Haro sur les stratèges de la manche !

Qui sont-ils tous ces mendiants ?
Qui sont-ils tous ces mendiants ?

Ils sont partout, ils sont tous là. Ils sont venus, avec la ferme détermination de rafler le jackpot. Ils, ce sont les mendiants et le jackpot, très alléchant, c’est la zakat d’el-fitr, aumône obligatoire, que tout algérien, pratiquant ou pas, est obligé de « sortir », pour purifier son jeûne et celui de la famille dont il a la charge.

Ce pactole peut-être, facilement, évalué si on part du principe que chaque personne doit s’acquitter de 100 dinars. Nous sommes quelques 35 millions d’algériens. Une famille moyenne dans notre pays est estimée à 3/4 personnes. Faites vos comptes, mesdames et messieurs ! Cela suscite, aussi, des convoitises d’autres personnes, en charge de la collecte de cette zakat, qui n’hésitent pas, pour la circonstance, à se sucrer au passage, mais ça c’est un autre sujet.

Ceux qui nous intéressent, les mendiants en l’occurrence, se parent de leurs plus mauvais atours, de hardes et de haillons, pour susciter quelque pitié et pour arriver, ainsi, à nous soutirer cette zakat. Il faut dire qu’ils se sont préparés pour la circonstance, eux et leurs mentors qui disposent de tous les moyens, pour essaimer "leurs soldats" et quadriller tout le territoire, d’autant plus que le jeu en vaut la chandelle. Il faut, aussi, admettre que la mendicité en Algérie, a prit des proportions phénoménales, à telle enseigne, qu’il est difficile de distinguer le mendiant « honnête » du mendiant "professionnel". Nous allons tout de même essayer, à travers cette contribution, d’en démêler l’écheveau.

Qu’est-ce que la mendicité ?

La mendicité est la forme la plus sensible et la plus grossière de l’indigence solliciteuse. Elle s’adresse indifféremment à tous et à chacun ; elle s’établit sur la voie publique, sur le seuil des mosquées, des marchés hebdomadaires et en tous lieux ou se pratiquent des flux humains ; elle cherche les endroits les plus fréquentés ; elle ne se borne pas à exprimer ses besoins, elle en étale les tristes symptômes ; elle cherche à émouvoir par ses dehors autant que par son langage ; elle se rend hideuse pour devenir éloquente ; elle se dégrade pour arriver à ses fins.

Comment est-elle perçue en Islam ?

La mendicité en Islam est une pratique reprouvée puisqu’elle est considérée comme une mauvaise conduite qui risque de mener son auteur à l’irréparable. Il y a des hadiths qui prescrivent le mendicité, mais aussi d’innombrables versets du Coran qui exhortent le croyant à être généreux avec son prochain, à ne pas être avare, à dépenser sans compter, dans la voie de Dieu. Ainsi, l’Islam adopte, somme toute, une position équilibrée. Il fait l’éloge du pauvre qui s’abstient de mendier et encourage le nanti, à pratiquer la charité et à dépenser dans le bien.

Ceci est d’ailleurs parfaitement étayé par un Hadith du Prophète (QSSL) rapporté par Abou Hourayra : « Quand l’un de vous rapporte sur son dos un fagot de bois, cela lui est bien préférable que de tendre la main aux gens dont certains lui donnent quelque aumône et d’autres ne lui donnent rien » (Al Boukhari –Mouslim). Ou encore cet autre Hadith : «Celui qui mendie pour accroître ses biens ne mendie en réalité que des braises (d’enfer) soit qu’il demande peu, soit qu’il demande beaucoup»

Le mendiant, qui est-il, d’où vient-il ?

Le mendiant est une personne qui vit matériellement d’aumônes, d’argent ou de la nourriture donnée par charité. Le mendiant est habituellement sans domicile fixe et se déplace dans un espace public, devenu par «la force des choses» son territoire. Son activité était par le passé, paradoxalement, reconnue, honorée et respectée ; le mendiant recevait nourriture et hospitalité, selon une coutume et des principes ancrés dans la mémoire populaire. Il faut préciser d’ailleurs à ce propos, que la charité n’était octroyée qu’aux mendiants originaires du lieu, dont le statut d’indigent et de miséreux était avéré, les autres mendiants, usurpateurs, n’avaient pas droit à l’aumône et ils étaient chassés hors des limites des lieux. Par le passé, on distinguait le vrai mendiant qui, faute de capacité d’emploi, d’handicap prononcé, d’inexistence de revenus, d’absence de solidarité familiale ou autre, ne pouvait compter que sur les dons pour subsister.

Sa déchéance, parfois provisoire était souvent due à une pénurie d’emploi ou chômage, à un éclatement de la cellule familiale, à un divorce, ou à la perte du logement. Elle durait cependant dans le temps quand ce mendiant devait son état à l’alcoolisme et à la toxicomanie. Réduit ainsi en loque humaine, ce type de mendiant, véritable déchet, s’abreuve d’humiliations comme à plaisir ; l’indigence alors ne reçoit plus de bienfaits, elle perçoit des tributs ; elle ne doit rien à la charité, elle doit tout à la fatigue ou à la crainte émanant de ce type de personnage, qui récolte ainsi quelques pièces, qu’il doit néanmoins ramasser. Et le ressenti par rapport à ce type de mendiant, parfois agressif, n’est que honte, empathie, dégoût, tristesse, indifférence, pitié, voire désespoir quant à la race humaine.

Il est évident et on ne peut l’ignorer, que la fermeture d’entreprises, conjuguée au désastre occasionné par la décennie noire avec son lot de déracinés, d’handicapés, d’orphelins et de veuves, ont contribué à gonfler le rang des mendiants. Les faux mendiants, quant à eux, sont organisés en bande, transportés et ventilés par des réseaux maffieux, et agissent comme des employés modèles, structurés et soumis à des obligations professionnelles » et même à une obligation de résultat ou de quota à atteindre. Dans ce ramassis, on ne peut ne pas remarquer la présence de jeunes femmes avec des nourrissons marmonnant quelques litanies pour faire pitié. Cet étrange attelage "mère-bébé", à croire qu’il a été cloné pour la circonstance, s’essaime sur les voies de circulation. En fait, il n’est pas difficile d’observer que l’enfant porté n’est pas celui de la mendiante, dès lors qu’elle ne manifeste aucune affection particulière à son égard.

Cette panoplie n’est pas exhaustive bien sûr, tant les faux mendiants redoublent d’ingéniosité dans leur "art". Et comment ne pas signaler cette information relative aux centaines de personnes, originaires de wilayas lointaines, débarquant à Souk- Ahras la veille du mois de Ramadhan, pour repartir après l’Aïd, après avoir ratissé de fond en comble la ville, vidé les poches de ses habitants et raflé la zakat d’El Fitr. Leur ingéniosité n’a d’égale que leur capacité à louer des maisons à la périphérie de la ville ciblée, voire même, à prendre des chambres d’hôtel in situ, pour s’adonner, plus facilement et dès l’aube, à leur « métier ».

La mendicité, segment caché de l’emploi informel ?

Le phénomène de la mendicité, a dépassé tout entendement et ses ramifications semblent sans limites. Car c’est bien d’une profession ignoble dont il s’agit, même si bien sûr il ne faut pas oublier qu’il y a encore des nécessiteux, qui s’abstiennent souvent de tendre la main et, s’ils s’y résignent, c’est en désespoir de cause, et pour le moins, provisoirement pour la plupart. Cette organisation de la (fausse) mendicité, outre ses moyens matériels, obéit, comme il a été affirmé supra, à une structuration rodée et hiérarchisée avec des leaders, des kapos et des besogneux avec à la clef, des recettes à faire pâlir les capitaines d’industrie les plus entreprenants.

Le désarroi du musulman 

Continuer, cependant à donner la zakat ou l’aumône, au feeling, selon sa conscience, ou essayer de contribuer à faire cesser cette dérive en s’abstenant de répondre aux sollicitations, ne constitue pas, à contrario, la solution à même d’éradiquer ce fléau et de tranquilliser le musulman, citoyen par ailleurs. Il doit quand même être prudent et distinguer, autant que possible, le nécessiteux du mécréant. 

La responsabilité des pouvoirs publics

Si l’on ne met pas le curseur sur la mendicité, notamment celle prise comme métier, avec ses raquetteurs et ses besogneux, pourra-t-on parler, décemment, de politique nouvelle de la ville, d’investissement touristique ou globalement de développement ou d’amélioration du cadre de vie en Algérie ? Bien évidemment non. Voilà donc, un chantier à ouvrir absolument, d’autant plus que l’ordonnance nº 69-51 du 17 juin 1969 portant l’interdiction de la mendicité et du vagabondage stipule dans son article 1er « la mendicité et le vagabondage sont interdits sous quelque forme que ce soit, sur toute l’étendue du territoire », et dans son article 2 que « toute infraction est passible d’emprisonnement de 2 mois à 2 ans et en cas de récidive, la peine pourra être portée à 5 ans ».

De plus, même si la loi algérienne criminalise la mendicité, le législateur ne doit pas être en reste concernant l’ampleur du phénomène et doit à mon sens, plancher rapidement sur « l’exploitation de la mendicité et son organisation en réseaux » et combler ainsi le vide juridique en la matière. 

Concernant enfin la mendicité des mineurs ou l’exploitation d’enfants et même si on est loin, très loin même du Maroc où la mendicité infantile, qui bien que coutume ancestrale, est extrêmement gênante notamment pour le touriste qui se voit sollicité à chaque pas, il y a urgence absolue à intervenir devant ce péril auquel il faut opposer une tolérance zéro, pour sauvegarder ces enfants de la rue, qui sont déjà stigmatisés par une image de déchéance, la leur et celle de leur exploiteur, avant d’avoir un peu de prise sur leur propre vie.

Conclusion

Le gouvernement a placé parmi ses priorités, l’éradication des marchés informels et des parkings sauvages. Il en a confié l’exécution au Ministère de l’Intérieur qui en a fait son crédo. Le dossier de la fausse mendicité est autrement plus ardu dans le sens où il impliquera, autant les collectivités locales que les services de sécurité, face à des citoyens, certes, mais marginaux et peu scrupuleux. S’agissant d’un fléau national, les institutions concernées doivent, d’ores et déjà, se mobiliser et se tenir prêtes. 

Au Premier Ministre de prendre la décision qui s’impose, car il y va de l’ordre et de la salubrité publics.

Cherif Ali

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Commentaires (12) | Réagir ?

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Atala Atlale

Faire en sorte que le projet de la grande mosquée soit remplacé par la construction d'hôpitaux et d'autres infrastructures manquant gravement dans un pays qui est en passe d'être ruiné par la prédation et les projets sans aucun rapport avec les besoins d'une société où les déficits en logements et en équipements sociaux s'accumulent. OUI M. Muhend Kuriet !

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albert smail

Moi je les aime bien ces Mendiants. Eux, au moins, ils ont le merite d'aller droit au but et d'etre franc avec vous... ils vous prennent quelques pieces sans pretendre vous apporter une contre-partie.

Remarquez, d'ailleurs, que ce sont les commerçants qui se plaignent le plus de cette categorie de citoyens parce qu'ils ne supportent pas d'etre concurrencés de maniere aussi intelligente.

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