Algérie : enfance dans Novembre

Duloureuse enfance dans la guerre
Duloureuse enfance dans la guerre

"Dès ma première enfance, une flèche de la douleur s’est planté dans mon cœur. Tant qu’elle y reste, je suis ironique, si on l’arrache, je meurs." Kierkegaard

Nous sommes les enfants nés et grandis durant la guerre de Libération. Le bon Dieu seul sait combien de ceux et de celles qui sont encore de ce monde, sont vraiment sains d’esprit. Ce n’est pas la mer à boire de faire une arithmétique pour savoir quel est le calibre de notre population. Selon mes recoupements, avec des échanges de points de vue, nous sommes à peine quelque deux centaines de millier de survivants. Nous sommes les témoins smig de la Guerre de novembre. Le plus vieux ou la moins jeune parmi nous aujourd’hui fête ses 58 balais. Ah ! je dis balais, parce qu’aujourd’hui je décide en toute âme et conscience d’essayer tant que je puis de ne pas faire de la politique, c’est encore les journées de la fête du Sacrifice, je viens de perdre ma vénérable maman et je respecte la journée sacrée de la Toussaint. 

Chacun et chacune a des souvenirs propres à raconter, des souvenirs de môme, innocent et frêle, des moments de cette guerre. Ça a pu se passer dans un quartier d’Oran, de Constantine, de Tizi Ouzou, de Bougie, de Bône, dans un faubourg en bord de mer ou dans un village en montagne. J’ai discuté avec des "congénères" dans la Toile, depuis une semaine, et faisant confiance en la sincérité de leur « réel », je retiens que les témoignages des uns et des autres, hommes et femmes, relèvent de traumatisme à couper le souffle. J’en ai choisi quelques uns pour les présenter au lecteur. 

Amina vivait dans un village dans les environs de Bouira. Elle avait cinq ans en hiver 1960 et son père était déjà monté dans le maquis. Les soldats français sont plusieurs fois passés dans leur douar à la recherche de famille précise pour extorquer des informations et embarquer des adultes mâles. Mais un jour une patrouille est passée tôt le matin dans la maison d’Amina où elle dormait encore à côté de sa grand-mère. Elle se réveille en entendant des bruits de heurt et des hurlements. Elle se cache derrière sa grand-mère en la suivant vers la cour où elle voit sa maman attachée toute nue avec du fil de fer à la cavité verticale du puits. Puis on lui met en lui couvre la tête avec un vieux tissu sur lequel on déverse de l’eau mélangée à de la saleté. Elle regarde sa mère suffoquer et sa grand-maman s’horrifier. Elle se rappelle ensuite qu’elle se fut traînée dans la grange et elle l’entendait crier pendant une longue durée, plusieurs soldats avec elle à l’intérieur. "C’est beaucoup plus tard après l’indépendance que j’ai compris que les soldats étaient en train de la violer !" me dit Amina. Elle ajoute que sa maman est par la suite devenue quasi muette jusqu’à la fin de ses jours vers le début des années soixante-dix et son papa, revenu du maquis, à la Victoire en 62, il prit un poste de responsabilité à Bouira, puis sur Alger. Durant tout le temps passé à Bouira après l’indépendance, l’ancien maquisard n’entendit pas parler des sévices sur son épouse durant son absence pour la cause, ce n’est qu’à Alger qu’il apprend le viol collectif sur la maman de sa fille. Qui coïncida avec la demande en mariage de celle-ci. Il revint vers Bouira pour mieux s’en édifier. Une fois convaincu, il s’est mis à boire et à délaisser son travail et la famille jusqu’à ce qu’il devienne une véritable loque humaine quelques années après le décès de son épouse. Amina s’est mariée à la période de la Chartes nationale avec le fils d’un lointain cousin à son père, évoluant ans le sein d’une famille établie à Alger depuis le début du siècle ; mais elle vit actuellement en France, où elle est mère de cinq enfants et grand-mère de trois. 

Rachid est né à Mostaganem, précisément à Stidia, sur la côte ouest vers Oran, il avait sept ans durant les vacances d’hiver en 1962, ses premières en tant qu’enfant scolarisé. Son père l’emmena avec lui pour lui faire visiter l’usine de conserverie de sardine dans laquelle il travaillait. C’était formidable de voir les machines qui font déplacer les objets, dit-il, le casse- croûte et la limonade à midi face à une mer déchaînée. Ça faisait peur mais c’était un beau spectacle. Tout le monde était gentil avec lui, même les pieds-noirs, on lui avait fait des petits cadeaux, donné des sous à se mettre dans la poche, enfin bien cajolé. Jusqu’à la fin de la faction de son papa qui le prend par la main dans le boulevard du front de mer. Il commençait à faire sombre mais Rachid se sentit en sécurité parce que son géniteur ne lui parlait que des bonnes histoires pour lui faire résister la trotte jusqu’à l’autobus et le froid venteux et pénétrant. Arrivés à la station, il se mit à pleuvoir à peine qu’une voiture s’arrête suivi de deux camions militaires et d’un coup des soldats descendent et commencent à embarquer les hommes, ils prirent aussi le papa de Rachid qu’il ne reverra jamais depuis, ni les membres de sa famille ni ses amis. La famille apprit qu’il était déporté vers un camp dans le sud, en même temps que des dizaines de détenus pris dans les manufactures mostaganémoises, et puis pas de nouvelles depuis.

Mahmoud est venu au monde au sein d’une famille nombreuse dans un hameau entre Bordj Bou Arréridj et Medjana. Il avait 5 ans en 1960. La plupart de la gent masculine âgée était à la cueillette des abricots et des nèfles. Il dit qu’il se rappelle qu’il jouait à la balançoire attachée à un grand figuier avec cousins et cousines. Au moment où il cède son tour il entend des coups de feu qui venaient des vergers ; ils ont été emmenés se cacher dans la forêt avoisinante avec les femmes jusqu’au crépuscule. Mais au retour dans le douar, il apprend que la moitié des hommes avaient été abattus dont son papa et ses deux oncles paternels.

Djouhar fera 58 ans en décembre prochain et elle me raconte cette histoire. Elle avait 7 ans et elle était dans une école indigène dans les environs de Sidi M’cid à Constantine. Elle était dans la même classe que sa cousine germaine qu’elle appelle Nafissa. Elles sortaient en fin d’après-midi de l’école main dans la main et la petite Nafissa avait une mandarine dans l’autre main qu’elle s’amusait à jouer avec en la jetant dans le vide. A un moment elle lui échappe et elle se détache De Djouhar pour courir la rattraper. Le jouet arrive vers un attroupement et la petite fonce dedans. A l’instant où Djouhar ne la distingue pas des rafales s’abattent sur le groupe. Djouhar voit des hommes tomber par terre, ensanglantés et c’est alors qu’elle remarque Nafissa essayant de se relever, le buste tout rouge et la mandarine dans la main, toute rouge aussi. Puis son buste retomba en arrière, elle avait succombée. Djouhar raconte qu’on lui a dit à la maison que c’était l’œuvre de l’OAS.

Pour ma part, j’ai témoigné d’un évènement dont j’ai relaté les détails souvenus dans un article dans ce site il y a quelques mois ; il s’agissait d’une attaque OAS contre la cité el Bahia à Kouba, dans la banlieue est algéroise.

Nadir Bacha

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Commentaires (1) | Réagir ?

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voussad kaci

Mr Salim Salhi avait ecrit un commentaire sur sa page facebook tres interressant a propos de l'exclusivite des memoires de Chadli!!!

le matin, Echourouk et Ennahar ont les trois (30 des exclusivites sur Chadli!!!

meme le mot exclusivite est devenu banal!!!

On Algerie, on essaie (essaye) de faire parler les morts!!

le jugement dernier est instantane et pour tout le monde!!!

salutations