Tunisie : descente punitive des islamistes contre des opposants

Le siège du parti Nidaa Tounès a failli être incendié.
Le siège du parti Nidaa Tounès a failli être incendié.

Les responsables du principal parti d'opposition tunisien ont été attaqués et assiégés samedi par des centaines de manifestants soutenant les islamistes au pouvoir qui ont envahi l'hôtel de Djerba (sud) où devait se dérouler une réunion de la formation.

Les islamistes du parti Ennahda refont parler d'eux. Pas en mieux bien sûr. Samedi, ils ont organisé une descente punitive contre Nidaa Tounès, mouvement opposé au pouvoir. Nidaa Tounès qui organisait une réunion dans un hôtel a été attaqué par des salafistes connus pour être proches du mouvement islamistes Ennahda. Les manifestants brandissant des banderoles hostiles au parti Nidaa Tounès s'étaient d'abord rassemblés devant un hôtel de Midoune, sur l'île de Djerba, puis ils ont franchi le cordon policier, pénétrant dans l'hôtel et envahissant les lieux, selon un journaliste de l'AFP. La salle où se tenait la réunion a été aussi envahie par les manifestants, forçant le parti à annuler la rencontre.

La réunion devait marquer la fin d'un deuil de 40 jours, à la suite de la mort de Lotfi Naguedh, coordinateur de ce parti à Tataouine (Sud) battu à mort en octobre par des manifestants soutenant les islamistes du parti Ennahda, qui dirigent le gouvernement.

"Le coordinateur de Nidaa Tounes, Lotfi Naguedh, a été tué après avoir été agressé", avait indiqué en octobre un représentant du parti. Naguedh était également secrétaire général de l'Union régionale de l'agriculture et de la pêche dans la région. Les militants islamistes, soutenus par des membres de la Ligue de la protection de la révolution (LPR), avaient à l'époque défilé devant les locaux de l'Union régionale en scandant des slogans hostiles au parti Nidaa Tounes. C'est le premier assassinat politique de l'après-Zine El Abidine Ben Ali.

Plus tôt samedi, les opposants avaient été visés par des jets de pierres et certaines vitres de l'hôtel ont été partiellement brisées. Les cadres et les militants d'opposition ainsi que des journalistes ont été bloqués dans l'hôtel en milieu d'après-midi, encerclé par les manifestants qui scandaient "Dehors pourritures". La police est restée en retrait. En début de soirée, un semblant de calme était revenu même si les manifestants étaient toujours rassemblés aux abords de l'hôtel.

Le chef du parti, l'ex-Premier ministre Beji Caïd Essebsi, à l'antenne des radios Mosaïque et Shems, a accusé la Ligue de protection de la révolution d'être derrière ces évènements. Cette organisation, sorte de milice pro-Ennahda aux méthodes brutales, est à l'origine de plusieurs coups d'éclats. L'opposition et une partie de la société civile réclament la dissolution de cette Ligue, ce à quoi le gouvernement se refuse.

Des représentants de Nidaa Tounès en France ont condamné ces violences "visant à empêcher purement et simplement toute manifestation démocratique du parti", dans un communiqué publié à Paris. Le parti dénonce "le mutisme et l'inaction des autorités compétentes et des pouvoirs publics en charge de la protection des populations, du maintien de l'ordre et du bon déroulement des manifestations démocratiques républicaines", selon les termes du communiqué.

"C'est un véritable scandale. Nous avons contacté le ministre de l'Intérieur (Ali Larayedh) et le ministre des Droits de l'Homme Samir Dilou mais ils refusent d'intervenir", a déclaré à l'AFP l'avocate Bochra Belhaj Hmida, qui participait à la réunion de Nidaa Tounès.

Contacté par l'AFP, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Khaled Tarrouche, n'était pas en mesure d'apporter des précisions sur la situation.

La mise en ordre verticale des islamistes au pouvoir est en marche. Aux intimidations, provocations, voire lynchages s'ajoutent des attaquent en règle des activités des partis de l'opposition. Pour Ennahda et ses bras armés, nulle voix ne  doit s'élever contre le nouveau pouvoir. Nidaa Tounès est accusé par le gouvernement de chercher à réintégrer dans la vie politique des membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti du président déchu Zine El Abidine Ben Ali. Une accusation toute trouvée pour empêcher les partis d'activer. L'agression de Nidaa Tounès rappelle tristement d'autres descentes d'islamistes dans les années 1990 contre les partis démocrates. 

Fondé en juillet, le parti est, selon les sondages d'opinion, au coude à coude avec Ennahda. Les affrontements entre partisans des deux camps interviennent régulièrement. Depuis l'été, les manifestations violentes et les attaques de groupuscules islamistes radicaux se multiplient alors que la Tunisie peine à se stabiliser depuis la révolution de l'hiver 2010-2011.

Yacine K./AFP

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Khalida targui

c'et drole on parle de la Tunisie comme si c’était la fin du monde alors que des Algériens se ruent vers sa frontière pour passer des fêtes de fin d'année cool, franchement on doit préférer leur enfer à notre djena