Le renard et le hérisson

Aux yeux des tenants de l'islamisme, le passé millénaire de l'Algérie est haram
Aux yeux des tenants de l'islamisme, le passé millénaire de l'Algérie est haram

"Les nazis ont parlé mensongèrement, mais à des hommes, les socialistes ont parlé vrai mais de choses ; il s’agit maintenant de parler à des hommes en toute vérité de leurs affaires." (1)

Les nazis comme les socialistes sont d’abord des politiciens. Leur but c’est de parler afin de se faire élire et là, le mensonge est de mise. Quand on voit que les expériences du passé n’ont rien appris aux hommes, on conclut que les premiers sont toujours là avec un look différent et les camps de concentration mondialisés informatisés sont plus contrôlables sous l’œil des satellites que des geôliers SS. Au fond, le nazisme c’est mensonge armes et listes noires. Quant au socialisme qui a alimenté le panarabisme sans le germer, là où il est né, il gouverne à droite pour ratisser large. Dans son livre La Machine à faire des Dieux, Serge Moscovici assimile le chercheur au renard qui ruse, saisit tout opportunité, explore, combine, agresse dans sa quête du monde mais dès qu’il doit expliquer ses résultats à la masse, il se transforme en hérisson, boule de piquants dressés qui roule à tout va. Bombardée, neutralisée, pas dupe, la masse réagit en retirant sa confiance. Le taux d’abstention en est la preuve et la démocratie s’accommode de son contraire, les minorités virulentes. Maintenant, n’importe quel bougre avec un minimum de QI isolé au pôle Nord sait que quelque chose cloche, sent de la pourriture dans l’air. Manipulée et consciente de son incapacité à changer son destin, la chèvre de monsieur Seguin digère son rêve de liberté dans la gueule du loup. Dans le monde arabe, le mektoub se lit dans la boule de cristal du couple Rais-Mollah. On a le choix : le renard ou le hérisson, le renard et le hérisson. Le grand psychologue allemand C.G. Jung écrit : "En face de la raison du citoyen, l’Etat dictatorial bénéficie du triste avantage non seulement d’avaler l’individu, mais par sa phénoménologie psychologique, d’inclure aussi et de mobiliser en quelque façon ses forces religieuses…de cet entrecroisement de dynamismes psychologiques, jaillit, comme c’est en général toujours le cas, un mouvement qui est une surcompensation, à savoir le fanatisme."

Avant l’arrivée d’Hitler, les Allemands n’étaient pas une tribu d’aborigènes et pourtant ils se sont laissé prendre mais en fin de compte le fanatisme n’a pas succédé au nazisme. Rapidement comme les Japonais, ils ont réussi à renaitre des cendres de la deuxième guerre mondiale. Et si les Occidentaux ont déserté les temples et les églises cela ne veut pas dire qu’ils sont devenus incroyants mais ils ne veulent plus de l’Inquisition qui pourtant était bien limitée dans le temps et l’espace. Pour anéantir tout d’espoir de démocratie, les renards arabes, malgré une constitution faisant de l’Islam religion de l’Etat, ils ont permis encouragé les partis islamistes avec la bénédiction de l’Occident séduit par les seuls bons élèves de la classe des barbares : le Qatar et l’Arabie Saoudite. Mais le 11 septembre est venu à point pour les désorienter. Pour nous, les peuplades dites arabes, on ne peut s’empêcher de penser ce qui serait advenu de nous si Ben Laden s’était contenté de s’occuper exclusivement de nous, les "mauvais" musulmans. Bien que question innovation, les islamistes ne se cassent pas trop la tête, ils utilisent des méthodes qui ont montré leur preuve : la terreur. Notre terreau s’y prête à merveille. Omar Carlier écrit dans son livre, Entre Nation et Djihad, "Un homme valide s’impose et se positionne socialement non par le respect dont il s’entoure, mais par la crainte qu’il inspire." On tète la peur au sein maternel. Pourquoi sommes-nous condamnés, malgré nous, à stagner à être différents des autres ? Pourquoi sommes-nous condamnés à tanguer entre le renard et le hérisson ? Le poète Archiloque a écrit : "Le renard sait beaucoup de choses, mais le hérisson sait une seule grande chose." Beaucoup de choses ajouté à une seule grande chose ça fait le tout, tout l’atome, du noyau au dernier électron.

Le grand sociologue français Dukheim nous rassure, le social est religieux. En étudiant la psychologie des foules, il remarque que c’est la passion qui fait les révolutions pas la raison et seule une croyance forte peut galvaniser la foule. "Selon la psychologie des foules, il y a un phénomène de régression au cours duquel la conscience de chacun s’affaiblit. Il revient à un état qui rappelle celui du primitif de l’enfant ou du névrosé." On comprend maintenant l’hystérie de nos foules acclamant leurs tyrans en messies. Une meute édentée bavant sur des révolutions confisquées. On est plus à l’aise dans le groupe au risque de perdre notre individualité tant pis pour la solitude qui inspire le savant et le génie. Dans son livre, L’Echec des Systèmes Politiques en Algérie, le professeur en psychologie sociale, Slimane Medhar, accuse la culture traditionnelle : "…cette culture est construite non à partir de la production, de l’innovation et de la créativité comme sa rivale, la culture moderne, mais des expériences sociales dues à deux groupes de phénomènes : d’une part, les bouleversements périodiques qui déchirent la vie sociale ; d’autre part, l’insécurité, l’instabilité, l’incertitude et la précarité qu’éprouvent constamment et à des degrés divers les acteurs sociaux dans leur vie quotidienne." Or cette culture traditionnelle stérile hostile a toujours eu les faveurs du pouvoir, tous les discours officiels encensent la tradition, les racines les coutumes et jette l’anathème sur la modernité des autres. Dans son livre, Que veulent les Arabes ?, Fereydoun Hoveyda raconte ce que lui a confié à l’ONU notre Rais alors ministre des affaires étrangères : "Il faut faire attention. Ces Occidentaux sont en voie de décadence et ils nous envoient, enveloppées dans leur technologie, leurs erreurs dont nous n’avons que faire." Fereydon s’étonne de la similitude de cette réflexion avec celle des islamistes : "Pourquoi copier le modèle occidental qui est anti-islamique ? D’ailleurs même les Occidentaux critiquent leur propre civilisation !" C’est sans doute ce courage de se remettre en question qui fait la force et la séduction de ceux qui dirigent la planète. Dans la tradition qui se perpétue et qui enchante le sérail, le tri a été fait en amont. Par exemple, haram, le passé millénaire des peuples convertis toute l’Histoire d’avant l’Islam et toutes les langues parlées et écrites. Jean-Claude Carrière dans son livre, Contes philosophiques du Monde entier, avait demandé au neurologue Olivier Sacks ce qu’est à ses yeux un homme normal. La réponse fut qu’un homme normal est celui qui est capable de raconter sa propre histoire. Il sait d’où il vient (origine passé mémoire), il sait où il est (identité) et il croit savoir où il va (projets, mort). D’après les historiens, le Maghreb est essentiellement composé de Berbères donc à part ceux qui arrivent à remonter leur arbre généalogique et prouver leur arabité à 100%, il y a que des anormaux.

L’individu seul est incapable de bouleverser de mettre en danger une société sauf s’il est le chef par contre il est capable de créer d’innover si le premier le lui permet. Hitler n’a pas liquidé Einstein encore moins saboté sa progression vers le savoir. Le problème c’est que notre pouvoir ne veut ni du créateur ni de l’innovateur encore moins du démocrate mais ouvre ses bras à l’intégriste. Pour les opposants, le dilemme est cornélien. Perçus comme traitres, un cheval de Troie envoyé par les Croisés, pris en tenaille par la famille, ils ont préféré au lieu d’attaquer se défendre. Ils ont fait du "pas toucher" leur hantise et le «pas toucher» implique forcement le "pas changer". Exemple la condition féminine, la gauche arabe n’a pas osé y toucher pourtant c’est là l’essentiel, sécuriser ou fragiliser la femme la mère. Souvenons nous, le FIS, fin psychologue a commencé par là. Assia Djebbar alors jeune romancière a noté sa déception : "…un gel de paroles, soudain, m’apparut entre nous. Une femme et un homme en Algérie écrivain de surcroit, qu’est-ce qu’ils se disent ? Ils auraient tant à se dire et justement, pour cela, ils ne disent rien." Ce n’est sans doute pas par hasard que c’est en Tunisie, là où les hommes et les femmes ont quelque chose à se dire que la jeunesse a pris conscience de ses chaines même si le chemin est encore long face à un intégrisme qui n’arrive à convaincre que par la violence qui "se veut une modernité matérielle, tout en refusant les soubresauts intellectuels." (3) C’est peut être trop tard pour le monde arabe de monter dans le même train que les autres. Un train déjà en route vers la casse et un nouveau certainement au montage. Car les spécialistes prédisent, que tôt ou tard, après un désastre ou à sa place, l’humanité est obligée de se rassembler autour d’un gouvernement démocratique. Déjà dès le 19 siècle, les philosophes affichaient leur pessimisme, pour Nietzsche : "…l’homme des civilisations tardives et de la clarté déclinante sera en gros un individu plutôt débile." Cette débilité saute aux yeux quand on voit la baisse du niveau des politiciens même dans les démocraties les plus avancées, leur duplicité à divertir la foule en la divisant pour lui faire oublier les vrais problèmes. En Tunisie qui vit une crise majeure, qui croit au pouvoir du président Merzouki, cet intellectuel laïc qui a voulu réveiller les Arabes par son écriture, président honorifique à défaut d’être élu, allant jusqu’à céder son salaire présidentiel en faveur des plus démunis. Que pèse-t-il face à un Ghennouchi qui a tout raflé sans rien céder.

Si feu Boudiaf, imposé par l’armée qui fait et défait les rois chez nous, qui aurait voté pour lui s’il s’était présenté à l’élection présidentielle face à l’un des leaders du FIS ou du FLN ? Certainement les rares personnes qui connaissaient l’homme et assez authentiques pour ne pas se laisser impressionner par la censure des ayants tous les droits, c'est-à-dire pas de quoi se priver d’une grasse matinée pour glisser un bulletin inutile. Le psychologue C.G. Jung affirme qu’au sein d’une foule, les éléments asociaux sont les plus adaptés et que pour tout malade mental on a au moins 10 cas de folie latente. Nation, Ouma, Dechra, plongés dans la masse dès le berceau, nous avons d’un côté deux malades mentaux, le "normal" et le terroriste et de l’autre, la double douzaine de frères mabouls dormants. Quelles sont nos chances de guérir ? Espérons ne plus replonger dans la peau de la puce. "Un scientifique examine une puce posée près de lui. Il lui ordonne : "Saute !», et la puce saute. Le scientifique écrit sur une feuille de papier : "Quand on dit à une puce de sauter, elle saute." Alors il saisit la puce et délicatement lui arrache les pattes. Il la repose à coté de lui et ordonne : "Saute !" La puce ne bouge pas. Le scientifique note alors sur sa feuille de papier : "Quand on arrache les pattes à une puce, elle devient sourde" (4)

Mimi Massiva

(1) Ernst Bloch

(2) Serge Moscovici (La Machine à faire des Dieux)

(3) Jacques Berque

(4) Jean-Claude Carrière (Contes Philosophiques du Monde Entier)

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Commentaires (7) | Réagir ?

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algerie

merci

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fateh yagoubi

merci

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