Croissance américaine : les mêmes méthodes produisent les mêmes erreurs

Les querelles Démocrates et Républicains obéissent à une logique économique.
Les querelles Démocrates et Républicains obéissent à une logique économique.

En raison du fameux processus du "sequester", le gouvernement américain et faute d’un accord avec les républicains, a été obligée en mars dernier de procéder à 85 milliards de dollars de coupes budgétaires.

Fin févier, la Maison Blanche la présentait comme une mesure douloureuse et terrible peignant un tableau des horreurs, Etat par Etat. Les quelque 800 000 civils employés par le Pentagone devront être mis au chômage partiel, avait annoncé alors le ministère de la Défense. "Des milliers de professeurs et d’éducateurs seront licenciés", a renchéri Obama. Les queues vont s’allonger dans les aéroports et les retards d’avions s’accumuler, faute de contrôleurs aériens en nombre suffisant. Des milliers d’enfants ne seront plus vaccinés, les malades mentaux relâchés dans la nature. Plusieurs centaines de clandestins en attente d’expulsion vont être libérés par les autorités, qui disent n’avoir plus les moyens de payer les 150 dollars par jour que coûte chaque détenu.

Pourtant, non seulement rien de tout cela ne s’est produit mais aussi la croissance attendue pour 2013 devrait se situer entre 2 et 2,5% Le sénat américain dans son scénario le plus pessimiste prévoyait un effet sequester progressif : les employés doivent être prévenus trente jours à l’avance de leur mise en chômage partiel. D’ici là, on peut encore espérer qu’Obama et les républicains négocient au moins un de ces compromis boiteux dont ils ont le secret. Si jamais le séquestre devait s’appliquer tel quel, la croissance américaine pourrait se limiter à 1,4% cette année, contre 2%. Sinon combiné aux relèvements d’impôts entrés en vigueur au 1er janvier, cela ferait 1,5 million d’emplois en moins. Globalement et en controverse avec la pensée Keynésienne, ces coupes budgétaires n’ont pas eu d’effets notables ou attendus sur l’économie réelle américaine. Les spécialistes de l’économie américaine notamment européens expliquent cette résilience par le rôle majeur joué par la banque centrale américaine (FED) qui a réussi d’activer la planche à billet pour éviter que la première économie mondiale ne s’accroche à une spirale déflationniste c’est à dire une baisse générale des prix avec toutes ces conséquences. Elle se trouve actuellement à sa troisième phase d’assouplissement qui a vu le taux d’intérêt le plus bas. Il est même question aujourd’hui pour la FED de limiter l’achat des titres publics.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, la deuxième cause serait l’assainissement et le processus de désendettement dans le secteur privé qui a débuté depuis 2005. Ce phénomène fut très violent et s'est traduit par une chute brutale des prix immobiliers sur quelques années seulement et ont aboutit à la crise de 2008. Il faut souligner que c’est cette approche américaine de l’économie qui a entraîné le monde vers une crise dont les effets sont incalculables et restent à ce jour imprévisibles. En effet, de nombreux pays se débattent et restent menacés dans leur existence même. On peut prendre pour exemple le cas de la Grèce qui risque de faire éclater la globalisation européenne sans compter leur effet d’entraînement sur d’autres pays notamment peu ou pas du tout développés. Comment ce mastodonte économique a attiré le monde entier vers cette souricière financière ? Pourra t-il aujourd’hui l’entraîner avec lui vers la prospérité ? D’abord en quoi consiste ce sequester ? Comment les américains ont favorisé la spéculation au détriment de relations économiques responsables ? Ont-il tiré des leçons de la crise ? Ont-ils l’intention de rester la première économie du monde ? 

1- Le "sequester" est-il spécifique aux Américains ?

Il semblerait qu’il s’agit là d’une veille querelle entre Démocrates et Républicains mais qui obéit à une logique économique et montre incontestablement que ce sont les lobbies des multinationales qui orientent la politique économique de l’oncle Sam. Lorsqu’on vit au dessus de ces moyens, on doit assumer les conséquences. Ce séquestre qui consiste en un ensemble de coupes automatiques, a été imaginé en août 2011 lorsque les républicains refusaient de relever le plafond de la dette. En échange de ce relèvement indispensable pour payer les factures du gouvernement, ils avaient exigé un montant équivalent de coupes budgétaires, soit 1 200 milliards de dollars, étalées sur dix ans pour effacer une dette publique estimée en 2013 16,4 trillions de dollars. Donc les 85 milliards de cette année ne sont qu’une petite mise en bouche. Il était alors prévu que ces coupes entrent en vigueur au 1er janvier 2013. Elles constituaient un très gros pan de la fameuse falaise budgétaire depuis laquelle risquait de tomber l’économie américaine. Le compromis trouvé dans les toutes premières heures de 2013 a raboté la falaise en réduisant les hausses d’impôts prévues au 1er janvier, mais repoussé le séquestre jusqu’à ce fatal 1er mars. Bien que les démocrates, proche de l’idée Keynésienne veuillent favoriser la croissance avec plus de dette, les républicains trouvent cette solution folle et soutiennent la théorie du « market- monétarisme » qui offre la possibilité de provoquer un retour de la croissance tout en apurant la situation budgétaire. De part son caractère automatique est généralisé des dépense, le sequester parait difficile d’être appliqué dans sa forme ailleurs. En effet, il s’agit de couper les dépenses sans discrimination d’utilité. On met sur la`même balance les investissements et le gaspillage. Si l’économie américaine a résisté à ce processus c’est qu’elle est très peu sensible aux considérations politiques. Ce n’est pas le cas ailleurs, notamment dans de nombreux pays européens où la politique a une part prépondérante dans l’économie.

2- Comment les américains ont propagé la crise financière ?

L'ultralibéralisme trouverait son origine au sein de l'Ecole économique autrichienne (Ludwig von Mises, Friedrich Hayek) et a inspiré les politiques économiques de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, de Ronald Reagan aux Etats-Unis et Augusto Pinochet au Chili dans les années 1970-1980. La mise en œuvre de cette politique a conduit à la désintermédiation du marché financier. Les entreprises ont d’avantage recours aux investissements directs. Le marché des capitaux se modernise et en particulier la bourse qui accueille plus largement l’épargne des ménages, la fiscalité sur les placements boursiers devient plus intéressante. Le Système de financement externe est devenu surtout direct sur les places boursières. Le crédit ne joue qu’un rôle complémentaire. Le marché monétaire est «hors banque» et devient ouvert. Ces pays ont assisté progressivement à la transformation des systèmes financiers pour fonctionner en 3D c'est-à-dire déréglementer, décloisonner et désintermédié. La déréglementation devait libéraliser la finance par le démantèlement des barrières pour répondre à l’accroissement des volumes échangés et surtout procéder à sa dématérialisation par la mise en place d’un système informatique des cotations. Le décloisonnement a fait que les places financières pouvaient fonctionner à l’échelle mondiale et 24 H/24 en permanence grâce à l’interconnexion et aux réseaux informatiques. Il s’agit d’un marché unique de capitaux. Ce marché mondial permet à tout investisseur ou emprunteur de rechercher le meilleur rendement. La désintermédiation bancaire quant à elle devait modifier le rôle des banques pour développer un réel marché des capitaux qui est devenu mondial et généralisé L’importance croissante des flux de capitaux est un élément important de la mondialisation de l’économie (globalisation financière).Le flux de capitaux est 50 fois plus importants que les flux réels du commerce international. Ce marché financier s’est complètement déconnecté de la sphère de l’économie réelle. Il est devenu plus volatile, très instable et globalisé. Les acteurs ne sont intéressés que par le profit rapide et donc la spéculation. Pour donner une idée précise avant la crise financière Il y a eu plus de 350 milliards de dollars qui s’échangent chaque jour dont 5% seulement pour les besoins de l’économie internationale. Le reste étant lié à des manœuvres spéculatifs effectuées depuis les salles de marché des banques dans le monde. Outre le déséquilibre monétaire qu’elle entraîne, la spéculation financière a d’autres effets pervers. Elle exige des sommes colossales qui sont détournées de l’investissement productif; à quoi bon d’investir dans l’industrie quand la rentabilité de la spéculation financière est largement supérieure ? Elle crée une inflation mondiale car les bénéfice spéculatifs proviennent in fine de la monnaie crée par les banques centrales sans contrepartie de la production. Il a suffit que ce même pays qui a crée ce géant financier décide de désendetter son secteur privé pour préparer un nouveau décollage économique pour que le prix de l’immobilier s’effondre et entraîne par sa toxicité le système bancaire mondial qui a mis les économies à genoux et à montré les limites de l’ultralibéralisme et la nécessité de la régulation en réhabilitant le rôle de l’Etat. Tout reste à savoir si les Etats-Unis qui ont été à l’origine de cette crise, ont-ils ou non tiré des leçons ?

3- Les Etats-Unis récidivent avec le gaz de schiste

Tout porte à croire que ce pays persiste dans sa démarche économique égoïste. Fortement énergétivore et peu soucieux de l’environnement. Il se lance maintenant vers le développement et l’exploitation du gaz de schiste et semble larguer ses amarres vers un nouveau vecteur de croissance sans pour autant se soucier des conséquences sur les économies qui en dépendent. Sur le plan purement interne, l’exploitation du gaz de schiste a fait l’objet de diverses enquêtes entre autres celle menée par le New York Times et la toute dernière publiée dimanche 23 juin 2013 dans la revue de l'Académie des sciences américaine, l'étude conduite par le biologiste Robert Jackson, professeur à la Duke University à Durham (Etats-Unis). Ces deux enquêtes fortement documentées ont montré le ravage de l’exploitation du gaz non conventionnel aux Etats-Unis et la crise que va mener cette opération pourrait être pire que celle des subprimes. Au niveau externe, ils tentent d’internationaliser leur approche sur le pétrole et le gaz de schiste. Pour exporter la technique de la fracturation hydraulique dont ils excellent, ils ont entraîné avec eux de nombreuses régions dans le monde en vantant les bienfaits de ces ressources, l’Australie pour placer son charbon, la Chine pour faire face à sa forte croissance et la Pologne qui subit le diktat russe etc. ils utilisent la même technique que celle des prêts à risque dans l’immobilier. Faire croire à l’eldorado enérgitique des nations fortement dépendante des ressources fossiles comme ils ont menti aux pauvres salariés américains leur faisant croire qu’ils pouvaient prétendre à la propriété immobilière en suivant le cycle infernal des subprimes. Ceux qui sont entrain de les suivre dans la voie des ressources des roches mères ne savent pas à quoi ils s’attendent et courent droit vers une impasse écologique. En plus, l’inondation du marché par ce type d’énergies a considérablement modifié le paysage géopolitique. La baisse des prix a ralenti les investissements dans les ressources conventionnelles et met en difficulté de nombreux pays dont les économies demeurent fortement dépendantes des exportations du pétrole et du gaz.

La redécompositition du mix énergique des Etats-Unis et leurs suiveurs ont fait dégager des quantités appréciables de charbon à bon prix aux portes de l’Europe et de l’Asie. De nombreuses centrales à charbon ont ainsi redémarrées et augmentent la facture d’électricité par leur pollution. Cette situation crée des tensions notamment dans certains pays Européens. Elle continue de contrôler le marché pétrolier à travers l’Arabie Saoudite et maintenant le forum des pays exportateur de gaz par le biais du Qatar. Les banques américaines ont renoué avec les produits toxiques. Donc selon toute vraisemblance les choses sont revenues à leur point de départ et le reste du monde devra supporter les caprices des Américains pour bien longtemps du moins jusqu’à la nouvelle crise cette fois-ci écologique mondiale.

Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier

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Commentaires (1) | Réagir ?

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laid baiid

Les USA sont les maître du monde.

Comment expliquer autrement que le monde accepte encore le dollars comme référence et Monaie alors que l'Amérique est endétté de milliers de milliards de Dollars??

La Chine a elle seule detient des milliers de Milliards de Dollars.

Si elle venait à mettre cette masse monétaire sur le marché des change.... le dinars vaudra 100$!!