Algérie: réserves de change en baisse, transferts illégaux de devises...

98% des recettes en devises de l'Algérie viennent des hydrocarbures.
98% des recettes en devises de l'Algérie viennent des hydrocarbures.

Contrairement aux discours officiels, l'économie nationale accuse de graves faiblesses structurelles. Les chiffres sont là pour le prouver. Et l'inquiétude est grande au sein de la société. Si le gouvernement continue de nier l'évidence, le directeur de la Banque d'Algérie vient de tirer la sonnette d'alarme. Sera-t-il entendu ? Peu sûr.

1.- Selon des chiffres officiels, les réserves de change de l’Algérie ont baissé d’un milliard de dollars entre fin décembre 2012 et fin mars 2013, l’encours des réserves de change de l’Algérie (non compris les 173 tonnes d’or) étant évalué à 189,768 milliards de dollars à la fin mars 2013 contre 190, 661 milliards à fin décembre 2012 alors que les rapports du FMI tablait sur 200 milliards de dollars, dont 86% placées en majorité en bons de trésor américains et en obligations européennes à un taux fixe de 3%. C’est la première fois que les autorités algériennes annoncent officiellement une baisse des réserves de change traduisant une dépense sans précédent, puisement dans ces réserves qui s‘ajoutent aux recettes de Sonatrach sur la base d’un cours de pétrole de 2012/2013 de 105/110 dollars durant cette période. En annonçant ces données alarmantes, le gouverneur de la Banque d’Algérie ne donne pas d’explications convaincantes. Tout au plus le constat est toujours le même : l’Algérie reste très dépendante des hydrocarbures (98% des recettes en devises), qui ne sont pas inépuisables, et importe l’essentiel de ses besoins en produits et services, dont la facture a augmenté plus de 400% entre 2002 et 2012 (45 milliards de dollars auquel il faut ajouter 12 milliards de dollars de sorties de devises en services), toujours selon des données officielles.

2.- Le président Abdelaziz Bouteflika a lancé, durant ses deux précédents quinquennats, deux plans de développement économique (2004/2009- puis 2010/2013 avec un pré plan de 7 milliards de dollars entre 2001/2003) d’un montant total de dépense publique plus de 500 milliards de dollars,( part devises et part dinars) financés grâce à la manne pétrolière qui étaient destinés en grande partie à moderniser les infrastructures de base ou à réduire la crise du logement. Mais on ne connait pas à ce jour le bilan exact. Tout au plus, la majorité des experts et des rapports internationaux objectifs constatent des réévaluations sans fin du fait de la faiblesse de la capacité d’absorption et un désordre dans la réalisation des projets sans visions stratégique globale, étant admis que les impacts sont mitigés par rapport aux dépenses, l’Algérie dépensant sans compter. C’est que le PIB algérien reste modeste à 188,6 milliards de dollars en 2012 selon le FMI, dont plus de 40-45 % générés par les hydrocarbures et en réalité, tenant compte des effets indirects de la dépense publique via toujours les hydrocarbures, restant que moins de 20% pour les véritables producteurs de richesses et ce pour de 37,9 millions d'habitants au 1er janvier 2013, selon l'estimation de l'Office national des statistiques (ONS). Et pourtant, le président avait annoncé officiellement début 2002 que cette politique d’investissements massifs visait à réduire la dépendance du pays vis-à-vis des hydrocarbures. Or la situation de forte dépendance de la rente des hydrocarbures relève du manque de visibilité dans la démarche économique du gouvernement et de la faiblesse de la bonne gouvernance. Les tares de l’économie algérienne résident dans la bureaucratie, l’insécurité juridique, la corruption qui atteint une ampleur inégalée depuis l’indépendance politique faute d’institutions de contrôle à la fois démocratiques et techniques, un système financier sclérosé et déconnecté du reste du monde, un système d’information économique peu fiable.

3.- La crise économique mondiale n’ayant pas été prise au sérieux en Algérie, l’Algérie peut-elle continuer à fonctionner sur la base de la dépense sur un cours variant entre 108/110 dollars ? Peut-elle continuer à verser des traitements sans contreparties productives par la dominance des emplois rentes voilant ainsi le taux de chômage officiel sans craindre à l’avenir d’une hyperinflation en cas de chute des cours des hydrocarbures qui ne permettrait plus la généralisation des subventions qui comprime artificiellement le taux d’inflation réel ? Peut-elle à travers le voile de la règle des 49/51% généralisable à tous les secteurs, n’ayant pas réduit les importations et favoriser la création de la valeur ajoutée interne : 83% du tissu économique dominé par le commerce selon l’ONS et 90% du secteur industriel par les PMI-PME peu innovantes de structures familiales. Elle n’a pas non plus diminué la corruption, bien au contraire. Un rapport, rendu public le 29 mai 2013 par la Banque africaine de développement (BAD) sur la fuite des capitaux en Afrique, faisant ressortir que le montant des capitaux transférés en dehors de l’Algérie de manière illicite, (dominée par les surfacturations) entre la période allant de 1980 à 2009, a atteint la somme astronomique de 173,711 milliards de dollars US. Ce montant faramineux représente 91,90% des réserves cumulées de l’Algérie fin 2012 et aurait dû avoir pour conséquence une grande enquête d’envergure nationale. Certes, il faudrait avoir la méthodologie d’enquête de la BAD pour déterminer la fraction du montant transféré à travers l’épargne de l’émigration sachant qu’existe une grande déconnection entre le cours officiel et celui du marché parallèle depuis la date du rééchelonnement où le dinar a été fortement dévalué lors du rééchelonnement de 1994, (le cour actuel étant d’environ 100 dinars un euro), le cours du parallèle étant depuis trois années entre 140 et 150 dinas un euro et la fraction due à de la surfacturation qui est certainement la plus importante, c’est à dire un transfert indirect de la rente des hydrocarbures. Comment dès lors peut-on parler d’attirer les capitaux étrangers alors qu’une minorité d’Algériens fait le transfert inverse traduisant le manque de confiance ? L’Algérie peut-elle continuer à supporter tous les surcouts. On peut démontrer que pour les projets lancés la balance devise est négative pour l’Algérie sans avoir permis le transfert technologique et managérial étant bien entendu que certains investisseurs étant sur d’être payé du fait des réserves de change, certains peu préoccupés par la qualité des ouvrages, n’ayant pas, dans la majorité des secteurs de management stratégique de suivi des projets réalisés par les étrangers ? 

4.- Les tensions sociales se généralisent du fait de l’appauvrissement d’une grande majorité des Algériens frustrés par l’étalement sans risques de redressement fiscal de la richesse d’une minorité. La crise de confiance atteint le sommet entre l’Etat et les citoyens face à une corruption généralisée où tous les segments de la société réclament leur part de rente et immédiatement. La crise mondiale est là et le risque de toucher à terme l’Algérie qui n’est pas une île déserte, mais qui dépend essentiellement sur le plan finance à 98% de Sonatrach», dont les réserves vont à l’épuisement avec une nouvelle carte géostratégique énergétique mondiale qui se dessine horizon 2017, notamment en matière de gaz dont le prix de cession ne sera plus indexé sur celui du pétrole et qui sera certainement révisé à la baisse, impliquant pour Sonatrach de réduire impérativement ses couts supposant un audit stratégique approfondi. Cette situation combinée aux évolutions géostratégiques futures, à moins d’une révision profonde de la gouvernance, et l’approfondissement des réformes structurelles toujours différées, tant politiques qu’économiques, tenant compte des nouvelles mutations mondiales, pourrait pénaliser l’Algérie avec une chute de ses moyens de financement et accroitre les tensions, devant tirer leçons des conséquences économiques, sociales et politiques de la chute des cours des hydrocarbures des années 1986/1987 dont les ondes de choc ne sont pas encore terminés. Aussi, après de longs calculs, j’arrive à la conclusion que la période 2014/2020 sera une période de gestion de la crise en Algérie, dont la faiblesse du taux de croissance,( le FMI vient de revoir à la baisse le taux de croissance de l’Algérie en 2013 de 2,8% contre 3,3% prévu) malgré des dépenses monétaires sans précédent, qui aurait du donner une croissance entre 2004/2013 à plus de 10%. Cela n’est que la conséquence du blocage systémique de l’Algérie avec des risques croissants de tensions sociales, du fait de la marginalisation du travail et de l’entreprise créatrice de richesses, avec une concentration du revenus au profit d’une minorité rentière, traduisant la faiblesse de la morale et donc de l’Etat de droit et de la démocratisation. En fait en ce mois de juin 2013, du fait du manque de visibilité, on peut résumer la situation de l’Algérie par cette phrase lapidaire : "Aisance financière artificielle et inquiétudes pour l’avenir".

Pr Abderrahmane Mebtoul, expert International en management stratégique

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Momo Amirouche

Actualités : LIGUE ARABE

Que pèse réellement l’Algérie ?

L’influence de la diplomatie algérienne au sein de la Ligue arabe a grandement baissé ces dernières années. Membre incontournable par le passé, l’Algérie se retrouve isolée au sein d’une instance aujourd’hui dominée par le Qatar et l’Arabie saoudite.

Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Emettre des réserves. C’est le seul moyen dont dispose l’Algérie pour affirmer sa position au sein de la Ligue arabe. Lundi, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, l’Etat algérien a annoncé ne pas cautionner, dans son intégralité, la décision appelant «le président syrien à renoncer au pouvoir» adoptée par le Conseil ministériel de la Ligue arabe au terme de la réunion à Doha, au Qatar. «L’Algérie émet des réserves sur le troisième paragraphe partant du fait que cette décision ne relève pas des prérogatives de ce conseil mais demeure une décision souveraine du peuple syrien frère», précise le document. Une position que partagent aussi les gouvernements irakien et libanais. Le rejet de toute ingérence dans les affaires internes d’un autre Etat est un principe fondamental de la politique extérieure algérienne. Au plus fort de la crise libyenne, ce principe avait également été mis en avant pour éviter tout acte contraire à la légalité internationale à l’encontre de Mouamar Kadhafi. Alger avait alors était soumise à une très forte pression internationale, de la part de la majorité des pays arabe, de ceux de l’Otan et, surtout, de l’opposition libyenne représentée par le Conseil national de transition (CNT). Depuis le début du «Printemps arabe», la diplomatie algérienne n’a cessé d’être sur la défensive. Au sein de la Ligue arabe, elle se retrouve dans l’incapacité d’imposer ses choix. Aujourd’hui, cette instance est sous l’emprise des monarchies du Golfe, notamment du Qatar. «Le monde a beaucoup changé ces vingt dernières années et la Ligue arabe n’est plus dominée par le front du refus (Algérie, Irak, Syrie, Yémen et l’Organisation de libération de la Palestine). Cette alliance relève du passé et cela ne sert à rien de s’y accrocher parce que cela met notre pays en décalage non seulement avec la nouvelle réalité du monde arabe mais également avec ses propres intérêts. Si nous conjuguons cela à l’effacement de l’Égypte en raison de ses problèmes internes, il ne reste plus que quelques pays du Golfe comme acteurs influents au sein de la Ligue. Ils ont le soutien diplomatique des puissances occidentales, une aisance financière et un audiovisuel extérieur performant. A ce titre, on ne peut pas considérer notre pays comme un acteur influent au sein de la Ligue. Chercherait-il à l’être ? Je n’en suis pas si sûr», estime Abdelaziz Rahabi. Selon l’ancien ministre et diplomate, le renforcement de la position de l’Algérie est avant tout une question de volonté politique. «Il ne s’agit pas d'une question de moyens, il s'agit de l'inscrire comme une constante de politique extérieure, d'avoir une vision sur la synergie entre les intérêts diplomatiques, sécuritaires et économiques et de confier cette mission à des professionnels. Pour faire entendre sa voix il faut au préalable veiller à préserver un consensus national en matière de politique étrangère, impliquer les nouveaux acteurs des relations internationales comme les partis politiques, les médias, les milieux universitaires, ceux des affaires, le monde associatif. Cela ne s'est pas fait de manière optimale et on peut faire le reproche à l'Algérie officielle de ne pas avoir accompagné de sa voix les aspirations populaires dans le monde arabe», insiste Abdelaziz Rahabi. Selon lui, la diplomatie doit absolument changer d’approche pour ne pas rester calée «dans les années soixante-dix».

T. H.

Source de cet article :

http://www. lesoirdalgerie. com/articles/2012/07/25/article. php?sid=137121&cid=2

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Bey Mustapha BEBBOUCHE

La ligue arabe s'est vidée d'elle même de sa substance: défendre les intérêts du monde arabe ! Elle n'est devenue qu'un valet de l'impéréalisme car tous les royaumes du golfe arabe ont été implanté par cet impéréalisme. Les peuples du monde arabe savent bien que cette entité est nulle et ne sert que leurs ennemis.

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Bey Mustapha BEBBOUCHE

C’est de l’utopie ! Le prix du gaz restera toujours indexé à celui du pétrole. Ce sont les pays industrialisés qui avaient exigé cette indexation car au début le pétrole ne coûtait pas cher et ils tablaient sur le rapport énergétique existant (millions de BTU) entre les deux (2) produits que sont le pétrole et le gaz : côté scientifique, ces pays n’avaient pas tord ! Maintenant que le prix du pétrole avoisine les 100 dollars le baril, ces pays, avec l’appui de leurs « éclaireurs » tel que Mr. Mebtoul et d’autres encore, cherchent à nous faire avaler des couleuvres par des tergiversations sans fondement. Non messieurs, le prix du gaz restera indexé à celui du pétrole ; c’est à prendre ou à laisser !

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