L’hirondelle de Kaboul

Yasmina Khadra
Yasmina Khadra

Ce que je connaissais de l’Afghanistan, outre la culture du pavot, se résumait succinctement, dans la vie et l’œuvre de Jamel-Eddine El Afghani.

Malgré une existence éphémère, ce dernier a traversé l’histoire en y laissant son empreinte. Il a également suscité une polémique autour de son origine : Afghane ou Iranienne ? Peu importe, dès lors où il était connu aussi comme un réformateur, imbu par ailleurs d’émancipation, grâce à son séjour en Occident. Gonflé qu’il était, il rêvait de voir la démocratie et les libertés s’installer en terre d’Islam, déchirée, par les luttes fratricides et l’absolutisme qui y régnait.

Pourquoi j’évoque ce personnage, maintenant et dans ces colonnes. C’est simple, amis lecteurs. Ce Jamel-Eddine El Afghani incarnait aux yeux du jeune homme que j’étais, "le chevalier sans peur et sans reproche". De plus, il était le héros d’une série égyptienne qui nous était servie en prime time, par l’unique". Nour Ech-charif ou peut être bien Mahmoud Yassine, je ne sais plus, campait magistralement le rôle de ce personnage, qui apparaissait à l’époque, aussi sympathique que téméraire.

Mais depuis Oum Dourmane, je ne vous cacherais pas que j’ai une aversion pour toutes les productions égyptiennes, fussent-elles "Césarisées ou Oscarisées". Quant au pays qu’est l’Afghanistan, il ne m’inspire aujourd’hui, qu’intolérance, explosions, mort, larmes, sang et… narcotrafic. Et exit Jamel-Eddine El Afghani et son épopée. Il s’est estompé de ma mémoire lui et ses idées rétrogrades, somme tout. Quant à l’Afghanistan d’aujourd’hui, il ne se distingue à mes yeux que par l’horreur de son interminable bilan macabre :

  • 1756 enfants tués ou blessés des suites du conflit qui se déroule dans ce pays, depuis 2001.
  • Soit 4,8 enfants tués par jour, selon l’UNICEF.
  • Pertes humaines innombrables liées "à un usage sans discernement de la force", selon un rapport de l’ONU, paru en avril 2012.
  • Explosions de voitures et de motos piégées, au quotidien.

Comment aussi ne pas haïr tous ces talibans qui ont profité du chaos laissé par l’occupant soviétique, pour asseoir leur domination, à coup d’idées néo-fondamentalistes… et à coup de balivernes du style… les talibans affrontaient les chars russes à mains nues. Et le mollah Omar, aussi borgne que Mokhtar Belmokhtar, caché le plus souvent dans les grottes de Bora Bora, et qui devient de facto leur chef, une fois qu’ils se sont accaparés du pouvoir.

Il prend le titre de "commandeur des croyants", après avoir occis en route, l’ancien président communiste mais néanmoins légaliste, Mohamed Nadjibullah. Depuis cette époque, les événements d’Afghanistan ont fait intrusion dans nos foyers, par effraction, via la télévision nationale, pour nous pourrir tout simplement nos diners et nos soirées. Avec la parabole et les chaînes satellitaires, les massacres nous étaient livrés "en live", quotidiennement :

  • Assassinat du commandant Massoud.
  • Kamikazes, ceintures d’explosifs.
  • Lapidation, pendaisons au quotidien.
  • Dynamitage des statues de Bouddhas géants de Bamiyan, vieilles de 15 siècles.
  • Absence de toute vie culturelle, de toute vie tout court à l’intérieur des burqas.

Sans omettre bien sûr toutes les autres cruautés à oublier au plus vite, comme les dégâts de la décennie noire où «nos afghans à nous», ont causé tant et tant de drames inoubliables. D’autres pays ont commencé, à leur tour, a ressentir directement et dans leur chair, les effets de leur engagement en Afghanistan :

• Les U.S.A avec les attaques contre ses ambassades de Nairobi et Dar –Es- Salem.

• La France avec 88 soldats tués.

Et leur opinion publique de se poser des questions, de haïr la guerre, l’Afghanistan et d’en débattre, avec véhémence, dans les médias.

Et vinrent les événements du 11 septembre 2001, qu’il n’est point besoin de rappeler ici. Ainsi que la starisation d’Oussama Ben Laden et son intronisation au sein d’une opinion musulmane, plus déroutée qu’admirative de ses exploits supposés. Aujourd’hui, même après sa mort, on continue à subir les dommages induits par ses attentats, dont on ne cesse d’en payer les frais, collégialement, musulmans en général et arabes en particulier. Personnellement je désespérais de voir l’Afghanistan renaitre, connaitre la paix, prospérer et retrouver sa place dans le concert des nations.

Je m’en suis détaché, jusqu’au jour où j’ai tenu en mains Les hirondelles de Kaboul de Yasmina Khadra. Je vous fais le "pitch" du livre ? Oui ? Alors voilà :

"Dans les ruines brûlantes de Kaboul, la mort rode, un turban noir autour du crâne. Ici une lapidation de femme, là un stade rempli par des exécutions publiques. Les talibans veillent- la joie et le rire sont devenus suspects- Atiq le courageux moudjahid, reconverti en geôlier, traine sa peine- Toute fierté l’a quitté. Le goût de vivre a également abandonné Mohsen qui rêvait de modernité. Son épouse Zuneira, avocate, plus belle que le ciel, est désormais condamnée à l’obscurité grillagée du tchadri. Alors Kaboul, que la folie guette, n’a plus d’autres histoires à offrir que des tragédies. Quel espoir est-il permis ? Le printemps des hirondelles semble bien loin encore".

Quel livre ! Quel auteur ! « Douter de son talent et de son art ne peut relever que de la jalousie ». Ce n’est pas moi qui le dit, c’est un journaliste du Quotidien d’Oran, à la carrière bien remplie et de surcroît, directeur de l’école de journalisme. 

Merci Monsieur le journaliste d’avoir écrit (en mieux), ce que je pense de cet immense auteur, qui continue par la plume et la parole à porter haut l’étendard de notre pays après l’avoir défendu en tant qu’officier de notre armée nationale. Merci aussi à vous, Yasmina Khadra d’avoir écrit ce merveilleux livre qui m’a réconcilié, un tant soit peu, avec cet Afghanistan occupé, violenté, meurtri mais si émouvant par les histoires de vie qui s’y déroulent et que vous avez parfaitement restitué à vos lecteurs.

Malgré les horreurs, la mort et le sang, les gens résistent, espèrent, pleurent souvent, rient parfois et ne cessent jamais de croire aux lendemains qui chantent. Vous m’avez, par votre livre, aidé à planter le décor de cette contribution.

Ce qui me permet, en quelque sorte, d’enchainer avec Hamid Karzaï. Ce président de l’Afghanistan qui est devenu le chef du pouvoir intérimaire après avoir été investi par la « Loyah Jirgah », cette grande assemblée qui est convoquée par les chefs de tribus. Ce président qui se distingue par son costume traditionnel et néanmoins original qu’il a promené partout dans le monde, dans l’espoir de susciter quelque intérêt pour son pays, ou pour le moins changer le regard qui lui est porté.

Il se prénomme Hamid, un prénom bien de chez nous, vous l’aurez certainement remarqué. Il a annoncé, il y a juste quelques jours, qu’il ne briguerait pas un autre mandat, à l’issue de sa présidence en 2014. Il estime qu’après le retrait annoncé des troupes de l’OTAN, les leaders politiques et la population Afghane prendront en mains leur destin. Et qu’ils en sont capables ! Cette nouvelle de nature à faire le buzz, n’a apparemment pas emballée les rédactions. Encore moins suscitée quelques commentaires.

A croire qu’un président qui ne rêve pas de se succéder "à lui-même" est une pratique courante dans nos contrées d’ici-bas. Comme si l’alternance, "zaama", est une vertu politique et une constance cultivée de Kaboul à Damas en passant par Baghdad, pour arriver là où vous fantasmez. Les bras m’en tombent ! A moins que le rédacteur de "la lettre de province", celle contenue dans la dernière livraison du Soir d’Algérie, n’y aille de son commentaire et me conforte ou pas, dans mon analyse. Lui qui supputait concernant l’abandon du pouvoir "… ce n’est rien d’autre que de la sagesse dont on sait, hélas, qu’elle est la philosophie la moins bien partagée, lorsqu’on a connu l’ivresse du pouvoir".

Quant à Hamid Karzai, au-delà des reproches qu’on peut lui faire, sur son parcours ou ses liens supposés avec les USA qui l’auraient intronisé président, on ne peut lui dénier sa sincérité, encore moins sa volonté affichée de se détacher du pouvoir. N’a-t-il pas été lui-même l’artisan de sa retraite annoncée ? 

Moi, rien que pour ça, je lui dis : Hamid, si tu m’entends… respect. Et à Yasmina Khadra, je demande pardon. Pardon de lui avoir détourné une de ses hirondelles… pour intituler tout d’abord cette contribution. Pardon ensuite de n’avoir pas su la retenir. Elle s’est d’ailleurs vite envolée, à tire-d’aile, à destination de Kaboul... Sont-ce les prémices du printemps annoncé pour ce pays qui le mérite tant ? Le printemps, le vrai, pas celui que veulent nous fourguer Al Jazeera & Co.

Cherif Ali

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Commentaires (1) | Réagir ?

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rabah Benali

Au lieu de "L'hirondelle de Kaboul", personellement, j'aurai souhaité lire quelque chose qui s'aurait intitulé "Le ou les charognards d'Alger".

Notre "Immense auteur officier écrivan au patronime informel" aurait mieux fait d'utiliser son énergie et ses talents de scribouillard éveillé pour nous conter Benthalha, Relizane ou Beni Messous.

Kaboul, Kandahar, Bagram etc…sont très loins de chez nous. (Au sens propre et figuré du mot). Très rares seront d'ailleurs les intellos "Algerien fondamental school Made" capablent de positionner ces villes sur une carte du globe.

Le "Talibanistan" n'est pas notre tasse de thé. Tout nous sépare de cette lointaine contrée habitée par bien plus tarés et plus fadas que nos barbus "Made in Algeria".

On nous dit aussi que; Je cite: "Cet immense auteur, qui continue par la plume et la parole à porter haut l’étendard de notre pays après l’avoir défendu en tant qu’officier de notre armée nationale", est d'un talent merveilleux".

Parole d'évangile et de journaliste d'Oran nous dit t'on !!.

Bravo !! Le médiocre sublime le médiocre !! C'est un peu le principe des vases communiquants.

Par ailleurs, on aurait souhaité connaitre quelques noms de ces fameuses batailles et guerres livrées par notre officier écrivain intrépide défendant notre pays.

Est-ce que les bousculades devant les réfectoires et les mess de casernes algériennes font aussi partie du palmarès de cet enfant terrible ??.

Enfant prodige qui semble plutôt manger à tous les râteliers possibles.

Officier anonyme informel de part son pseudonyme, apparemment oposant avéré ou supposé du régime Malghachos Tlemceniens d'Alger devenu directeur d'un

"Machin" appelé "Centre culturel algérien à Paris".

Au fait, le personnage y dirige et fait la promotion de quelle "culture" ??

La culture d'un peuple qui se dit fier mais incapable de se nourrir de son labeur ??

Un peuple attendant avec impatience l'arrivée de navires venus d'ailleurs pour lui apporter pitance et confort. ??

Ou culture de la tromperie, de la ruse et de la rapine des voyous d'Alger.

Si je peux me permettre une humble recommandation, je conseillerai à l'auteur de l'article ci-dessus et à ses semblables, de lire plutôt les livres de Hocine Malti, de Mohamed Benchicou, de Boualem Sensal etc.. Pour ne citer que cette excellence bien de chez nous.

Il comprendront un peu les causes de la tragédie qui, depuis sa recolonisation en 1962 frappe et refrappe notre pays et tout ce qu'il contient.

Il comprendront enfin que le peuple algérien n'est pas le peuple élu chargé d'une mission divine sacrée pour s'occuper de toute la misère de l'humanité dans son integralité.

L'afghanistan, le Sahara occidental, la Palestine, la Syrie, les arabes (Les vrais), les juifs, les kouffars et les non Kouffars ne sont pas nos tasses de thé.

Notre problème, c' est plutôt les Malghachos Tlemceniens et leurs ramifications de tous genres, qui s'acharnent à précipiter dans l'abime le pays de Ben M'hedi, de Abane, de Krim, de Amirouche et de milliers d'autres "Hrarrs".

Donc, de grace Mr l'auteur de l'article ci-dessus, cessez de nous bassiner par de "l'informel" sur des sujets qui ne nous concernent point.

Rabah Benali