Algérie, la jeunesse perdue !

La jeunesse se révolte en attendant son heure.
La jeunesse se révolte en attendant son heure.

Agés entre 10 et 30 ans, ces innombrables jeunes exclus de l’enfance sans affection, de l’adolescence sans amour et des établissements scolaires sans aucune qualification, habités par l’attente corrosive et le rêve d’une hypothétique fugue, un départ définitif suicidaire qui leur est interdit, constituent la main-d'œuvre bon marché de l'économie parallèle et la pate de toutes les fascinations politiques fascisantes.

1- De l’émeute permanente

Durant  les cinq dernières années, les services de sécurité algériens ont dénombré chaque année près 10.000 rassemblements et manifestations populaires de protestation dont la majorité a tourné à l’émeute réprimée par les forces de l’ordre. La jeunesse se révolte régulièrement contre ceux qui vivent des richesses du pays sans compter, ceux qui boivent en riant la sueur des ouvriers, qui consomment sans le payer le grain blond des paysans, qui digèrent et s’approprient les généreuses idées des intellectuels après les avoir réprimés ou exilés, qui chevauchent et dénaturent les rêves des artistes, vieillissent et ruinent les espoirs de la jeunesse !  

Le profond malaise social contenu par le verrouillage politique et les pratiques coercitives dissuasives de l’état d’urgence devait aboutir à une explosion généralisée avec la canicule de l’été 2010 si ce n’était la qualification de l’Algérie à la coupe du monde de football qui avait servi d’exutoire à la colère populaire évacuée dans une fête aux relents nationalistes annonciateurs d’exigences politiques nouvelles.

Cela fait plus d'une décennie que le pays vit au rythme des émeutes, la contestation a pu être régulièrement étouffée par l'usage disproportionné de la force occasionnant à maintes reprises mort d'hommes (500 morts en octobre 1988, des milliers de disparus durant la décennie des sanguinaires, 127 morts en Kabylie en 2001) et handicap à vie de centaines citoyens, suivie de concessions formelles de nature à éteindre momentanément le brasier. Limitée à des régions, et contenue dans des localités voire des quartiers populeux des grandes villes, la révolte a éclaté le 6 janvier 2011 simultanément dans plusieurs points du pays pour atteindre avec une fulgurance particulière toute l’Algérie. Comme à l'accoutumée ce sont les jeunes laissés pour compte qui se répandent comme un ouragan sur la cité pour détruire les édifices publics et les symboles d'un pouvoir jacobin qui  tient d'une main la trique et de l'autre les dollars de la rente pétrolière prêt à acheter toute force sociale nouvelle.

Le ministre de l’Intérieur avait alors affirmé à la presse nationale que "ce qui s’est passé le jeudi 6 janvier est sans relation aucune avec les aspects socio-économiques (renchérissement des prix)", il ne croyait pas si bien dire ! En effet les causes ne sont pas  strictement économiques ! Mais  avait-t-il ajouté "ces jeunes n’ont obéi qu’à des instincts revanchards car ne mesurant pas les conséquences de leurs actes".

Qui sont ces jeunes ? Contre qui ont-ils une revanche à prendre et quelle est la nature de cette revanche ? Pourquoi ont-ils agi maintenant ? Qui a commencé l’émeute et pour quel motif mobilisateur ? Comment l’émeute a-t-elle pu se propager avec cette fulgurance sur tout le territoire national ? Les biens publics détruits et incendiés représentent-ils des symboles de la mauvaise gouvernance et de la Hogra institutionnelle, humiliation particulièrement ressentie par la jeunesse, et enfin qui est le premier bénéficiaire  de cette insurrection ? L’émeute difficilement contenue traduit-elle une recomposition politique au sommet du pouvoir ?

2- Qui sont ces jeunes qui se révoltent ?

Agés entre 10 et 30 ans, ces innombrables jeunes exclus de l’enfance sans affection de l’adolescence, sans amour et des établissements scolaires sans aucune qualification, habités par l’attente corrosive et le rêve d’une hypothétique fugue, un départ définitif suicidaire qui leur est interdit, constituent la main-d'œuvre bon marché de l'économie parallèle. Chômeurs déguisés ils s’occupent accessoirement dans des métiers marginaux, marchands à la sauvette, dealers, garçons de café, portefaix, ouvriers journaliers dans les stations de parpaings et les sablières.

N’appartenant à aucune classe sociale, ils constituent uns sous-prolétariat corvéable à merci.  Leur culture est un conglomérat de clichés de la vie facile, d’images frustrantes de la jeunesse dorée européenne, des vérités éphémères  que les  télévisions construisent et déconstruisent quotidiennement dans leurs cervelles tourmentées par les films de violence et une frustration sexuelle jalonnée par des tabous religieux rigides et mortifères !

Coupés du passé, refusant l'oisiveté du présent verrouillé, ne voyant aucun avenir se profiler à l’horizon, ils n’ont aucune attache identitaire avec la nation. Sans logement, sans emploi, donc sans moyens de structurer une vie ordinaire, exclus des loisirs, de la consommation et de la culture, vulnérables dans leur précarité quotidienne, ils sont potentiellement mobilisables comme manifestants orientés vers la destruction ce qui symbolise leur déchéance sociale ( Banques, showrooms de véhicules, magasins de luxe) et ce qui à leurs regards blessés représente les instruments institutionnels par lesquels le pouvoir central s’assujettit l’Etat et bâillonne la société ( Institutions publiques, tribunaux, sociétés et Offices nationaux ) organes qui récupèrent la rente au profit des tenants du pouvoir qui s’imposent régulièrement par la force brute et la fraude électorale ( Sonelgaz , Sonatrach, Contributions diverses… )

3 - La revanche chimérique

La génération des émeutiers a l'âge de l'état d'urgence, instauré le 9 février 1992 et levé en 2011  par ordonnance présidentielle. Elle a grandi sous ses règles coercitives, ses restrictions des libertés, sa pratique de la répression tous azimuts et dans le climat délétère des concessions vitales faites à la culture islamique de l'interdit et du péché (Layadjouz). Elle n'a connu ni éducation, ni culture, ni sports, ni loisirs. Ses rêves ont été momifiés dans le hidjab pour les filles et le qamis pour les garçons, transformés en cauchemars sanguins habités de bruits guerriers, de tueries à l’arme blanche, d’explosions, de larmes et de douleurs.

Le ministre de l’Intérieur avait affirmé que ces jeunes révoltés "ont  obéi à des instincts revanchards" ! Oui, ces jeunes qui attendent d’hypothétiques aides de l’Etat pour survivre , qui s’habillent des restes des stocks américains, ont une revanche à prendre sur les tenants du pouvoir qui ont programmé leur déchéance, les vampires qui sucent leur jeunesse,  les passéistes qui obstruent leur avenir, les marchands véreux qui leurs proposent l’opium à la place de la rose, la soumission à la place de liberté, les larmes  au lieu du rire, ceux qui les poussent à la fuite sur des radeaux de fortune au risque de leur vie , ceux qui leur offrent des bidons d’essence et des allumettes pour s’immoler.

Oui, ils ont une revanche à prendre sur les pachas voleurs qui se sont accaparés les richesses du pays, ces dirigeants qui se prennent pour des seigneurs, s’entourant de véritables cours insolentes, ces dictateurs qui achètent consciences et convictions. Les prédateurs qui bradent la mémoire collective, les sacrifices séculaires de la révolution algérienne, les cicatrices mal refermées et les tatouages bistre de nos grand-mères, ceux qui se sont partagé les grandes villes, les immenses terres, les belles villas, les opulentes banques, les rutilants véhicules, les jardins luxuriants, les musées naturels, les routes privées,  les  avions, les bateaux, les fruits du désert, le ciel et la mer.

Utilisée comme chair à canons par la nouvelle bourgeoisie alliée du capital international, la jeunesse algérienne, comme toutes les jeunesses du monde  rêve d’amour et de révolution. Coupée par l’école intégriste des valeurs des ancêtres qui sacralisaient l’effort, le travail, la propreté et la parole donnée, les jeunes vivent l’errance et la déculturation. Sans repères, sans horizon, ils constituent la pate de toutes les fascinations politiques destructrices à venir, le fascisme, le racisme et l’intégrisme religieux notamment !

Rachid Oulebsir

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Commentaires (2) | Réagir ?

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karim Aït Aïssa

La Kabylie, pôle de résistance aux conquérants successifs, bastion de la glorieuse Armée de

Libération Nationale, est une région toute aussi sinistrée à l’instar du Grand Sud Algérien.

Elle doit se mobiliser et faire jonction avec sa grande sœur pour un même combat.

Les problèmes sont à l’identique aux quatre coins du pays. La solution est la même.

S’il est vrai que l’idée ne produit pas la réalité, toutefois, celle-ci peut l’organiser…ck

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karim haddad

admirez le pillage a ciel ouvert de l'algerie!

Politique

GUERRE DE SUCCESSION AU FLN : la corruption freine les ambitions d'Amar Tou

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Publié le Lundi, 11 Mars 2013 11:37

Écrit par Ali Graichi

La bataille pour la succession de Belkhadem à la tête du secrétariat général du FLN perturbe au plus haut point Bouteflika. Selon une source de la présidence de la république, il a pesé de tout son poids pour barrer la route à Amar Tou, ministre des transports et prétendant au trône de l'ex-parti unique. On voudrait croire que cette opposition est dictée par des considérations idéologiques, politiques ou, au minimum, stratégiques. Rien de tout cela. Bouteflika n'a pas digéré l'affront que son ministre lui a fait subir auprès de son homologue Poutine au sujet d'un marché remporté par la société russe Russian Rail (en groupement avec Infrafer-Algerie), portant sur la rénovation du chemin de fer algérois. Le marché, d'un montant initial de 800 millions de dollars a été présenté à Bouteflika comme étant une oeuvre majeure dans le domaine des transports par Amar Tou qui avait hérité le dossier de son prédécesseur. Ce que Tou a omis de dire au chef de l'Etat, et pour cause, c'est la rondelette somme de 80 millions de dollars de commissions (10%, un taux qui a disparu dans d'autres pays habitués aux intermédiaires) demandée aux Russes par l'intermédiaire de tiers. Pour arriver à ses fins, Amar Tou fit un forcing sur la commission nationale des marchés en se réclamant de l'accord du chef de l'Etat qu'il n'avait pourtant pas acquis. Essuyant un refus catégorique, faute d'écrit, il usa du même stratagème auprès de Karim Djoudi, ministre des finances, qui signifia, après recoupements, le même rejet. Les Russes qui avaient inscrit ce projet à leur actif (information disponible sur leur site) depuis 2007, ne voyant pas l'ODS (ordre de service) signé reprirent langue de manière véhémente avec le ministre des transports qui laissa entendre que les 80 millions de dollars de commissions étaient, in-fine, destinées au cercle présidentiel et pas pour lui!!! C'est ce grossier montage que Bouteflika ne lui pardonne pas.

L'héritage du FLN est une vieille histoire de rente.

Ali Graichi

EXTENSION DU METRO D’ALGER : quand Sellal se montre généreux avec Kouninef

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Publié le Dimanche, 10 Mars 2013 15:56

Écrit par Dahbia Laceb

Lorsqu’il a cumulé les ministères des ressources en eau et des transports, Abdelmalek Sellal s’est rappelé que la générosité bien ordonnée va d’abord aux financiers des campagnes électorales de Bouteflika. Remplaçant Amar Tou, candidat à la députation, à la tête du département des transports, Sellal avait octroyé le marché d’équipement de l’extension du métro d’Alger, Hai El Badr –El Harrach, à Colas Rail-Kougc, une joint-venture franco-algérienne. La société Kougc appartient à Redha Kouninef, l’un des principaux pourvoyeurs de fonds pour les campagnes présidentielles de Bouteflika. Le montant du marché est de 110 millions d’euros. L’extension en question comporte quatre stations dotées d’espaces dédiés aux activités commerciales. Redha Kouninef n’est pas inconnu à Sellal. Il avait quasiment l’ensemble des marchés de transfert d’eau. De même qu’il a hérité de l’ensemble des chantiers de BRC. Redha Kouninef, de son coté, sait se montrer reconnaissant. C’est lui qui loge le MPA, le parti de Benyounes, dans l’une de ses villas sur les hauteurs d’Alger. une résidence qui a servi auparavant de permanence électorale de Bouteflika.

Dahbia Laceb

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6 COMMENTAIRES

salay

salay 21 hours ago

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C'est juste que le dégel a commencé. Comme disait les montagnards de la belle et rebelle Kabylie, quand la neige fondra, tout se dévoilera surtout leur m.... hachakoum

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Sif

Sif 21 hours ago

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On parle à juste tire des ripoux du système mais on a tendance a oublier l'ami Hadj Bettou qui a une solide tradition familiale derrière lui et qui a appris la leçon en un temps record. Après les médicaments, le goudron, les parfums Zohara le voilà déjà intégré chez Kouninef. Du lourd. Et ce mec va changer de veste en deux minutes si le nabot comme il appelle son chef tombe. Ce sont ces sbires qu'il faut faire payer. Avant tous les autres

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Lima

Lima 22 hours ago

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El Yamine, Ces 2 journaux sont eux memes des scandales

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SONATRACH 2 : Chakib Khelil quitte précipitamment Alger

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Publié le Lundi, 11 Mars 2013 11:53

Écrit par Hamid Guerni

L’ancien ministre de l’énergie et des mines, Chakib Khelil, dont le nom revient de maniéré récurrente dans toutes les affaires de corruption qui éclaboussent la Sonatrach, a dû, sur conseil de ses amis, quitter, au courant de la semaine passée, précipitamment l’Algérie pour les Etats-Unis où il a une résidence, a-t-on appris de source sure.

Le départ précipité de Khelil est intervenu deux jours avant le dernier communiqué du procureur général d’Alger, Belkacem Zeghmati qui informait de l’accélération de la procédure judiciaire et du lancement des mandats contre les personnes dont les commissions rogatoires établiraient l’implication dans l’affaire Sonatrach 2. Au cours de son séjour algérois, Chakib Khellil, a précisé notre source, a résidé à Djenane El Mithak (résidence d’Etat) où il recevait des personnes dont il attend soutien et protection. Mais visiblement, ses attentes furent déçues. Le plus qu’ils pouvaient faire était de l’avertir à temps de l’accélération de la procédure judiciaire et lui conseiller de quitter le pays. Chakib Khelil possède trois nationalités : il est algérien, américain et français.

Hamid Guerni

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2 COMMENTAIRES

Salhi

Salhi 4 hours ago

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Les Boutef ont déjà liquidé les leurs depuis belle lurette pour aller s'installer aux Emirats Arabes Unis, dans le ranch américain que le défunt Sultan Ennahyane leur a offert, il y a plus de 15 ans,.

La nationalité émiratie et les passeports diplomatiques que le frère aîné leur a fait établir en catimini, les protégerons contre toute éventualité d'extradition.

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Nabil

Nabil 10 hours ago

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Il n'est pas le seul à fuir. Ils sont un certain nombre de décideurs à vendre leurs biens