L'Algérie : bled maâlich !

Le Matin 24-07-2017 38035

L'Algérie : bled maâlich !
Austérité pour le peuple et grosses dépenses pour la Grande mosquée d'Alger

Une seule image d’une fillette, vendeuse à la sauvette de son état, exposée aux regards des passants et d’automobilistes stupéfaits, postée récemment par un internaute sur les réseaux sociaux, a suffi pour créer du buzz médiatique.

En bas de l’image, on peut lire ce qui suit : «Au moment où les enfants de son âge vont en vacances sous d’autres cieux, cette pauvre fille cherche des sous pour subvenir aux besoins de sa famille!» C’est "Ta'kachouf" (l’austérité), le nouveau mot que les Algériens ont appris par cœur, mais pas tous nuancent certains. D’autant qu’il y a, paraît-il, deux Algérie (s), celle qui décide et celle qui subit, celle qui gaspille à tire larigot et celle qui peine à joindre les deux bouts, celle qui éternue suite à un petit rhume attrapé par mauvaise coïncidence dans les affaires et celle qui risque sa peau dans d’éventuelles pénuries, des famines et qu’à Dieu ne plaise : l’explosion! Au fond, philosophe-t-on cependant dans les rues d’Alger, la crise ne serait pas si grave s’il n’y avait pas cette indignation collective provoquée par "Ta'kachouf". Et vous savez c’est quoi "Ta'kachouf" au juste ? C’est un monstre qui ne laissera personne manger à sa faim, qui privera les malades, déjà en souffrance, de médicaments, fermera le reste des usines "agonisantes» et peu rentables à l’économie de la rente, obligera beaucoup de gens, sinon tous à serrer la ceinture, à ne plus voyager en Tunisie (la seule porte ouverte aux Algériens) pour un simulacre de vacances, à travailler plus pour gagner "rien", à être près de leurs porte-monnaie, comme des grands-mères qui recomptent chaque soir leurs sous, etc. "Ta'kachouf" c’est aussi, ô pardon pour l’oubli de ce détail si important, aller vers tonton F.M.I pour qu’il nous serre encore plus les vis! Mais à quoi ça sert d’énumérer tous ces méfaits? Juste pour dire, en fait, qu’à côté de ce drame, notre Premier ministre semble avoir d’autres chats à fouetter.

Récemment, il était très inquiet, sorti même de ses gonds. La caméra a bien capté son visage, rouge de colère à cet instant précis où il admonestait, grave et solennel, le responsable du projet de la grande mosquée d’Alger qu’il a d’ailleurs limogé. Purée, Comme si tout le problème de l’Algérie se résume dans une mosquée! Ces deux images de la fillette angoissée au milieu de la route à l’idée de ne pas pouvoir amasser quelques sous durant une journée de canicule et celle de A. Tebboune préoccupé, lui, par la réalisation dans les délais d’un projet qui n’apportera pas grand-chose au destin de cette même fillette ni ne pèse devant les problèmes réels de l’Algérie, m’ont interpellées! Or, la réalité, combien amère, est là devant nos yeux : D’ici une année ou deux, si des mesures concrètes ne sont pas prises, on se jettera dans la gueule du loup ! D’où la nécessité d’inspecter tous les secteurs, s’atteler avec sérieux à ôter cette "mentalité de Maâlich" des esprits, chercher les causes de la crise avant ses effets, etc.

Quand on a vu, il y a deux ans, la ministre de la Poste, Houda-Imane Feraoun en l’occurrence, débarquer à l’improviste dans une agence postale à Alger et constater de ses propres yeux l’anarchie, les colis entassés à même le sol dans des salles insalubres, les ordinateurs qui ne fonctionnent pas, la bureaucratie et le manque de courtoisie des agents envers les usagers du service public, il y a de quoi se poser tas de questions sur l’état des lieux de tous les autres secteurs. Sauf si l’on préfère feindre l’ignorance et jouer le "tout va bien" à l’extrême.

Parler des feux de forêts de la Kabylie, des fameux parkings sauvages, des nouveaux barons des plages «payantes», des «bezna’ssia» du foncier de tout poil, rendra encore plus gris ce décor. Comme si l’Algérie est un pays auquel il faut toujours empoigner des béquilles, hélas!

Kamal Guerroua

À NE PAS RATER

Plus de Chroniques