Le plan de lutte contre la corruption d’Ahmed Benbitour

Ahmed Benbitour.
Ahmed Benbitour.

Le plan de lutte contre la corruption que préconise Ahmed Benbitour, s’il venait à être élu président de la République à l’occasion des prochaines présidentielles, prévues, en 2014, est inscrit méthodiquement dans son programme et distribué dans un schéma institutionnel organique très précis. (1)

Le plan de lutte contre la corruption que préconise Ahmed Benbitour combine plusieurs volets de son programme. Pour rappel, son programme est structuré selon deux dimensions : une dimension d’amélioration du comportement individuel et collectif et la construction des institutions. La priorité de l’amélioration des comportements individuels et collectifs concerne la lutte contre la corruption, les passe-droits, la lutte contre le gaspillage, l’éducation citoyenne, etc. Autrement dit, la construction d’une société qui repose sur les valeurs, les lois et les règles saines, où les individus se font confiance lorsqu’ils interagissent, où la bonne éducation et le travail sont des atouts de la réussite sociale et individuelle, où la justice prévaut, où la malhonnêteté, le vice et la brutalité sont proscrits comme modes de progression dans la sphère publique et combattues et dénoncées dans la sphère privée.

Parmi les différents volets qui concernent la construction des institutions, il est question de la refondation de l’Etat, ainsi que la refondation de l’économie, la refondation de l’école et la promotion des compétences nationales et la maîtrise de la numérisation. C’est le volet de la refondation de l’Etat, qui consacre deux de ses chapitres à la lutte contre la corruption. Le premier concerne la restructuration de l’administration judiciaire, pour renforcer le droit de la défense et le principe de la présomption d’innocence ; garantir l’indépendance et la protection du juge ; mettre en place les moyens nécessaires à la mise en œuvre des décisions de justice. 

Le second consiste à faire de la presse un partenaire effectif dans la construction de l’Etat et la lutte contre la corruption, en assurant sa liberté, sans contrôle à priori, sauf le contrôle de la conscience professionnelle et la loi. Assurer la liberté de la presse, signifie la garantie de la liberté d’expression, avec la liberté et la qualité de l’information. Une information à côté des gouvernants et non au service des gouvernants. (2)

La dimension de l’amélioration des comportements individuels et collectifs prévoit dans son premier programme la lutte immédiate contre la corruption. Celle-ci se subdivise en deux catégories. D’abord, le traitement dans les plus brefs délais de tous les grands dossiers en suspend, tel que l’affaire Sonatrach, l’affaire de l’autoroute Est-Ouest, l’affaire Khalifa, etc. Le but recherché en ciblant ces grandes affaires est de libérer ces institutions de l’épée de Damoclès qui est là pour les empêcher de fonctionner convenablement. Mis à part l’affaire Khalifa qui est un cas particulier. Le premier programme prévoit de traiter ces dossiers au plus tard dans les deux ou trois premiers mois de son lancement.

Concernant l’autre corruption, celle qui touche à toutes les institutions de l’État et aux entreprises publiques, le programme ne prévoit pas une opération mains propres, car, Ahmed Benbitour considère que cette opération n’est pas efficace, parce que tous les gens qui étaient corrompus le font avec un certain nombre de personnalités importantes dans l’administration et pour cela leurs dossiers en terme de procédure judiciaire sont corrects. C’est pour cela, dit-il, que "même si vous voulez traiter de ces choses-là devant une justice avec laquelle vous lui dites faites votre travail sans téléphone, ils vont trouver des dossiers corrects." (3) 

Pour parer à cette difficulté, le programme prévoit, selon Ahmed Benbitour, (4) de mettre en place un nouveau système de gestion des affaires publiques dans une relation de coopération avec des pays qui ont réussi à combattre la corruption et qui sont connus comme étant à la pointe du progrès dans le domaine de la bonne gouvernance, tel le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Finlande, etc. La tâche de la négociation sera confiée au Haut Commissariat à la Formulation des Réformes en coopération avec les ministères concernés. Pour rappel, le programme d’Ahmed Benbitour prévoit de mettre en place au niveau de la Présidence de la République quatre hauts-commissariats chargés de la définition des différentes politiques annoncées dans le programme pour une Algérie de paix, de justice et de prospérité. Il s’agit du Haut Commissariat aux Politiques Énergétiques et à la Prospective, du Haut Commissariat à la Formulation des Réformes, du Haut Commissariat à la Promotion des Compétences Nationales et à la Maîtrise de la Numérisation et du Haut Commissariat à la Promotion de l’Éducation Citoyenne. 

Le nouveau système en question consiste à faire fonctionner la gestion des affaires publiques en utilisant les instruments du e-gouvernement et l’application de l’imputabilité (Moussaala en arabe). Dans ce dessein, une feuille de route sera mise en place pour accompagner tout projet ou mission confiés à un responsable. Son intérêt consiste à décrire la nature de la mission, les limites de l’autorité dont dispose le responsable pour réaliser la mission ou le projet, les dotations en moyens humains, matériels et financiers. L’efficacité de ces feuilles de route reposera sur la mise en place d’un contrôle a priori (la qualité de la feuille de route), le contrôle en cours de réalisation (qualité d’avancement dans la réalisation de la mission ou du projet et état d’utilisation des ressources humaines, matérielles et financières), le contrôle a posteriori, pour tirer les leçons de l’accomplissement de la mission, les défaillances et les performances afin d’améliorer l’écriture des futures feuilles de route. 

Pour cela, précise-t-il "nous prendrons le temps pédagogique nécessaire pour que tous les opérateurs apprennent à fonctionner avec ce nouveau système. Ainsi, sera réalisée l’accumulation des savoirs pour la construction des institutions. Une fois que cette période est terminée, les gens qui sont pris en défaillance dans le nouveau système seront punis en conséquence et cela peut ouvrir le dossier complet." (5) Entendre par ouvrir le dossier complet, l’approfondissement de l’enquête à d’éventuelles complicités et à d’autres affaires qui sont liées. La presse d’investigation cependant libérée de ses entraves qu’elle rencontrait sous l’ancien système de pouvoir pourra à ce moment-là jouer son rôle naturel de participation à la construction d’une société saine, en aidant la justice et les forces de sécurité à débusquer les fortunes mal acquises et toutes sortes de malversations.

Le plan de lutte contre la corruption, contenu dans le programme d’Ahmed Benbitour, s’inspire d’une conception de la justice au service des citoyens, qui permettra à l’Algérie de connaître la fin de l’arbitraire et la réhabilitation d’une justice véritable et équitable pour tous. Elle ne sera plus instrumentalisée au service d’intérêts particuliers, politiques ou économiques malsains. Elle vise à garantir le règne de la Loi et ce fondement essentiel de l’état de droit, qui doit être instauré d’urgence. En tout premier lieu, la rédaction des lois qui doit être simplifiée et réorientée en faveur de la protection des droits individuels et collectifs des citoyens et des intérêts du pays, ce qui n’est plus le cas depuis longtemps. Cela permettra aux magistrats, excellemment formés, rémunérés et pénétrés de leur mission, de se consacrer, en toute confiance, libres de toute pression politique ou financière, à l’application rigoureuse et exclusive du droit et au respect de la loi. Elle doit assurer la protection des biens, des droits des personnes et des contrats afin de rétablir la confiance des Algériens en cette institution essentielle. En particulier, tous les problèmes de propriété, qui seront réglés de manière simple, transparente, équitable et uniforme. Les citoyens bénéficieront d’un traitement équitable, ce qui signifie que la loi s’appliquera uniformément à tous, aux personnes publiques comme aux particuliers, s’imposant aux puissants comme aux faibles. Par une coordination avec les services de sécurité et une plus grande confiance entre ces institutions, les Algériens bénéficieront de la garantie d’une véritable sécurité de leurs personnes et de leurs biens.

Youcef Benzatat

(1) Programme politique pour une Algérie de paix, de justice et de prospérité. Site officiel d’Ahmed Benbitour, Jazair Alizdihar.

(2) Entretien avec Ahmed Benbitour, réalisé par Youcef Benzatat le 02 avril 2013, Le Matindz : Ahmed Benbitour explique la dynamique de sa candidature à la présidentielle.

(3) Ahmed Benbitour, "l’invité du direct", l’entretien hebdomadaire de Radio M, la web radio de Maghreb Émergent, Mardi 28 mai 2013.

(4) Idem.

(5) Idem.

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Commentaires (21) | Réagir ?

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albert smail

J'ai tout lu et ça ne me satisfait pas... mais alors pas du tout.

un vrai programme doit etre un programme de rupture, revolutionnaire dans un sens, il nous faut donc une sorte de AIT Amed benbitour si vous voulez.. !

c'est donc d'abord l'election d'une asseblee constituante qui proclemera toutes libertés à commencer par celles donnant aux citoyens le droit d'elire ses representants en toute legitimité. Et tout programme qui ne part pas de ce principe, nous maintiendra dans notre etat d'hommes et de femmes asservis.

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Quelqun EncoreQuelqun

@ Youcef BENZATAT

" La structuration du discours dépend de la fonction du jugement et non pas du reflet du soi, dans la mesure où cette fonction est soumise aux lois du langage et donc à la place du vrai, ...., mais de l'ensemble de normes sur lesquelles une société s'accorde pour vivre ensemble... "

Il me semble y avoir une sorte d'amalgame dans ce que vous dîtes car je n'ai pas écrit que "... la structuration du discours DEPEND DU REFLET du soi... " mais que celle-ci était LE REFLET du soi; nuance!

L'exemple suivant peut aider à expliciter mon point de vue. Je reprends, pour ce faire, vos propres propos et essaie de démontrer (d'un point de vue non pas philosophique mais purement linguistique, donc structurel ce "soi" se mettant à nu à travers un choix sémantique, un choix de structure, un choix esthétique... en somme, une activité mentale opérant un CHOIX reflet de ce "soi")

Vous écrivez dans votre réponse à mon commentaire : " Par exemple, lorsque vous vérifiez dans votre préfecture là-haut, l'identité de quelqu'un sur sa carte d'identité, sa photo plus les données écrites sur sa personne, ceux-ci ne relèvent ni d'un soi ni d'un reflet du soi, mais bien d'un ordre du discours, de sa structuration donc... "

Tout d'abord l'usage du possessif "votre" adossé au nom de lieu "préfecture" flanqué lui-même de l'indication " là-haut " ou comment des mots peuvent traduire des maux.

Vous auriez pu écrire "... lorsque vous vérifiez dans le cadre de votre travail en préfecture... ", mais vous avez fait le choix délibéré de la tournure citée plus haut. Au moment précis de "l'encodage" de votre discours, votre "soi" s'est bel bien reflété à travers votre discours ; votre "dédain" ou en tout cas votre volonté de le signifier a bien été reçu au moment du "décodage" de votre discours par votre serviteur.

Ceci me fait penser à cette anecdote bien de chez nous et dont je suis très friand.

Il se raconte qu'au village, un "type" quelconque sans avenir certain et encore moins de qualification, avait réussi à épouser L'INTELLECTUELLE du village à la grande surprise de tout le monde. Ne pouvant espérer, et ayant tant rêvé de sa dulcinée, il se raconte que les 1ers mois de vie conjugale du couple furent un enfer pour la pauvre fille tant "le type" n'arrêtait pas de la soumettre justement au fameux "devoir conjugal" toutes les nuits.

Un jour, lasse du rythme imposé par le type, l'épouse lui propose ceci: écoute-moi mon cher, je crois que nous allons devoir conclure un accord pour que "le devoir conjugal" se déroule de meilleure façon. Le type acquiesce bien évidemment. Et l'épouse qui propose "... tous les jours de la semaine dont le nom se termine par REDI, il y aura devoir conjugal, et les autres jours repos".

Le type ne pensant pas plus loin que le bout de son nez se rappelle que ce jour-là ils étaient MERCREDI (donc oui), jeudi repos, puis reprise vendREDI, alors bingo, il dit OUI.

Passe donc ce mecREDI comme aime le type, il se repose (ou se contient) jeudi, et re-devoir conjugal vendredi.

Seulement, il y eut ensuite samedi, dimanche, lundi, mardi... ouff puis enfin mercREDI ; c'est qu'elle était bien fûtée l'épouse.

Ayant subi cette presque-semaine d'abstinence forcée, le type a "tenu" le samedi suivant, puis dimanche et, contrairement aux engagements pris, le lundi soir il fit ce qu'il ne devait pas faire. Et la pauvre épouse qui l'interpelle "mais pourquoi donc??"

Le type a eu cette réponse : " ââ3ni our thézridhara? Yak assaguina, dh' LundREDI"... traduction : "... tu ne sais pas que nous étions LundREDI aujourd'hui ??"

Ou si vous préférez, ce fameux reflet du soi à travers le discours. Le type voulait sa dose de "devoir conjugal" quitte à faire dire aux mots certains maux!

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