S’indigner, se taire ou partir ? That is the question

S’indigner, se taire ou partir ? That is the question

Répondre d’emblée à cette problématique participe de la gageure.

A moins d’être fortement imprégné de l’esprit de Tahar Djaout et de s’approprier sa citation : "Le silence c’est la mort. Et toi, si tu parles tu meurs. Si tu te tais, tu meurs. Alors, parles et meurs". Ou bien encore tenter de faire le rapport avec le monde littéraire, qui nous a livré deux publications s’accordant parfaitement avec le questionnement posé par cette contribution et qui s’inscrit, n’est-ce pas amis lecteurs, dans l’ère du temps. 

La première des publications concerne le manifeste de Stéphane Hessel, intitulé Indignez-vous. L’auteur, un grand humaniste qui nous a quittés jeudi, encourage la société civile à agir en contre pouvoir, en  s’impliquant pleinement dans toutes les questions la concernant. Il consacre dans son ouvrage la primauté de l’intérêt général sur l’intérêt financier, défend le syndicalisme et prône la solidarité intergénérationnelle. Il est pour l’idée du réveil public du peuple, qui était, jusqu’à présent, très passif. Bien évidemment, il place son combat dans un esprit démocratique et civilisationnel, loin de toute forme d’anarchie, dont certains veulent l’affubler, car jaloux de l’accueil de son livre par un très large public. Et les thèses défendues par l’auteur, ont ceci de particulier c’est qu’elles font abstraction des frontières, dès lors où elles concernent la société et l’interpellent sur son vécu et son devenir. Elles provoquent le débat entre ceux qui se définissent comme indignés et les autres à classer dans la catégorie des résignés. Elles  peuvent et doivent trouver des espaces d’expression dans notre pays.

Via les réseaux sociaux, la radio, la télé et les journaux où l’on viendrait débattre entre personnes  civilisées, tolérantes, sachant s’écouter et  accepter l’avis de l’autre. S’exprimer ainsi et en ces lieux et pourquoi pas s’indigner en conséquence, ne participe ni de l’anarchie, ni du trouble à l’ordre public. Et l’objectif est de faire avancer les choses et le pays avec, en mettant de côté et les formulations éculées de type "y’a qu’à" ou "il faut que",  ou encore les égoïsmes des uns ou des autres. Et de dire ainsi, ce qui ne va pas ou ce qui n’a pas été pris correctement en charge selon les desiderata de la population.

Et à ce niveau, l’indignation participe de la salubrité publique, car souvent, beaucoup de questions sont traitées en vase clos, centralisme oblige. Rappelons à ce sujet, l’intervention remarquée et remarquable de  Mohamed Seghir Babes, président du C.N.E.S  qui n’a pas hésité à pousser un coup de gueule, lors des dernières assises de la société civile, tenus en 2012 pour dire son sentiment concernant la marginalisation du mouvement associatif et de la société civile, par les gouvernants.

Quand ce n’est pas les grands bouleversements planétaires qui sont ignorés par ceux qui nous gouvernent, ou qui ne donnent lieu qu’à des observations superficielles entre experts qui s’échangent quelques avis, sans suite : Comme le scandale de la viande de cheval qui secoue l’Europe où l’indignation est générale. Face à l’ampleur de la situation, la commission européenne envisage désormais de renforcer la réglementation sur l’étiquetage, et la traçabilité des produits agro-alimentaires, dont la viande.

Si en Europe, où les règles communautaires de contrôle et de sécurité des produits alimentaires sont les plus draconiennes, on a pu facilement tromper le consommateur, pourtant très regardant sur ce qu’il consomme, que dire des algériens, qui ne savent pratiquement rien sur ce que contiennent leurs assiettes ? (*) Que peut représenter pour l’algérien de consommer de la viande chevaline quand il a mangé à son insu, de la viande de baudet ? De la viande asine a été retrouvée sur les étals des bouchers à Alger, Oran et récemment Tiaret, sans susciter la moindre réaction chez les responsables concernés. Alors, pour le moins « indignons-nous » ! 

Après s’être indigné pour notre panse, indignons-nous maintenant pour le cerveau, celui des faussaires du bac d’Oran et de leur progéniture qui ont défrayé la chronique ces derniers temps. Indignons-nous aussi contre les vampires de Rome ou d’Alger qui nous ont abusés après avoir goulûment bu notre pétrole et les hydrocarbures qui vont avec, non sans nous avoir au passage, enduit notre face de goudron. Poursuivons notre indignation contre ces imams du Sahel qui sont venus, ont mangé et bu Hallal, puis sont repartis après avoir poussé « un rot » béat de satisfaction qu’il tient à nous de décrypter. 

Continuons de nous indigner à cause de l’absence d’intérêt porté aux propositions généreuses de Nabni, qui n’a de cesse de se décarcasser, en vain. S’indigner encore, maintenant et plus que jamais, contre les promotions-canapé et autres nominations faites en dépit du bon sens et au détriment des cadres honnêtes, dévoués et compétents.  Poursuivons notre indignation concernant le sort cruel réservé à ces deux réfugiées maliennes et leur mésaventure d’Oran. Poussons notre indignation à son paroxysme suite à tous ces rapts d’enfants suivis de leur assassinat, nous qui croyions que notre société était à l’abri de ce genre de crimes abominables. 

Indignons-nous davantage aussi  pour le parti FLN, qui s’est donné en spectacle lors du retrait de confiance à son secrétaire général… qui lui-même a fait de la résistance…avant de céder son siège aux forceps… pour  se précipiter à l’étranger. D’où il a proféré quelques amabilités pour ses pairs du parti… dont certains ont vite fait de déclarer leur candidature comme le mouhafedh de Constantine… battu en brèche aussitôt par un ministre qui, semble-t-il,  tiendrait la corde au motif qu’il serait le plus consensuel … 

Et au parti de s’installer dans la crise…qu’il aurait pu éviter s’il avait pensé à organiser…  « des primaires », comme cela se fait dans toutes les démocraties du monde. Tout en m’indignant, je dis pour paraphraser qui vous savez : "Belkhadem si tu reviens… j’arrête tout". Enfin, nous serons unanimes, peut-être à nous indigner, collectivement,  contre le dernier tube de cet opérateur téléphonique dont nous ne ferons pas la publicité ici, qui veut nous transformer en « loosers », si l’on juge par les paroles de sa chanson qui passe en boucle dans toutes nos radios :

"Vainqueurs, vaincus nous sommes avec les Verts. Et nous irons au mondial".

A moins d’être le Qatar, je ne vois pas comment on pourrait participer au mondial si on collectionne les défaites et si on n’inculque pas la culture de la gagne à tous nos compétiteurs, footballeurs à fortiori. Plaidons amis lecteurs, pour le retrait de cette mascarade musicale et continuons de nous indigner… Ou alors, taisons-nous… car ne dit-on pas que la parole est d’argent et le silence est d’or ? 

On dit aussi que le silence est la vertu des sots (Francis Bacon) … comme l’ont été ceux qui ont failli, par ignorance des enjeux politiques des années 1990, nous précipiter dans les abysses , abstentionnistes qu’ils étaient ou « je m’en foutistes », c’est à vous de voir ! Ou encore les «  bof…istes » et autres fatalistes de tout bord, qui n’ont de cesse de geindre croyant que les jeux étaient fait et les élections gagnées d’avance, comme à la belle époque du parti unique.

Alors, amis-soldats de plomb de la majorité silencieuse, réveillez-vous, indignez-vous ou taisez-vous à jamais. Le pays se fera, désormais, sans vous, mais avec les jeunes. Notamment ceux qui commencent  à s’imposer dans les sphères économiques, culturelles, sportives et même politiques. Et qui ne manqueront pas de recadrer, poliment peut-être, mais avec beaucoup de détermination, ceux d’entre-nous qui ne veulent pas passer le témoin.

Depuis notamment le discours, de référence, de Sétif : « Tab djenana », avec lequel ces jeunes ont pris date. Ils sont nombreux à espérer et à s’indigner quand ceux d’en haut feignent de ne pas entendre le bruit sourd de ceux d’en bas. Ils sont aussi légion ceux qui ne veulent plus du pays malgré « l’insistance des aînés ». C’est les « harragas ». L’Etat ne peut raisonnablement les retenir en dépit de la loi qui pénalise leur acte.

L’Etat ne peut également donner un local commercial à tous ces jeunes en errance, les redéployer dans les marchés ou les recruter en qualité de veilleurs de nuit ou d’agents de sécurité. Ils continueront donc à tenter leur chance en solo, à moins que les pouvoirs publics ne trouvent des destinations d’immigration du style Australie ou Canada, à ces « desperados ». D’autres jeunes, plus sages et souvent porteurs de titres et diplômes supérieurs,  pensent qu’après les études, leur salut est ailleurs. 

Non pas dans la fuite, mais en vue de se désaltérer, de souffler et de se réinventer pour revenir riches d’expériences nouvelles, imprégnées de la créativité et de l’enthousiasme qui fleurissent aujourd’hui aux coins du monde.  M. Abdelmalek Sellal a vu juste d’ailleurs, en affirmant lors de l’une de ses premières sorties en tant que Premier Ministre : « Laissez les jeunes souffler, laissez-les vivre ! ». Il l’a dit sur un ton aussi péremptoire qu’émotionnel en regardant droit dans les yeux tous ceux qui bloquent les énergies de ce pays.

Il ne s’agit pas ici de faire l’éloge de la fuite de nos jeunes qui condamnerait notre pays à terme, mais les encourager à partir explorer le monde, à faire des rencontres qui changeront leurs vies, et après, d’en faire profiter l’Algérie. Partez si vous voulez, revenez, repartez encore, revenez de nouveau ». C’est ce que préconise les auteurs du livre « Barrez-vous *» et qu’on peut encore paraphraser pour dire à nos jeunes, ceux  qui piaffent d’envie de partir : "L’Algérie ce n’est pas uniquement votre pays de naissance, qui est vôtre, mais le monde entier ; faites-vous violence si nécessaire, mais emparez-vous-en. N’hésitez plus, choisissez une destination où le monde est en train de se faire, là, tout de suite, que ce soit Tbilisi, où la Ministre de l’économie, la patronne de la police nationale et le seul conseiller du président sont tout juste trentenaires, ou Shanghai, Mexico  ou Santiago. Barrez-vous, parce que rien ne vaut l’ivresse qui convient avec la conscience du Monde et de l’Autre du Voyageur ; partir, c’est découvrir qu’on ne pense pas, ne travaille pas, ne communique pas de la même manière à Paris, Guang-Zhou ou au Cap" … et j’ajouterai pour ma part Alger, Tlemcen, Tizi Ouzou, Annaba ou In Aménas.

Pour en finir avec cette problématique à laquelle chacun d’entre nous est invité à répondre, je citerai deux exemples qui sont venus opportunément conforter mon écrit et m’offrir une chute idéale en guise de conclusion : 

- Tout d’abord, celui de ce jeune d’Illizi qui a donné un sens à l’interpellation « s’indigner, se taire ou partir » par son attitude aussi téméraire que courageuse :

-Il s’est indigné devant un parterre d’officiels et un panel de notables de la région.

-Il ne s’est pas tu, il a dit ce qu’il avait à dire !

-Il n’est pas parti de sa région qu’il aime par dessus tout.

-Ensuite la surprise amenée par Ahmed Lahri et les professeurs Berchiche-Mekki-Cherif et Allouache qui nous ont gratifié d’un grand moment de télévision et « d’indignation » en cette soirée du 18/02/2013 sur Canal Algérie, à l’occasion de l’émission « Questions d’Actu » qui a traité des us des partis politiques.

Sans langue de bois, une fois n’est pas coutume et parfois de manière triviale, en tous les cas, juste assez pour choquer les biens pensants, interpeller les consciences et casser quelques tabous !

Cherif Ali

Bibliographie : 

 *Les réflexions de cet article ont pris source à partir des livres Indignez-vous de Stéphane Hessel et Barrez-vous de F. Marquard, M. Achour et Mokless et l’article de  Rabah Amir- TSA du 17/02/2013 intitulé : "Les algériens savent-ils ce que contiennent leurs assiettes".

 

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Aztek Bakou

Bonjour,

Supprimer une publicité tube, vous aurez toute cette jeunesse derrière pour vous considérer comme un ingrat de leurs aspirations a des options gadgets sur du matériel sans aucune traçabilité. mais celle de notre sécurité sur toutes ses formes a commencer par cette lasagne...

La schizophrénie s`est bien installée que ces quelques plumes bien conscientes et sans généraliser sur la majorité surenchèreuse au point de transformer des indignations populaires légitimes en lutes claniques, tribales et sataniques d`où qu`elles viennent...

Salutations

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walid bachrati

il ya un adage arabe qui disait à peu prés cela/ tu as parlés si haut pour que tout les vivants puisse t'entendre, mais hélas, ceux qui tu appelle sont des morts