L'Europe cherche à reprendre l'initiative dans la lutte contre la fraude fiscale

Les ministres de l'Economie européens tentent de reprendre la main.
Les ministres de l'Economie européens tentent de reprendre la main.

Les chefs d'Etats mesureront leur volonté de faire de la lutte contre la fraude fiscale une réelle priorité le 22 mai prochain. Le sujet a été inscrit à l'agenda, alors que l'Autriche semble le dernier pays des Vingt-Sept à défendre encore le secret bancaire.

"Le secret bancaire est passé de mode", a déclaré le ministre des finances français Pierre Moscovici, qui parie sur cette initiative pour obtenir un effet d'entraînement sur les Vingt-Sept Etats membres de l'Union. A Bruxelles, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy a lui rebondi sur la nouvelle bonne volonté affiché par le Luxembourg , promoteur de l'anonymat des comptes, pour inscrire la question de l'évasion fiscale à l'ordre du jour du prochain Sommet des chefs d'Etat le 22 mai prochain.

Alors que la Commission européenne parle de 1000 milliards d'euros qui échappe à l'impôt chaque année, elle stocke dans ses tiroirs une série de textes en souffrance, tant pour promouvoir l'échange d'informations entre Etats membres sur les produits d'épargne que pour décrocher un mandat de négociation unique pour tous les Etats membres vis-à-vis des pays-tiers : Suisse, Liechtenstein, Andorre...

Jusqu'à présent, les deux promoteurs de l'anonymat bancaire, le Luxembourg et l'Autriche, empêchaient tout progrès. Mais le Luxembourg vient de changer de position. Son ministre des finances Luc Frieden a expliqué que le pays estimait avoir à présent une industrie financière suffisamment forte et performante pour garder ses clients tout en allant vers l'échange automatique d'informations sur l'épargne. « Nous sommes d'accord pour promouvoir l'échange automatique d'informations comme un standard international et pensons que le Luxembourg doit préparer l'avenir, en étant un centre financier sûre, stable, solide et de long terme », a-t-il expliqué, en rappelant que le Luxembourg abritait 440 banques, gérait 2400 milliards d'euros de fonds d'épargne et attirait à présent les banques du monde entier, y compris de Chine, qui souhaitent s'implanter en Europe. "C'est cela notre avenir", a-t-il insisté. Son homologue autrichienne en revanche, Maria Fekter, n'a rien cédé -"l'Autriche tient au secret bancaire"- , tout en accusant le Royaume-Uni d'être l'un des principaux centre off-shore d'Europe.

Seule, l'Autriche ne devrait toutefois pas pouvoir bloquer encore longtemps la promotion de l'échange d'information automatique en Europe. La brèche est ouverte. Comme l'a reconnu Luc Frieden, Pierre Moscovici, ou le Britannique Georges Osborne, c'est surtout grâce aux Etats-Unis, qui après avoir fait plier la Suisse, négocie en ce moment ces échanges avec tous les Etats européens. "Il faut utiliser ce modèle négocié avec les Etats-Unis entre nous, a déclaré George Osborne, car on ne peut pas demander aux citoyens des efforts et laisser jouer la finance faire des arbitrages entre différents régimes". La lutte pour une totale transparence « à l'américaine » sera toutefois longue. Déjà Luc Frieden n'a pas apprécié l'initiative des grands pays, en rappelant qu'il faut prendre son temps et agir à vingt-sept. Interrogé, George Osborne est resté évasif sur les paradis de la Manche (Jersey, Guernesey, île de Man..). Et l'Allemand Wolfgang Schauble a rappelé qu'il lui faudra négocier avec chaque région (Land) du pays pour finaliser un accord. Enfin, comme le note ironiquement un expert, « notre problème n'est pas la mise en oeuvre d'un accord entre la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni, mais d'aller chercher la fraude fiscale où elle a des chances d'être, dans les vrais paradis e Suisse ou ailleurs ».

A.B./Les Echos

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