Les Angolais vont "élire sans suspense" le successeur du potentat Dos Santos

Le Matin 23-08-2017 4169

Les Angolais vont "élire sans suspense" le successeur du potentat Dos Santos
José Eduardo dos Santos règne sur le pays depuis 38 ans

Les Angolais ont commencé à voter mercredi pour choisir un successeur au président José Eduardo dos Santos, qui s'apprête à prendre sa retraite après un règne autoritaire de 38 ans à la tête d'un pays secoué par une grave crise économique.

C'est une élection verrouillée comme connaît l'Afrique des dictateurs. Les Angolais iront aux urnes sans enthousiasme. Les bureaux de vote pour ces élections législatives ont ouvert comme prévu à 07h00 (06h00 GMT). Selon la Constitution, la tête de liste du parti vainqueur sera investi chef de l'Etat.

Au pouvoir depuis l'indépendance arrachée en 1975 au Portugal, le Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA) devrait l'emporter une nouvelle fois et envoyer son candidat et dauphin désigné, l'ex-ministre de la Défense Joao Lourenço, dans le siège laissé vacant par le "camarade numéro 1".

Usé par la maladie, M. dos Santos, 74 ans, a publiquement adoubé son successeur lors du dernier rassemblement de campagne de son parti. "Nous n'avons aucun doute (...) notre candidat sera le futur président de la République", a-t-il lancé samedi dernier d'un filet de voix fatigué à ses partisans, réunis dans une banlieue poussiéreuse de Luanda.

Le président sortant et son dauphin sont attendus mercredi à 09h00 au bureau 1047 dans le centre ville de Luanda, où des électeurs faisaient la queue pour glisser leur bulletin. Dos Santos a soigneusement préparé sa succession. Le président sortant l'a soutenu publiquement en meeting. Le candidat de "la continuité dans la rénovation"promet de poursuivre la politique du chef de l'Etat sortant. Voilà qui confirme la pérennité du système Santos.

Apparatchik du MPLA, Joao Lourenço, 64 ans, un général à la retraite sans grand charisme, a promis de glisser ses pas dans ceux de son prédécesseur. "Comme le dit notre slogan, je vais améliorer ce qui va bien et corriger ce qui va mal", a-t-il déclaré à la presse. "Si j'y parviens, j'aimerais être reconnu dans l'histoire comme l'homme du miracle économique en Angola". Sa tâche s'annonce délicate car le principal pays producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne, avec le Nigeria, traverse une passe difficile. En réalité, Dos Santos a plus conduit son pays à

Crise

Au sortir d'une meurtrière guerre civile, l'Angola a affiché à partir de 2002 des taux de croissance à deux chiffres grâce à sa manne pétrolière. Mais il y a trois ans, la chute des cours de l'or noir l'a précipité dans la tourmente en creusant sa dette et en faisant exploser l'inflation et dégringoler sa monnaie.

Ecartée des bénéfices du boom pétrolier, la majorité des 28 millions d'Angolais a subi le choc de plein fouet. "La vie est vraiment trop difficile", a confié Jean Domingo, 49 ans, un habitant de l'est de la capitale au chômage depuis six ans, "il faut installer au pouvoir un parti qui a le souci du sort des Angolais, pas celui de se remplir les poches".

Les deux principaux d'opposition, l'Unita et la Casa-CE, ont surfé tout au long de la campagne sur ce ras-le-bol, de plus en plus partagé.

Face au MPLA, dans les urnes, on retrouve son rival historique, l'Unita, l’ancienne rébellion devenue premier parti de l'opposition. Isaias Samakuva, son leader, estime aborder les sujets qui touchent réellement les Angolais ; le chômage, les défaillances de système éducatif ou encore l’absence de service de l’Etat et propose l'instauration d'un salaire minimum de 500 dollars, lorsque le MPLA, pour l’Unita, construit des routes et des ponts, pour masquer ses lacunes. "Nous ne pouvons pas continuer à souffrir ainsi. Nous devons changer tout ça (...) c'est un devoir patriotique de dire au MPLA +va te reposer un peu+", a martelé le chef de l'Unita, Isaias Samakuva, lors de sa dernière grande réunion publique à Luanda.

"Nous ne pouvons pas continuer à être un pays potentiellement riche mais habité par des citoyens pauvres", a renchéri son rival de la Casa-CE, Abel Chivukuvuku, "nous avons besoin d'un gouvernement sérieux et patriotique, qui ne pratique pas la corruption et la mauvaise gouvernance". Ses adversaires reprochent à José Eduardo dos Santos d'avoir mis en coupe réglée des pans entiers de l'économie du pays, confiés à sa famille ou des proches.

Privatisation de l'Etat

Sa milliardaire de fille Isabel, considérée comme la femme la plus riche d'Afrique, est devenue le symbole de cette "privatisation de l'Etat", selon le mot du journaliste d'opposition Rafael Marques de Morais. Son père en a fait l'an dernier le PDG de la compagnie pétrolière nationale, la Sonangol.

Dans ce contexte, les analystes tablent sur un net recul électoral du régime, qui avait réuni 72% des voix il y a cinq ans. Pas toutefois au point de le priver de sa majorité absolue au Parlement.

Conscient du mécontentement ambiant, le MPLA a inondé ces derniers mois le pays de toute sa puissance financière de parti-Etat et organisé un scrutin à sa main, jugé inéquitable par ses adversaires.

Le gouvernement a multiplié les inaugurations de ponts ou de barrage et Joao Lourenço a promis de "combattre la corruption". Mais beaucoup doutent de sa volonté de s'attaquer au "système" mis en place par son prédécesseur.

M. dos Santos, qui doit rester président du MPLA jusqu'en 2022, l'a d'ailleurs verrouillé en faisant voter des lois qui lui assurent une large immunité judiciaire et gèlent pour des années toute la hiérarchie dans l'armée et la police.

La rédaction/AFP

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