Il faut arrêter de faire du cinéma !

Le Matin 10-08-2017 32423

Il faut arrêter de faire du cinéma !
Ali Haddad et Abdelmadjid Tebboune.

Depuis le léger incident qui s’est produit lors d’une remise de diplôme à l’Ecole supérieure de la sécurité sociale, séance durant laquelle le Premier ministre devait inviter le président du FCE à quitter la salle, on en a fait un feuilleton qui a déferlé la chronique de cet été 2017.

Chacun d’eux s’est expliqué et le Premier ministre, concerné en premier lieu, devait s’exprimer sur le sujet dans une conférence de presse qu’il appliquait à la lettre les orientations qui lui ont été tracées par le "président qu’il a nommé", notamment celles "de ne plus mélanger l’argent avec la politique".

Il s’agissait d’un événement étatique ordinaire qui ne nécessitait pas la présence du patron des patrons pour éviter toute interprétation qui s’éloignerait de cette ligne. Malheureusement, la presse en a fait toute une histoire pour jeter de l’huile sur le feu et personnaliser le problème qui s’est élargie jusqu’au secrétaire général de la puissante centrale syndicale pour s’adonner à des imaginations fantastiques pour ne pas les appeler fantasmatiques par respect à l’ensemble de la presse libre qui est un acquis considérable pour l’Algérie et un exemple pour tout le continent africain et celui du Moyen-Orient.

Toujours est-il et pour des raisons mystérieuses, les questionnements des uns, les réponses et les analyses des autres nous mènent dans un couloir dont l’issue n’a aucun sens logique dans la conduite de la politique de l’Algérie depuis l’accès à son indépendance.

Ainsi on est obligé de prendre comme hypothèse de base qu’un certain Tebboune, aurait inscrit dans son programme une ligne politique qui consiste à séparer "l’argent de la politique" sans se référer au président alors qu’il est censé appliquer son programme. Ce premier Zoro d’après-l’indépendance aurait l’appui d’un certain Gaid Salah et toute l’armée pour un soutien à cette démarche qui selon toute vraissemblance n’a pas plu au clan au pouvoir et c’est la guerre ouverte.

L’objectif est très clair, à moins d’un semestre de la fin de l’année, il était très utile pour perturber le débat dans une phase particulière que traverse le développement de l’économie nationale. On ne parle plus de la chute des prix du pétrole, du déficit budgétaire, du pouvoir d’achat, de la rentrée sociale et bien d’autres sujets qui vont dans le sens de l’intérêt général. Cet artifice bien pensé a dévié des vraies questions qui intéressent les citoyens. On évoque les importations, le contingentement, la fiscalité des riches qui est devenue le vrai problème social de l’Algérie.

Le plus grave est que les médias lourds et certains rédacteurs en chef entrent dans ce jeu paradoxal pour montrer leurs muscles avec des informations qu’ils détiennent du centre du pouvoir. Des lettres qu’auraient adressé les patrons au président de la république selon le quotidien L’expression, d’une autre envoyée directement par le président aux ministres selon Ennahar TV, pendant que le chef du gouvernement est en congé. Que disent-elles ? Rien d’extraordinaire sinon de simples banalités habituelles d’ailleurs qui montrent la puissance de l’oligarchie qui fait reculer les actions du gouvernement à chaque fois qu’il tente recadrer l’économie nationale. Les exemples ne manquent pas, l’été 2011 avec le paiement obligatoire par chèque et les factures pour la traçabilité, tout récemment le cahier des charges des concessionnaire automobiles et l’incident avec Benyounes, aujourd’hui, c’est les importateurs qui grognent et le pouvoir vient de faire encore une fois une nette et indiscutable marche arrière au détriment bien entendu de l’intérêt général. Quel est donc l’explication la plus logique de cette affaire ?

Tebboune est victime de son dynamisme

La déroute des législatifs du 4 mai dernier avec un désintérêt total des citoyens à travers le faible taux de participation et surtout les scandales de l’argent ont fait réfléchir le clan au pouvoir pour trouver un artifice afin de gagner en crédibilité lors des prochaines échéances électorales. L’astuce est simple : "séparer l’argent de la politique" sous forme d’un symbole pour faire marcher le peuple sans pour autant penser un instant à l’appliquer sur le terrain. Il se trouve que contrairement aux anciens chefs de gouvernements qui se réfèrent constamment à la hiérarchie, Abdelmadjid Tebboune a montré à travers les secteurs qu’il a eu en charge de mettre en œuvre ce qu’il inscrit. C’est un calcul que les décideurs n’ont pris en compte et donc si le président le recadre aujourd’hui, cela ne vise nullement le premier ministre mais une marche arrière habituelle du pouvoir sous la pression de l’oligarchie. Donc parler d’une attaque contre Tebboune pour faire d’un commis de l’Etat un héros n’est que pur fantasme.

Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier

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