Echange deux Bouteflika contre une Pénélope

Le Matin 08-08-2017 34906

Echange deux Bouteflika contre une Pénélope
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Faut-il pleurer, faut-il rire, quand chaque sortie, chaque geste, chaque mimique, chaque regard de Said Bouteflika est scruté au microscope électronique pour donner lieu à des analyses minutieuses et s’étaler sur la plupart des manchettes de la presse en ligne ?

- Une petite rigolade avec Ali Haddad, et c’est un pied-de-nez décelé, voire un croche-pied exécuté, pour que tombe Tebboune, le Premier ministre qu’il a lui-même nommé !

- Deux mots échangés avec Rachid Boudjedra, et c’est Ennahar TV qui se fait déflagrer !

- Une ânerie par Ould-Abbes débitée, voilà Saïd à la présidence, en 2019, propulsé !

Ainsi donc le destin de l’Algérie est suspendu et ne dépend plus que des faits et gestes d’un homme qui n’a d’autre statut (un statut, certes, transformé en avantage incontournable par une presse noyée dans toutes sortes de supputations, à défaut d’avoir accès aux minutes du quotidien qui se trame en haut lieu) que celui d’être le frère d’un président malade et démuni de toute capacité fonctionnelle ! Quand bien même le président putschiste a outrepassé les prérogatives que lui confère une constitution qu’il a juré de respecter, en le nommant conseiller à la présidence, est-ce une raison suffisante pour épier chaque fait et geste de Saïd et nous saturer de sa tronche de "luc-terreux" ? Nous présenter Saïd comme ayant supplanté son frère, pris la présidence en otage et nous livrer ça, à chaque fois, comme un scoop original commence à devenir ennuyant, car il n’est pas besoin d’être dans le secret des hauts arcanes du pouvoir pour deviner que ce n’est pas Abdelaziz qui dirige le pays mais bel et bien Saïd Bouteflika ! Il est le maître à bord du navire El-Mouradia ! Même si, comme tel, personne ne l’a proclamé, toute la smala au pouvoir lui obéit. À cet égard, les images d’El-Alia parlent d’elles-mêmes : tout ce beau monde syndical et politique (illégitime, faut-il, encore une fois, le rappeler ?) agglutiné autour de lui, s’excite, comme le fait un essaim abeilles pour rapprocher la reine, convoitée par chaque apidé ! On assiste à un jeu pervers, où chacun est à l’affût et se bouscule pour exploiter et exhiber comme grâce ultime la petite faveur, le petit mot, le petit geste, le petit regard rassurant du Richelieu auto-proclamé du pays !

Sous d’autres cieux, les faveurs politiques familiales font scandales et font tomber des têtes (à elle seule, l’affaire Pénélope en France a fait dérailler tout un parti, dissout la droite, de la base au sommet, et changé le destin d’une France gaullienne qui n’arrive pas encore à se défaire de l’aura de son vénérable Général). Aux dernières nouvelles, François Fillon rumine encore sa défaite et ne se remet toujours pas d’une raclée qu’il s’est lui-même infligée ! Chez nous, tout est normal ! Nominations ou dégommages de ministres effectués en catimini dans les sombres arcanes du pouvoir, il n’y a rien à suspecter ni contester ! Tout est normal ! Alors, on ne trouve rien de mieux à décoder pour deviner ce qui se trame dans les coulisses d’un pouvoir des plus graveleux, que les simagrées de Saïd l’accessible ! Comme si quoi que ce soit pouvait dépendre d’un "malade mental" ! Ce n’est pas moi qui le dit mais le Général Benhadid. Ce qui a valu au haut gradé une arrestation digne des films hollywoodiens et une mise au cachot de 22 mois ! Mais comment ne pas souscrire au diagnostic du Général quand on visionne ces images d’un Saïd exubérant, s’esclaffant au beau milieu d’un enterrement, et quand on sait que l’unique fois où il s’est aventuré à sortir de sa réserve, c’était dans l’affaire qui l’opposait à Hichem Aboud ? Une affaire dans laquelle l’ancien capitaine du DRS avait dévoilé et attribué à Saïd des comportements immoraux, voire des mœurs contre-natures. Ce qui avait forcé Saïd à se fendre d’un communiqué (à ma connaissance unique en son genre) pour le moins offensif pour laver un affront, à son honneur porté :

"Les accusations portées dans cette lettre sont tellement graves qu’elles ne touchent plus uniquement à ma personne, mais portent atteinte à tout un peuple qui n’accepterait pas que le frère du Président puisse avoir de tels comportements", a dénoncé ainsi Saïd Bouteflika en affirmant qu’il va "prendre l’opinion publique à témoin". (*)

Voilà qui est, on ne peut plus clair ! L’honneur du pays suspendu à des allégations de déviations contre-nature portées au frère du président : Athawaghith !

Que l’Algérie coule ! que les Algériens crèvent de faim ! que les caisses de l’Etat se vident ! que les bouleversements climatiques menacent l’homo-sapiens ! que la planète Terre se perde dans la Galaxie ou que le déluge nous emporte tous demain ! Aux yeux du frère du président, tout cela importe peu ! Que son propre frère, le président sourd, muet et paralysé, soit inapte à diriger le pays, rien de cela ne l’ébranle ni ne le touche ! Il s’en balance ! Par contre, toucher à son honneur et son "luC" (voir Hend pour les synonymes), ça c’est dévastateur pour le pays, le peuple, et son avenir ! Plus gâteux que ça, c’est le gouffre de la fin de vie qui s’annonce !

Des titres de presse des plus insolites font subodorer que Saïd est le nouveau Richelieu de l’Algérie. À la différence que l’action de Richelieu consistait en un combat pour un renforcement du pouvoir royal, le roi étant toujours vivant et actif ! Celui de Saïd consiste à renforcer le pouvoir de son frère alors que ce dernier ne fait quasiment plus partie de ce monde ! Pour gouverner, donner des ordres, nommer et limoger des ministres, ne faut-il pas avoir les lèvres et les cordes vocales actives ? Or, du gosier et des babines de Abdelaziz Bouteflika rien ne sort depuis des années ! Qui parle à sa place pour donner des ordres, au sommet de l’état, sinon son frère Saïd ? Pour remédier à une absence de capacité vocale, il faut recourir à d’autres moyens de communication, ceux de la gestuelle ou de l’écriture ! Or les mains et les doigts de Abdelaziz sont totalement paralysés ! Qui écrit à sa place pour émarger et parapher toutes sortes de documents, sinon ce même Saïd ?

La question de savoir qui gouverne vraiment l’Algérie avait déjà été posée par Moussa Touati dès 2013 (**). Mais si la réponse à telle question n’était pas évidente il y a 4 ans, au vu du flou artistique qui entourait l’état de santé de Bouteflika, elle est béante en 2017, car Abdelaziz Bouteflika ne gouverne pas ! il n’a pas les capacités pour ce faire ! Tout est fait, dans la splendeur d’une illégitimité flagrante, par son frère !

La question d’une telle illégitimité doit d’ailleurs être posée concernant tous ces ministres qui défilent avec arrogance pour nous raconter la petite histoire de fidélité aux exigences d’un président que tout un chacun sait qu'il est gravement malade, alors que Saïd seul les nomme et les dégomme !

Au nom de quelles règles morales, de quelles sortes d’ambitions politiques, de quels serments de fidélité, intra-ou-extra familiale, peut-on ainsi se plier aux arrêtés du frère d’un président, pris en otage et impotent ? On le sait bien, quand la meute est affamée, elle ne rechigne pas sur la qualité des os qui lui sont jetés ! Mais tout de même ! Un peu de rfi3 erras, de redjla et d’humilité ya el-famiglia de la révolution confisquée !

Faut-il attendre 2019 ou 2024 pour dépêtrer les mystères qui règnent en haut lieu depuis le discours prononcé avec mille et une peines, en 2011, par Abdelaziz 1er, pour enfin percevoir le cap de nos destinées, en haut lieu manigancées en toute illégitimité ?

En attendant, au lieu de guetter les mimiques de Saïd l’accessible, la presse ferait mieux d’exiger de vraies nouvelles d’Abdelaziz 1er, lequel, putschiste ou pas, est toujours le président officiel de l’Algérie, par les dirigeants de tous les pays, reconnu, y compris par Emmanuel Macron, le président de la France, l’avenante petite maman, qu’en haut lieu, on fait semblant de bouder constamment, comme pour mieux faire avaler au p’tit peuple l’idée que l’Algérie est indépendante grâce à l’héroïsme et au combat suprême de aek el-Mali et sa clique terrés en Tunisie !

Kacem Madani

Notes

(*) Homosexualité. Corruption. Détournement. Saïd Bouteflika va porter plainte contre un ancien capitaine du DRS

(**) Moussa Touati veut savoir « qui gouverne l’Algérie »

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