Egypte : d’immenses manifestations émaillées de morts et de violence

Les manifestations ont été massives.
Les manifestations ont été massives.

Deux personnes ont été tuées, dimanche 30 juin, dans des heurts entre partisans et adversaires du président islamiste égyptien Mohamed Morsi, en marge de manifestations monstres à travers tout le pays à l'appel de l'opposition pour réclamer son départ.

L'armée estime à "plusieurs millions" le nombre de manifestants anti-Morsi descendues dans la rue, un an jour pour jour après son investiture, a déclaré une source militaire. Il s'agit "de la plus grande manifestation dans l'histoire de l'Egypte", a ajouté cette source sous couvert de l'anonymat. Une personne a été tuée et une trentaine d'autres blessées à Beni Suef lors d'affrontements entre partisans et adversaires du président égyptien. Une autre personne a été tuée dans la province d'Assiout, au sud du Caire, dans des affrontements qui ont aussi fait des dizaines de blessés aux abords de locaux des Frères musulmans, selon les services de sécurité.

Au Caire, le QG de la confrérie islamiste, dont est issu M. Morsi, a été attaqué dans la soirée avec des cocktails molotov et des tirs de chevrotine. Environ 150"voyous non identifiés" ont attaqué le bâtiment dans le quartier du Moqqatam en lançant des cocktails molotov et des pierres, ainsi que des tirs de chevrotine, a indiqué un porte parole de la confrérie Gehad Al-Haddad. La télévision a également montré des images du bâtiment attaqué par des dizaines de personnes.

Redoutant de graves troubles, l'armée et la police se sont déployées à travers le pays pour renforcer la protection des installations vitales, notamment le canal de Suez. Les militaires se sont dit récemment prêts à intervenir si le climatdégénérait, après que des heurts eurent déjà fait huit morts, dont un Américain, dans les jours qui ont précédé les rassemblements de dimanche.

Sur la place Tahrir, site emblématique de la révolte contre M. Moubarak début 2011 puis de nombreux autres rassemblements politiques, la foule a afflué en brandissant des cartons rouges à l'adresse du président. "Je suis ici parce que Morsi, pour qui j'ai voté, m'a trahi et n'a pas tenu ses promesses. L'Egypte va être libérée une nouvelle fois à partir de Tahrir", affirmait Mohammed Samir, venu de Mansourah, dans le delta du Nil, pour manifester dans la capitale. "C'est une deuxième révolution, et Tahrir en est le symbole", affirmait Ibrahim Hammouda, un charpentier venu de Damiette (nord).

Les manifestants se sont également massés aux abords du palais présidentiel, dansle quartier d'Héliopolis, et sur d'autres places de la capitale, en scandant "dégage" et "le peuple veut la chute du régime". Des manifestations anti-Morsi ont aussi lieu à Alexandrie (nord), deuxième ville du pays, à Menouf et Mahallah, dans le delta du Nil, ainsi qu'à Port-Saïd et Suez, sur le canal du même nom, ou encore dans la ville natale de M. Morsi, Zagazig, au nord-est du Caire. 

Non loin du palais présidentiel, des militants islamistes campent depuis vendredi dans le quartier de Nasr City pour défendre la "légitimité" du premier chef de l'Etat égyptien librement élu. Ils étaient 25 000 dimanche soir, selon l'armée. Après plusieurs démonstrations de forces ce mois-ci, les Frères musulmans n'ont de leur côté pas appelé officiellement leurs membres à descendre dans la rue ce dimanche, contrairement à d'autres mouvements islamistes. "C'est notre révolution et personne ne nous la prendra", a dit l'un d'eux, Ahmed Hosni, qui participe au rassemblement de Nasr City.

Appel au dialogue

La présidence a réagi en affirmant que "le dialogue est la seule façon pourparvenir à une entente" et qu'elle était "ouverte pour lancer un véritable et sérieux dialogue national". Mais la principale coalition de l'opposition égyptienne a appelé les manifestants à rester dans la rue jusqu'à la démission du régime "dictatorial"du président Morsi, accusé de gouverner au seul profit des islamistes et de laisserl'économie s'effondrer.

Dans un texte intitulé "déclaration révolutionnaire numéro 1", le Front du salut national (FSN) appelle "toutes les forces révolutionnaires et tous les citoyens àmaintenir leurs rassemblements pacifiques sur les places, dans les rues, les villages et les hameaux du pays (...) jusqu'à la chute de tous les éléments de ce régime dictatorial".

Cette journée constitue le point d'orgue de la campagne Tamarrod (rébellion en arabe), le mouvement à l'origine des appels à manifester massivement pour réclamer le départ de M. Morsi le jour même de l'anniversaire de son investiture. Tamarrod, soutenu par de nombreuses personnalités et mouvement de l'opposition laïque, libérale ou de gauche, assure avoir collecté plus de 22 millions de signatures pour une présidentielle anticipée, soit plus que le nombre d'électeurs de M. Morsi en juin 2012 (13,23 millions).

Après un an d'une présidence mouvementée, déjà marquée par plusieurs crises, M. Morsi vit son "Jour du jugement", titraient dimanche certains journaux. Mais dans une interview accordée au journal britannique The Guardian publiée dimanche, Mohamed Morsi se dit déterminé à tenir tête à ce qu'il présente comme une remise en cause antidémocratique de sa légitimité électorale, émanant selon lui de partisans de l'ancien régime.

S'il cède face à la pression de la rue, fait-il valoir, "il y aura toujours des gens pour s'opposer au nouveau président et, une semaine ou un mois plus tard, ils demanderont sa démission". Mohamed Morsi a toutefois réitéré sa proposition, formulée mercredi dans un discours télévisé, de réviser la Constitution d'inspiration islamiste, une suggestion que l'opposition a jugée insuffisante.

Samedi soir, le chef de l'Etat a reçu des représentants des partis politiques islamistes qui le soutiennent dans la rue, pour une réunion consacrée à "la situation intérieure actuelle", selon les mots d'un communiqué de la présidence.

Avec AFP/Reuters

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