Pakistan: menace des talibans et enlèvement au dernier jour de la campagne

La menace des talibans plane sur ces élections.
La menace des talibans plane sur ces élections.

Les grands partis pakistanais ont tenté de galvaniser les électeurs au dernier jour de la campagne pour les élections législatives de samedi, marqué par l'enlèvement d'un des fils de l'ancien Premier ministre Yousuf Raza Gilani et de nouvelles menaces des insurgés talibans.

Les trois principaux partis en lice, la Ligue Musulmane (PML-N) de Nawaz Sharif, qui a dirigé par deux fois le gouvernement, le PTI de l'ex-gloire du cricket Imran Khan et le PPP de la famille Bhutto ont chacun fait leur dernier tour de piste pour consolider leurs appuis pour ce vote historique.

"Si vous nous donnez cinq ans au pouvoir, vous verrez que nous pouvons changer le destin du pays", a lancé peu avant minuit M. Sharif, la voix éraillée, dans un discours passionné devant des milliers de ses supporters réunis à Lahore, la deuxième ville du pays. Son rival Imran Khan, ancienne légende nationale du cricket, sport adulé au Pakistan, qui s'est fracturé des vertèbres mardi en chutant de plusieurs mètres lors d'un rassemblement, s'est adressé par vidéoconférence de son lit d'hôpital à ses milliers de supporters réunis dans le centre de la capitale Islamabad.

"Dieu ne m'arrachera pas à ce monde tant qu'un nouveau Pakistan ne sera pas bâti", a lancé à la foule M. Khan, dont l'accident a suscité l'émoi et une vague de sympathie au sein de la population. "Je ne sais pas ce qui adviendra, mais mon coeur me dit qu'à la même heure dans deux jours, grâce à dieu, nous célébrerons la victoire", a soufflé M. Khan dans une allocution écoutée religieusement par ses supporters.

Le sexagénaire aux allures de playboy, dont la formation tente dans cette élection de briser le monopole de ces deux partis, le PPP et la PML-N, a électrisé les jeunes et la classe moyenne pendant la campagne électorale en appelant à la fin des élites "corrompues" et à la création d'un "nouveau Pakistan". Cette campagne électorale a été minée par de nombreuses attaques qui ont fait plus de 117 morts et ont été commises en grande partie par les rebelles talibans du TTP, opposés à ces législatives jugées "non islamiques".

Ces attaques sanglantes n'ont pas fait dérailler le scrutin, mais ont limité la capacité des partis laïcs membres de la coalition sortante, comme le PPP, à organiser des rassemblements. Le leader de la campagne du PPP, Bilawal Bhutto Zardari, 24 ans, fils de la défunte Première ministre Benazir Bhutto et de l'actuel président Asif Ali Zardari, a brillé par son absence pendant toute cette bataille électorale. Mais tel un revenant, il est réapparu sur les écrans tard en fin de soirée jeudi, d'un lieu inconnu, possiblement hors du Pakistan, pour appeler les électeurs à ne pas mettre de côté l'héritage de sa formation.

"Pour sauver le Pakistan de Benazir Bhutto, il faut voter pour le PPP", a soutenu "Bilawal", dont les efforts de dernières minutes risquent de ne pas être suffisants.

Nawaz Sharif demeure le mieux placé dans les sondages pour prendre la tête du gouvernement en raison de ses appuis historiques dans son fief du Pendjab, où sont concentrées plus de la moitié des circonscriptions. Mais l'ascension d'Imran Khan, qui mord sur l'électorat de Nawaz Sharif, vient brouiller les pronostics.

Enlèvement et menaces

La journée avait très mal commencé pour le PPP. A Multan (centre), des hommes armés ont enlevé Ali Haider Gilani, un des fils de Yousuf Raza Gilani, qui fut Premier ministre de 2008 jusqu'à sa destitution par la justice en juin 2012. Selon les autorités locales, le secrétaire et un garde du corps d'Ali Haider Gilani, candidat aux élections provinciales du Pendjab sous la bannière du PPP, ont été tués dans la fusillade qui a aussi fait quatre blessés.

"Nous voulons que notre frère nous soit rendu ce soir. Si ce n'est pas fait, nous ne permettrons pas l'organisation du scrutin dans notre région", a mis en garde Ali Musa Gilani, le frère aîné d'Ali Haider. "Les partisans du PPP doivent rester calmes et pacifiques", a pour sa part lancé leur père. Tard en soirée, la famille n'avait toujours pas de nouvelles de l'otage dont l'enlèvement n'a pas été revendiqué.

Selon un commandant des insurgés ayant requis l'anonymat, le chef des talibans pakistanais du TTP Hakimullah Mehsud a ordonné des attentats suicide le jour du vote. "Les talibans ont envoyé des kamikazes pour perpétrer des attaques au Pakistan" samedi, a affirmé à l'AFP ce commandant, faisant craindre une journée électorale sanglante et une participation en berne malgré l'engouement qu'a suscité cette élection clé pour la consolidation de la démocratie dans ce pays de 180 millions d'habitants coutumier aux coups d'Etat.

AFP

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