

Après sa réussite au concours de l’école supérieure d’art dramatique de Saint-Etienne, elle enchaîne les expériences théâtrales. Comédie de St Etienne, TNP de Villeurbanne, Théâtre national de Toulouse, etc. "Rien ne me prédestinait au théâtre, rien", écrit-elle. Ses parents "ne savaient même pas que cette forme d’expression existait". En clair, ils vivaient les conditions d’ouvriers émigrés, souvent à mille lieues de la culture.. A chacun de ses passages, un souvenir de ce bout de vie qui démarre en trombe. Cependant, l’effervescence des planches ne dura pas. Le chômage pointe. En février 2008, Samira Sedira reçu un courrier des Assedic. Trois mots retiennent son attention : fin des droits. C’est le couperet et le début de la galère pour la jeune comédienne. Pendant deux décennie, elle a joué de nombreuses pièces de théâtre, puis plus rien. L'enfer du chômage. Elle se sent anéantie. Mais elle n’a pas le choix, elle doit quand même trouver un travail. La comédienne est engagée comme femme de ménage. "Quinze heure par semaine", six cents euros par mois. Pourtant, "au théâtre on ne comptabilise pas ses heures", car pour son dernier spectacle, son salaire s’élevait à 4000 euros. 

Mais toute la force de ce roman vrai est surtout dans le style d’écriture. La rythmique du récit est palpitante, sans fioritures. Avec des flashs sur l’enfance, l’Algérie. Samira Sedira se livre. Elle confie combien c’est désagréable de devenir servante des autres. L’ingratitude des patrons qui n’ont aucune décence, ni respect de l’hygiène. La vie dans sa dureté a fait oublier à la comédienne, un temps, "l'odeur des planches". 

Le récit est émouvant, juste sur une expérience de vie. Un changement de trajectoire qui peut arriver à tout le monde. Nul n’en est à l’abri. Il y a de la pertinence dans ce roman et une forte dose de courage à se livrer aux lecteurs.

Kassia G.-A.

L'odeur des planches, de Samira Sedira. Editions La Brune au Rouegue.

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Commentaires (4) | Réagir ?

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Atala Atlale

Je prie Kassia et mes amis internautes de ne pas m'en tenir rigueur pour mes fautes d'orthographe d'accord principalement : lire plusieurs salles.. de petits théâtres, nombre de salles etc.

Est ce dû à la fatigue par ces temps qui nous déçoivent quotidiennement. Heureusement que l'automne est là pour nous apporter sa brise marine. Une saison que j'apprécie particulièrement.

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Atala Atlale

Je crois que la culture dérange quelque part. Il y a eu au départ au lendemain de l'indépendance, plusieurs de salle de cinéma, de petits théâtre en gestation, l'Opéra d'Alger, devenu par la suite le TNA. Qu'en est-il aujourd'hui, le nombre de salle de cinéma réduit à quelques dizaines. Pourquoi est ce en raison de l'impact du théâtre sur la société, il est vrai qu'il constitue un vecteur, un message, le quotidien vécu est en prise directe avec la société. Il y avait réalisation des années 70 qui dressait un véritable réquisitoire contre les tares de notre société : corruption, vol, justice entre guillemets etc. le titre était "Chayeb lekhedim". Complètement disparue, elle reste certainement d'actualité. Dire que l'Opéra d'Alger ouvrait ses portes le vendredi aux algéroises avant l'indépendance, les femmes appréciaient nos talentueux comédiens dont le naturel sur les planches disent-elles n'a rien à voir avec les pitreries d'aujourd'hui. Hélas Kassia. Le temps passe et nos soupirs ne serviront à rien.

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