Egypte : les juges vent debout contre "l'autoritarisme" de Morsi

Morsi a déclenché la foudre des juges.
Morsi a déclenché la foudre des juges.

Les juges égyptiens ont pris samedi la tête du mouvement de contestation contre l'élargissement des pouvoirs du président islamiste Mohamed Morsi, en dénonçant une "attaque sans précédent" et en appelant à une grève des tribunaux dans tout le pays.

Au Caire, la police a fait usage de gaz lacrymogène à plusieurs reprises contre des manifestants, en particulier sur la place Tahrir, haut lieu de la contestation contre le régime de Hosni Moubarakdébut 2011, occupée depuis vendredi soir par des opposants au président Morsi. A l'étranger, les Etats-Unis et l'Europe ont exprimé leur inquiétude après la décision de M. Morsi, issu des Frères musulmans, de renforcer considérablement ses pouvoirs, alors qu'il cumulait déjà pouvoir exécutif et législatif, l'Assemblée ayant été dissoute juste avant son élection en juin.

A l'issue d'une réunion en urgence, le Club des juges a lancé un appel à cesser le travail dans tous les tribunaux du pays en réponse à l'"attaque féroce contre la justice égyptienne" lancée jeudi par M. Morsi.

La réunion des juges a duré plusieurs heures dans une ambiance électrique. Le président du Club, Ahmed al-Zind, a dénoncé "une attaque féroce contre la justice égyptienne", tandis que des magistrats furieux scandaient "Le peuple veut la chute du régime", le slogan de la révolte contre M. Moubarak.

Dans le même temps, des mouvements dirigés par des figures de l'opposition comme Mohamed El-Baradei et les anciens candidats à la présidentielle Hamdeen Sabbahi, Amr Moussa et Abdelmoneim Aboul Foutouh, ont signé un communiqué annonçant leur refus de tout dialogue avec le président tant qu'il ne serait pas revenu sur sa décision. Dans l'après-midi, le Conseil suprême de la justice, la plus haute instance judiciaire, a qualifié la "déclaration constitutionnelle" annoncée jeudi d'"attaque sans précédent contre l'indépendance du pouvoir judiciaire et ses jugements" et exigé que "tout ce qui touche à la justice" en soit exclu.

"Nouvelle révolution"

Les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser des manifestants qui tentaient de pénétrer dans les locaux de la Haute cour, où se tenait la réunion du Club des juges.

Dans la matinée, la police avait de la même manière empêché de nouveaux manifestants de se rendre sur la place Tahrir, où des militants ont monté une trentaine de tentes pour occuper les lieux jusqu'à ce que le président revienne sur ses décisions, selon un journaliste de l'AFP.

"L'Egypte entre dans une nouvelle révolution car notre intention n'était pas de remplacer un dictateur par un autre", a expliqué samedi matin un manifestant, Mohammed al-Gamal.

Les opposants à M. Morsi ont appelé à une nouvelle manifestation de masse mardi à Tahrir. Mais les Frères musulmans ont appelé à une manifestation de soutien au président également mardi, à quelques rues de la place emblématique. Vendredi déjà, deux manifestations rivales avaient réuni des milliers de personnes d'une part sur la place Tahrir aux cris de "Morsi dictateur", et d'autre part devant le palais présidentiel, derrière le slogan "Morsi on t'aime".

Depuis jeudi, le camp de M. Morsi explique que le renforcement de ses pouvoirs permettra d'accélérer les réformes démocratiques et rappelle que ces nouvelles dispositions prendront fin dès qu'une nouvelle Constitution aura été adoptée, même si le processus est aujourd'hui enlisé.

"Nous avons besoin de stabilité", a déclaré Mourad Ali, un porte-parole du Parti de la liberté et de la justice, branche politique des Frères musulmans. "Et nous ne l'aurons pas si nous autorisons encore une fois les juges, qui ont leurs motivations personnelles, à dissoudre la commission constituante afin de prolonger la phase de transition".

Parmi les décisions annoncées jeudi, M. Morsi a annulé un recours contre la composition de cette commission constituante, dominée par les islamistes. Il a aussi limogé le puissant procureur général, Abdel Meguid Mahmoud. Son remplaçant, Talaat Ibrahim Abdallah, a annoncé que de "nouveaux tribunaux révolutionnaires" seraient mis en place et pourraient rejuger M. Moubarak et son entourage en cas "de nouvelles preuves", après un premier procès dont le verdict a été jugé trop clément.

AFP

Plus d'articles de : L'actu en Algérie et ailleurs

Commentaires (0) | Réagir ?