Palestine, l’émotion sélective

Palestine, l’émotion sélective

Par Hassane Zerrouky

Sommes nous en présence d’une logique « œil pour œil, dent pour dent » en Palestine ? Si l’on se place du point de vue de la morale bourgeoise chrétienne ou du point de vue culturaliste, cette doctrine consistant à expliquer la violence par des considérations religieuses et culturelles, nous sombrons très vite dans un discours moraliste opposant d’un côté des civilisés et de l’autre des barbares musulmans. Par contre, du point de vue politique, à savoir des relations politiques (entre les peuples) structurées par l’histoire moderne, la vision de la situation palestinienne est tout autre.

Pourtant, l’attentat visant une école talmudique, qui a causé la mort de huit élèves, a suscité une réprobation de type moral. Une réprobation, qui a pris le soin de mettre entre parenthèses les causes fondamentales ayant engendré un tel acte, par définition condamnable et contreproducif: tuer des civils ne fait pas avancer la cause palestinienne. Ces causes – occupation et colonisation de la Cisjordanie et annexion de Jérusalem est, enfermement de la population palestinienne particulièrement à Gaza, sur fond de répression et de refus aux palestiniens d’avoir un Etat avec Jérusalem-est pour capitale – sont connues. Nul besoin donc de s’y étaler.

Le plus inquiétant, en revanche, c’est cette promptitude des capitales occidentales et de leurs relais médiatiques à l’indignation, à l’émotion dès lors qu’il s’agit de mort de civils israéliens. Une indignation et une émotion qui contrastent avec le silence qu’ils se sont imposés concernant le massacre de Gaza où en plus des destructions d’habitations, des enfants ont été tués délibérément en dehors des zones de conflit par l’armée israélienne. Reste que ces capitales occidentales et leurs médias sont aidés dans leur entreprise par ces manifestations stupides à Gaza, mais pas ailleurs en Palestine, de certains palestiniens manifestant leur joie à l’annonce de cet attentat perpétré à Jérusalem, que les télés et autres organes d’information occidentaux ont pris la peine de médiatiser à outrance. Et ce, sans faire l’effort d’un minimum d’information et d’explication.

Le lecteur du Matin le sait : la réalité est tout autre. Par exemple, on ne voit jamais d’images de ces Palestiniens aspirant à vivre en paix. Pas d’images de ces Palestiniens opposés au Hamas à Gaza même où l'été dernier les miliciens islamistes n’ont pas hésité à tirer sur une foule de plusieurs dizaines de milliers de personnes commémorant l’anniversaire du décès d’Arafat. Pas d’images de ces colons israéliens arrogants occupant de force des terres palestiniennes. Pas d’images non plus de ces étudiantes et étudiants, de cette jeunesse que j’ai vu à Jérusalem et à Ramallah, aspirant à vivre leur temps, ni des privations et des vexations au quotidien que vivent les Palestiniens, contraints de montrer patte blanche aux checks point israéliens à chaque fois qu’ils se rendent d’une ville à l’autre.

En fait ce qui importe à ces médias – c’était le cas pour l’Algérie dans les années 90 – c’est de donner une image négative des Palestiniens justifiant la domination qu’ils subissent.

Le Hamas, quant à lui - je l’ai écrit dans un précédent article paru sur ce site – est le produit avéré du Mossad. Il a été conçu pour servir la politique de la droite israélienne. Le gouvernement d’Ehud Olmert et, avant lui le boucher Sharon, n’ont eu aucun mal à instrumentaliser l’extrémisme du Hamas pour justifier leur politique du fait accompli et poursuivre la colonisation de la Palestine. Avec le Hamas, ils jouent sur du velours.

Dans cette affaire dramatique, la palme revient aux Etats-Unis. Leur représentant à l’ONU s’est opposé à ce qu’on inclut dans la résolution condamnant l’attentat de Jérusalem, les incursions militaires à Gaza. Le motif selon le représentant US au Conseil de sécurité est que « tuer des étudiants dans une école religieuse est différent que tuer des civils sans intention de le faire comme c’est le cas à Gaza ». Tuer sans intention de le faire, autrement dit, aux yeux de ce monsieur, la mort d’un Palestinien n’est rien, elle n’a pas la même valeur que celle d’un Israélien !

H.Z

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Commentaires (2) | Réagir ?

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rachid rachid

Merci Monsieur Zerouki pour cet article, n'arrêtez pas d'écrire s'il vous plait.

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thelizardking thelizardking

Merci pour cet article monsieur Zerrouki. Un mot me semble bien approprié ici: disproportion. C'est Bernard Henry Lévy, l'éternel défenseur d'Israël Dhalima aw madhlouma, qui l'a employé après le deuxième massacre de Cana perpétré par Tsahal dans son dessin macabre de mettre en ruine le Liban. La communauté internationale osait à peine parler de réaction israélienne disproportionnée. BHL en a repris le mot, dans son bloc notes au Point, pour parler de disproportion dans l'émotion. Pourquoi les musulmans s'émeuvent de la Palestine et seulement de la Palestine pendant que leurs coreligionnaires au Darfour sont exterminés par des musulmans comme eux? Et le Rwanda? Et la Bosnie? Disait en gros BHL. Je n'ai plus l'article mais je me rappelle avec quel cynisme rusé il était écrit. Maintenant en lisant l'article de monsieur Zerouki, c'est ce mot, disproportion, qui me vient à l'esprit, et cette chronique bhlienne. Disproportionné? Le drame humain ne devrait pas l'être. La bêtise humaine l'a rendu reconnaissable à des faciès exclusifs. Cet attentat contre les élèves talmudiques est condamnable et nuit à la cause juste des palestiniens. Mais si j'étais un Gazzaoui ayant vu les bébés massacrés la semaine dernière, j'aurais eu besoin de beaucoup de caractère et de flegme pour ne pas invoqué la loi du talion et accomplir un acte de démence et de désespoir.