Bouteflika, entre Ansar Eddine et l’ex-FIS

La chari'a d'Abassi Madani est-elle différente de celle d'Iyad Ag Ghali?
La chari'a d'Abassi Madani est-elle différente de celle d'Iyad Ag Ghali?

Par quelle logique Bouteflika s'accointe avec un groupe terroriste islamique, Ansar Eddine pour restaurer la paix au Mali alors qu'il interdit, formellement du moins, au parti d'Abassi Madani, le FIS, le retour sur la scène politique au nom de cette même paix?

Aucun texte de loi et aucune réforme d’Abdelaziz Bouteflika ne servent le pays. Dictées le plus souvent en fonction des conjonctures, des intérêts immédiats, des rapports de force claniques et de sourdes vendettas d'un système qui règne à couteaux tirés, les décisions législatives et politiques du pouvoir de Bouteflika n’ont même pas le temps d’apparaître comme telles au citoyen qu’elles ne résistent pas à leur vraie caractère: celui de servir les intérêts personnels au nom de la république. Ne s’inscrivant dans aucune logique de projet de société, si ce n’est celui qui lui sert de grand râtelier, toutes ses initiatives, prises à l’échauffourée et dans le plus complet aveuglément de leur impact en amont et en aval des interconnections avec d’autres facteurs décisionnels, se télescopent, se neutralisent, se retournent en définitive contre lui et font de son règne l’espace idoine de l’échec perverti en échiquier de suspens.

L’exemple le plus édifiant de ce va-tout est sans conteste la discordance qui va s’amplifiant entre, d’une part, l’auto-proclamation du dialogue d’abord fourbi puis annoncé et défendu du dialogue dans la crise malienne avec l’un des groupes islamistes terroristes occupant le Nord-Mali, Ansar Eddine et, de l’autre, ce petit article de la loi organique sur les partis de la réforme d’avril 2011 et voté à l’unanimité par l’ancien parlement : le FIS dissous en 1992 est interdit de retour sur la scène politique.

Or, à y regarder de près ou de loin, en quoi se différencient Ansar Eddine d’Iyad Ag Ghali et le FIS d’Abassi Madani ? Hormis le fait qu’Ansar Eddine est de création récente, tout, vraiment, les rassemble, par leur idéologie et le profil politique de leur chef respectif. L’un comme l’autre terrorisent, sèment le chaos au nom de la chari’a et d’une république islamique bananière et prédatrice ; l’un comme l’autre, sont des groupes terroristes locaux, nés des milieux nationalo-rentiers. Le chef d’Ansar Eddine qu’il sera plus tard, Iyad Ag Ghali, a participé à tous les complots fourbis par Bamako et Alger contre les rébellions touarègues, de même que le chefs politique du FIS ou de sa branche armée, l’AIS, comme Madani Mezrag, qui a fait la promotion de la concorde civile de Bouteflika en vrai terroriste et non en "faux repenti" comme le fait Iyad Ag Ghali qui ne renie pas son frère d’armes, Al Qaïda au Maghreb islamique et réitère l’application de la chari’a au moment même où son groupe mène le dialogue à Alger et Ouagadougou.

Les deux hommes connaissent aussi les liens inextricables de la corruption et des fortunes colossales qu’ils ont amassées, prix de leurs transfuges dans le giron du pouvoir. Agent de renseignements de l’armée malienne, c’est sous la couverture de défenseur de la cause Touarègue et de ses rébellions, qu’Iyad Ag Ghali a pu aider le pouvoir de Bamako et son armée à tuer dans l’œuf toute initiative du mouvement indépendantiste de la communauté touarègue. Madani Mezrag, clame haut et fort qu’il ne s’est pas rendu au pouvoir de Bouteflika. Pourtant, il a servi de porte-voix à la "Charte pour la paix et la réconciliation nationale" dans cette région de l’est berbérophone du pays, Jijel, où la chasse aux noyaux locaux de la contestation du mouvement citoyen a été donnée avec l’aide de "repentis" grassement payés pour cette "conversion" de maquis.

Ce rapide comparatif entre ces deux partis et leurs hommes qui ont mis à profit le dialogue tactique pour s’enrichir personnellement et trouver des voies de sortie honorables sans trahir leurs causes, si du moins ils en ont une, montre clairement que l’interdiction du retour du FIS décrétée par Bouteflika n’est, comme toutes les autres lois, que poudre aux yeux, mensonge, traquenard, une perversion des dispositions juridiques de la concorde civile et qui, elles-mêmes, ne servent que de décorum à ce pseudo texte de loi.

Ainsi, en l’espace d’une année, Bouteflika n’a pas plus tôt prononcé l’interdiction de toute activité politique du FIS en tant que parti dissous qu’il s’accointe, par un appel au dialogue appuyé, avec le groupe terroriste, Ansar Eddine qui n’a rien à envier au FIS d’Abassi Madani. Comment, en effet, prétendre interdire de toute activité politique le FIS, déjà dissous du reste, en faisant de cet autre FIS, Ansar Eddine, l’interlocuteur privilégié du dialogue et du règlement pacifique de la crise malienne?

La récente sortie politique de Madani Mezrag à Constantine, dans son fief de l’est algérien, serait-elle alors la conséquence logique de la présence, à deux reprises, à El Mouradia, de terroristes non "repentis" d’Ansar Eddine alors que, lui, le chef de l'AIS qui s'est "rendu" avec armes et bagages, aurait-il dit aux anciens de son organisation terroriste, reste "orphelin" de son parti toujours interdit par Bouteflika qui en fait proliférer d’autres, en Afrique, de même nature et idéologie au gré de ses intérêts de cour.

Mais, dans tout cela, c’est l’Algérie qui est mise en jachère, isolée du monde moderne, avachie, abâtardie, avec à sa tête, celui qui n’a de regards pour sauver son règne, qu’aux forces prédatrices, revendiquant un islam gangstérisé, avec lesquelles Bouteflika se targue de promouvoir les vertus politiques d’un faux dialogue pour une fausse paix…

RN

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