Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 3. LE PROTÉGÉ

Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 3. LE PROTÉGÉ

Après plusieurs jours d’hospitalisation à Paris pour un mini -AVC, selon la version officielle, suivis d’une longue convalescence, le président algérien Abdelaziz Bouteflika, totalement amoindri, est donc rentré mardi 16 juillet au pays et, dit-on, revient aux affaires. L’Algérie est livrée à un homme visiblement impotent et dont on ne sait toujours rien de la gravité de la maladie. Dans quel état est-il réellement ? Une brume, autour de l'état de santé du président, doublée d’une cacophonie de rumeurs, a été habilement entretenue.

Avant de rentrer ce mardi 16 juillet, Bouteflika se sera donc absenté 80 jours. Dans tout autre pays, la constitution aurait été actionnée pour permettre la continuité du fonctionnement des institutions. Du reste, l’article 88 de la constitution algérienne prévoit le cas d'empêchement dans le cas où le Président de la République, «pour cause de maladie grave et durable», se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions. Cela n’aurait choqué personne, s’agissant de l’unique autocrate à avoir échappé à la colère de la rue, parmi ceux qui dirigent les fausses républiques arabes, de l'Egyptien Moubarak au Libyen Khadafi, en passant par le Tunisien Ben Ali ou le Syrien Assad…

Mais l’Algérie n’est pas n’importe quel pays et Abdelaziz Bouteflika n’est pas n’importe quel président !
Deauville, printemps 2011. Bouteflika pose pour la photo de famille au milieu des chefs d’Etats démocratiques réunis au G8, deux mois à peine après avoir été «Bouteflika l’indésirable», «Bouteflika dégage !». Ce n’est un problème pour aucun d’entre ces puissants de se faire photographier aux côtés d’un des derniers absolutistes à avoir échappé à la colère de la rue, parmi ceux qui dirigent les fausses républiques arabes, de l'Egyptien Moubarak au Libyen Khadafi, en passant par le Tunisien Ben Ali ou le Syrien Assad.

Mais cela dérange qui ? Bouteflika est toujours là, candidat plus que jamais à sa propre succession en 2014, à l’inimaginable, un quatrième mandat, au milieu des tempêtes arabes, des colères des peuples et des exaspérations des opinions publiques… décidait d’un péremptoire distinguo entre deux créatures du despotisme arabe parmi ceux qui ont institué le pouvoir à vie après avoir violé la Constitution de leur pays, le président syrien Bachar El Assad et le président algérien Abdelaziz Bouteflika. Le premier, labélisé dictateur, devrait quitter son pays, nous dit le chef de l’État français, alors que le second, répertorié fréquentable, doit regagner le sien.

Il y a, décidément, une science de l'homologation en politique qui échappera toujours aux esprits communs que nous sommes. Tout le monde croyait jusqu'ici que Bachar El Assad et Abdelaziz Bouteflika étaient les deux derniers survivants de cette famille d’autocrates arabes cyniques et pittoresques, après la disparition de l’Irakien Saddam, du Tunisien Ben Ali, du Libyen Kadhafi ou de l’Egyptien Moubarak…On avait compté sans les grâces particulières qui sont du pouvoir des seuls grands de ce monde. On n'avait pas pensé qu'il suffisait de donner, officiellement, l’onction à l’un d’eux, en l’occurrence Bouteflika, d’appliquer l’huile sainte des puissants sur son épiderme d’autocrate endurci pour qu’aussitôt il soit béni et que lui soit conférée une nouvelle innocence. Hé, à bien y regarder, Bouteflika a quand même violé la Constitution avec moins de bouffonnerie que Hafez El Assad obligé, lui, d’adapter le texte syrien qui fixait au président un âge minimum de 40 ans à…l’âge de son fils Bachar qui n’avait que 34 ans. Bien sûr, l'opération de l’onction est un peu embarrassante et il faut la faire à toute allure. Mais quoi, la politique est une chose, la politique-business en est une autre ! Quant à la morale, ce sera pour plus tard. Du reste, ce n’est pas l’affaire des puissants de ce monde. Il y a, pour cela, des moines et des imams. Le rôle des hommes politiques est de «mentir vrai», selon le bon usage de cette science de l’artifice qui consiste à savoir oublier ce qu’il y a de condamnable chez l’autocrate qu’on veut bénir pour ne se rappeler que les bons côtés de la comédie du pouvoir. On répètera ainsi, et à l’envi, qu’au pays de Bouteflika, on organise, sous la haute supervision des généraux, des élections à satiété et on oubliera qu’elles n’assurent aucune alternance et qu’elles ne font que légitimer le pouvoir en place. On écrira que Bouteflika lui-même «sollicite» du «peuple» le renouvellement périodique de son mandat perpétuel et se fait «élire» régulièrement.

On l’a même vu, à Tunis, aux côtés du président tunisien Moncef Marzouki, ancien opposant, qu'il avait qualifié de persona non grata du temps de Ben Ali, il était là, tel un dinosaure qui aurait survécu à la fin d’un ancien monde, invité, à un débat qui ne le concerne pas, «l’aide aux jeunes démocraties arabes», lui l’autocrate qui s’affiche ouvertement contre les rebellions arabes, et qui renaît de ces cendres tel un phénix cynique, lui qu’on disait condamné par les cendres des cadavres immolés, redevenu «père de la nation», consacré «rempart contre le terrorisme», partenaire de l’Europe et d’Obama, mais oui, c’est même le futur ambassadeur des États-Unis à Alger, Henry Ensher, qui nous le dit : «Les manifestations en Algérie “reposent plus sur des aspirations économiques, sociales et politiques dans un cadre n’exigeant pas le départ d’un responsable particulier. C’est une énorme différence par rapport aux autres manifestations dans la région” de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.»

Bouteflika est protégé en tant qu’obligé des forces qui ont permis son accès au pouvoir.

Lui c’est l’homme placé dans ce poste par l’axe des puissants, en 1999. Son accès au pouvoir a été le fruit de la pression d’une conjuration formée de Paris, Washington, Riad et Abu-Dhabi et qui, exploitant le malaise de l’Armée qui «ne voulait plus» être au centre du système politique, allait accélérer le départ du commandement militaire, pousser le général Zéroual à la démission et fabriquer de toutes pièces, ce 15 avril 1999, son successeur : Abdelaziz Bouteflika. Ces vénérables et puissantes personnes voulaient LEUR président pour avoir mainmise sur le pouvoir, sur le pétrole, sur un pays qui saignait... Sans doute ne sont-elles pas étrangères à l’impressionnante campagne politico-médiatique qui ciblait l’armée algérienne. Une campagne bien efficace : l'ANP, acculée par une campagne médiatique féroce qui l’accusait d’avoir commandité les carnages qui frappaient les populations, embarrassée par le fameux panel de l’ONU, la commission Soulier, la troïka et toutes ces ONG qui l’incriminaient, s'était décidée à «se retirer», sans plus tarder, de la politique.

Les capitales du monde de l’argent, Paris en tête, veillaient à son intégrité politique et assuraient la connivence en cachant la vérité sur la gravité de sa maladie.

C'est pourquoi les capitales occidentales ne s'embarrassèrent-elles pas de scrupules en 2013, lorsque le bon sens commandait de remplacer ce président hospitalisé au Val de Grâce, frappé d’une maladie grave et que personne n’aurait vraiment regretté. Bouteflikaest un survivant de l’ère glaciaire. Il reste l’un des derniers absolutistes à avoir échappé à la colère de la rue, parmi ceux qui dirigeaient les fausses républiques arabes, de l'Egyptien Moubarak au Libyen Khadafi, en passant par le Tunisien Ben Ali.
C’est l’autre versant du secret de Val-de-Grâce.

L.M.

Lire aussi :

Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 1. L'OMERTA

Retour sur les 80 jours "parisiens" de Bouteflika / 2. LES FAUSSAIRES

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Commentaires (7) | Réagir ?

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Kamel Briksi

Bouteflika installé par l'Axe Washington - Paris - Ryad - Abu Dhabi ????

Je ne le pense pas du tout ! Y a quelques jours Obama avait fait une visite au Sénégal au président Macky Sall (élu démocratiquement), alors que le président du Sénégal demande un crédit au FMI pour payer le riz et le carburant, mais Obama comme d'ailleurs tous les Présidents US depuis 51 ans ne daigne pas de faire une visite à Alger, le président des USA visite un pays qui na même pas 1 milliards de $ dans sa banque centrale et évite L'Algérie comme une peste qui a 200 MILLIARDS de DOLLARS de réserves !!!!!!!!!! si les américains l'ont vraiment installé Boutef, alors pourquoi en 14 ans (Bush et Obama) ne lui rendent pas une visite à Alger ??, pourquoi les secrétaires d'état US (Condoleeza Rice, Hilary Clinton) passe la nuit à Rabat et Tunis et pas plus de 3 heurs à Alger ?????

Si les emirats l'on installé, alors pourquoi le projet des 38 tours à la route moutonnière de la compagnie EMAAR na jamais vu le jours, bien que Boutef ya 9 ou 10 ans lorsqu'ils ont présenté la maquette à dit : Je vous demande de démarrez ce projet ???

Pourquoi le projet URBAN DISTRICT de Abu Dhabi (1000 villas de luxe et 15000 appartement de haut standing entre le parc Dounya et Bouchaoui de la compagnie EIIC ne démarre pas ??? si ils était influent les bédouins du moyen orient ils auraient au moins réalisé 1 seul projet, d'ailleurs il veulent se retiré de la concession du port d'Alger (trop de blocage)

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Simply

C'est notre honte éternelle.

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