Tripartite : que de voeux pieux et de promesses sans lendemains !!!

Le Matin 24-08-2017 7045

Tripartite : que de voeux pieux et de promesses sans lendemains !!!
Les tripartites passées sont toutes restées des opération d'enfumage de l'opinion.

La tripartite de septembre prochain intervient, cette fois-ci, dans un contexte politique tendu alors que le front social est en ébullition, conséquemment, à l’érosion du pouvoir d’achat des algériens, en l’absence de toute réforme radicale à même de mettre l’économie du pays sur la voie de la diversification et de la croissance hors hydrocarbures.

Les organisateurs diront vouloir parler de relance économique, de l’émergence d’une base industrielle et de justice sociale. Discours redondant, sinon comment expliquer que depuis des décennies que l’on parle d’économie, d’entreprise et aussi de favoriser la production nationale et de la diversifier, afin de sortir du statut de pays exportateur de gaz et de pétrole et d’importation de Khordawates, on est, encore, au point de départ, loin des pays voisins ou des pays arabes, dont on n’arrive même pas à exploiter les difficultés conjoncturelles qu’ils rencontrent, par exemple le tourisme, pour ne citer que ce secteur.

Certes, l’entreprise reste au cœur de tous les discours politiques ; elle est même conjuguée à tous les temps, mais de mesures positives sur le terrain, point. On ne relance pas l’activité économique par décret, ou des lois d’investissement ou par volontarisme étatique, a rappelé le professeur Abderrahmane Mebtoul. C’est l’entreprise libérée des entraves et un Etat régulateur qui peuvent créer une économie productive à forte valeur ajoutée. En outre, si les investissements algériens ne trouvent pas intérêt à aller vers la production nationale, vers la création de l’emploi, faut-il s’étonner, ou encore moins, s’attendre à ce que les investisseurs étrangers, qu’il y ait la règle du 51/49%, ou même l’inverse, fassent preuve de plus d’engagement ?

Pendant ce temps-là, les conflits dans le monde du travail s’intensifient et ils sont toujours perçus négativement alors qu’ils portent sur des revendications socioprofessionnelles, avérées. L’UGTA se contente d’observer les grèves, à partir du banc de touche, pendant que les syndicats, autonomes agissent et gagnent en crédibilité, même si, faut-il l’admettre l’action de certains d’entre eux n’est pas dénuée d’arrière-pensée… politicienne.

L’organisation des travailleurs tarde, d’ailleurs, à s’expliquer au sujet de leur existence et du refus quasi pathologique qu’elle cultive à l’égard d’une pluralité légale et surtout complémentaire. Pour un chroniqueur (*), elle est devenue « une institution bureaucratisée. Et conséquemment, le salariat est déçu par une centrale si proche du pouvoir politique et si loin des cols bleus ! La belle affaire que cette UGTA revigorée grâce à la drôle de statistique de ses dirigeants dont le premier d’entre eux plastronnait, ridiculement, en mettant en relief une performance singulière s’agissant de l’encartage de 300 mille retraités et de 200 mille femmes ! En somme, une performance ayant consisté à faire adhérer des hommes du 3ème âge et des couturières travaillant à domicile. Fini donc la force de frappe des cols bleus des usines ainsi que la mobilisation des paramédicaux et des marchands d’alphabet ; et bienvenue aux septuagénaires impotents et des femmes au foyer ! ».

Pourquoi, aussi, n’arrive-t-on pas à mettre en place des politiques économiques viables ? Faut-il, pour autant, revenir au bon ministère de la planification, pour mettre de l’ordre dans ce « désordre » ?

La prochaine tripartite sera-t-elle exceptionnelle par son contenu ? A savoir le lancement d’un nouveau programme économique pour le pays ? Différent de celui prôné, virtuellement, par Abdelmalek Sellal ?

L’on n’est pas sans savoir que l’investissement productif en Algérie, ne représente que 2% du PIB hors hydrocarbures et hors dépenses publiques ; comment va-t-on aborder cette question de

relance de l’investissement, alors que perdurent, encore, le blocage de l’information économique, le recours obligatoire au Credoc et l’absence d’efficacité des chambres de commerce, qui sont autant d’obstacles empêchant la relance de l’investissement ?

On continuera longtemps, dans notre pays, à se rejeter la balle longtemps : l’éternelle chicanerie du rôle de l’Etat régulateur, de la responsabilité des producteurs, de la non maîtrise des prix des matières premières qu’on ne produit pas, de l’anarchie de la consommation, de la faiblesse de l’agriculture, de l’industrie, etc.

A moins d’élargir la prochaine tripartite à un grand nombre d’intervenants et de décider de débattre de la thématique consistant à plancher sur « le passage d’une économie de rente à une économie de production », seule manière de réhabiliter la notion de productivité et de relier les revenus à la production » ?

En principe, elle va se tenir à Ghardaïa, mais il est fort probable que sa domiciliation soit changée pour ne laisser aucune trace des actes d’Abdelmadjid Tebboune qui, faute d’avoir été le « Batman » attendu par les algériens, n’aura été en définitive, qu’un « Don quichotte » dans un combat plus que douteux.

Pour sa part, le président de la République vient de délivrer, à l’occasion de la journée du moudjahid, un message de vérité qui a l’avantage d’annoncer clairement les difficultés qui attendent les algériens : « il est du devoir du gouvernement et de ses partenaires sociaux et économiques de donner l’exemple à notre peuple, par la solidarité, la mobilisation et l’unification des rangs, afin que notre pays puisse mobiliser les énergies et les investir de manière constructive dans les différentes capacités et potentialités de ses enfants ».

Ahmed Ouyahia, appelé à la rescousse a reçu le message cinq sur cinq ; il s’activera à recoller les morceaux pour s’inscrire pleinement dans le cadre défini par le Chef de l’Etat, et avec lui il faut s’attendre à une salve de mesures d’austérité dont certaines seront insérées dans la loi de finance 2018. Et le rabot, faisait remarquer un éditorialiste, va, inéluctablement, toucher aux subventions qui représentent près de 23% du PIB les remettre en cause tout en fédérant

à ses côtés ses partenaires économiques, notamment l’UGTA, n’est pas chose aisée pour Ahmed Ouyahia. Son éphémère prédécesseur avait émis l’idée du nécessaire "consensus national" autour de cette question. Va-t-il lui-même suivre le même chemin ou préférera-t-il passer par des mesures volontaristes ? Il ne pourra pas résoudre les problèmes du pays avec ses partenaires économiques et sociaux dans les conditions actuelles, car ils sont eux-mêmes une partie du problème. Tout au moins, sont-ils des obstacles au changement ou à l’ouverture, estime un éditorialiste d’un quotidien francophone.

Peu importe, il a sa feuille de route et de ce point de vue les citoyens, sont déjà entrés en résistance depuis de longs mois.

Ils résisteront, estime Mustapha Hammouche, excellent chroniqueur par ailleurs ; ils ont résisté à des décennies de terrorisme islamiste sanglant, souvent en le souffrant plutôt qu’en le combattant ; ils ont résisté à l’autoritarisme, en s’y adaptant, plutôt qu’en s’y opposant. Ils résisteront donc à la récession en y ajustant leur mode de vie. Puisque c’est cela qu’on attend de leur part : le pouvoir ne demande des comptes aux citoyens, ni eux ne lui en demandent. Tant qu’on ne leur demande pas de se mettre au travail, ils résisteront assurément! N’est-ce pas que le secret de notre stabilité nationale est là, conclue le journaliste.

En définitive, force est de constater que 55 années après l’indépendance, on en est encore et toujours aux vœux pieux. Et des 20 tripartites passées, on n’en a retenu que les « bousboussettes » entre organisateurs et invités, tout cela, dans une ambiance bon enfant, où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Un monde de Bisounours !

Mais les chiffres restent implacables :

-98% de notre substance est tirée des hydrocarbures

- on n’exporte que 2 milliards de dollars de produits

- notre agriculture n’est pas compétitive

- notre territoire maritime est pollué

- notre tourisme n’est pas attractif

- notre réseau de PME/PMI est insignifiant

- notre industrie a été démantelée

- nos barrages sont envasés

- notre trésor solaire est ignoré

- nos déchets ne sont ni recyclés ni valorisés

- notre équipe nationale de football tire son essence des centres de formation européens

- notre produit national n’est ni valorisé ni concurrentiel.

- les Chinois nous construisent nos logements et aussi notre Grande Mosquée

Et pour ajouter au désastre, le fond des recettes est appelé à s’épuiser à brève échéance tout comme les réserves de change. En 2019 !

Face à cette situation, tous les experts économiques s’accordent dire qu’il faut réagir :

1. Le gouvernement doit convier à la table de la tripartite, toutes les organisations syndicales en relation avec les ministères du travail, l’enseignement supérieur, l’éducation nationale et la santé,

2. Il doit éviter que celle-ci ne soit, comme par le passé, un lieu de distribution de la rente,

3. Il doit poursuivre accélérer le programme des réformes. Les retarder ne peut que conduire à la désintégration, à l’appauvrissement et à la perte de confiance en l’avenir,

4. Avec la fin de la rente, le pays vivra sous l’emprise de la peur, voyant partout des menaces où les autres voient des chances. Il est temps a rappelé encore une fois Abderrahmane Mebtoul, de mettre en place une véritable économie de la connaissance, faciliter la concurrence, revoir le code du travail, privilégier l’épanouissement du numérique, de la biotechnologie et du solaire. Sans oublier les industries de l’environnement qui ne semblent pas plus que ça susciter l’intérêt de la ministre du secteur au grand dépit du professeur Chems-Eddine Chitour !

5. L’emploi, doit être le crédo du gouvernement. Ailleurs, on n’en est venu à parler d’ "emplois d’avenir" et même "d’emplois générationnels" !

6. Le gouvernement doit, enfin, dire toute la vérité au peuple algérien et non pas insulter son intelligence par des discours totalement négatifs, pour des raisons politiques et idéologiques, en prétendant que "l’Algérie n’est pas en faillite" tout en reconnaissant "qu’elle traverse une situation difficile" !

Cherif Ali

Renvoi :

"24 février, une célébration sur fond de malaise" de Boubakeur Hamidechi dans Le Soir d’Algérie

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