Salut, respect et merci, sœur Djamila Bouhired !

Le Matin 22-06-2017 25466

Salut, respect et merci, sœur Djamila Bouhired !
Djamila Bouhired

Tu avais bercé et donné espoir à mon enfance de colonisé, comme à celles de tous les enfants d’Algérie, aspirant à la liberté. Tu nous avais donné encore plus de courage, car tu étais femme et jeune. Et tu pouvais, par ton statut social et ton instruction, faire, comme on dit, « carrière », en servant le système dominateur colonial. Mais non ! Tu as cru à la liberté, la tienne et celle de ton peuple, femmes et hommes, et tu as dédié ta jeune vie au combat libérateur. Au point d’être condamnée à mort par l’infâme colonisateur.

L’indépendance conquise, ton honnêteté t’a interdit de transformer ton engagement émancipateur en occasion d’investissement matériel pour disposer de privilèges, au détriment des démunis de ton propre peuple. Tu n’as pas fait de ton combat un business. Tu t’es tenu à l’écart des médias serviles tisseurs de fausse gloire usurpée, loin des cercles officiels où tu aurais glané des privilèges et beaucoup beaucoup d’argent, loin de tous les lieux de pouvoir vivant de la sueur du peuple et le terrorisant, ce colonialisme intérieur inédit, semblable à son précédent étranger.

Et, enfin ! j’entends ta voix dénoncer publiquement : "Halte à la falsification de l'Histoire !", "Halte à la profanation de la mémoire de nos martyrs!" (1)

Et, contrairement à d’autres, dévoré par la vaine gloire et les méprisables privilèges qui vont avec, tu déclares publiquement : "Un film prétendant relater ma vie et mon parcours militant est en préparation. Commandité par le pouvoir politique, financé sur le budget de l’État, il est confié à un cinéaste officiel. Dans un contexte de falsification décomplexée qui tente de tailler une histoire sur mesure à des usurpateurs et des faussaires, cette opération vise, une fois encore, à instrumentaliser la Guerre de libération nationale à des fins de légitimation de pouvoir". Et tu ajoutes qu’il faut « en finir avec l'histoire officielle qui a marginalisé les véritables combattants pour mieux réhabiliter les canailles et les faussaires". (http://www.elwatan.com//actualite/djamila-bouhired-denonce-l-instrumentalisation-de-l-histoire-de-la-revolution-a-des-fins-de-legitimation-de-pouvoir-20-06-2017-347643_109.php)

Merci de ne pas avoir déçu l’image que nous avions de nos combattantes et combattants pour notre libération, nous, peuple algérien ! Merci de nous permettre de conserver la dignité gagnée durant cette lutte émancipatrice ! Merci d’avoir été et de rester honnête, au service de ton idéal et de ton peuple ! Merci, sœur Djamila, de tout cœur !

Mais, si tu le permets, je t’avouerai ceci : j’ai encore à comprendre non pas pourquoi (les motifs sont évidents) mais comment les usurpateurs et les faussaires ont vaincu les combattantes et combattants légitimes et honnêtes. Qui pourrait nous éclairer sinon toi et tes compagnes et compagnons ?

Ce problème est le mien depuis la mort de Abane Ramdane et Larbi Ben Mhidi ; ce problème s’est aggravé durant le premier été de l’indépendance, 1962, avec les massacres des combattants qui s’opposaient au tandem d’usurpateurs Boumédiène-Ben Bella.

J’ai, nous avons besoin, encore, de toi et des combattantes et combattants comme toi, pour nous expliquer comment le merveilleux idéal s’est transformé en horrible cauchemar, comment les faussaires ont vaincu les honnêtes, comment les assoiffés de pouvoir ont éliminé ceux qui le concevait démocratiquement comme un bien de toutes-tous au service de toutes-tous.

Je sais que vous n’êtes pas des "experts", mais vous êtes mieux : des témoins en première personne, et honnêtes ! Vous êtes la semence première pour permettre la compréhension. Laissez-nous vos mémoires pour éclairer le chemin à continuer.

Il n’en reste pas moins qu’avoir lu ta déclaration, ce matin, m’a réchauffé le cœur et encouragé l’esprit. Un youyou de bonheur, écho de celui du jour de l’indépendance, s’est élevé en moi. Alors, tout n’a pas été perdu ! La flamme, bien que faible, est encore là ! Merci ! Encore merci, sœur Djamila de me permettre de jouir encore de dignité, à tavers la tienne ! Avec l’espoir qu’aujourd’hui d’autres sœurs algériennes prennent exemple de toi.

Kaddour Naïmi,

[email protected]

(1) "Halte à la falsification de l'Histoire !" et "Halte à la profanation de la mémoire de nos martyrs!". La salve est de l'héroïne nationale Djamila Bouhired pour empêcher la réalisation d'un film sur son parcours et sa vie sans son aval.

De peur de voir cette "entreprise de forfaiture historique" se réaliser malgré son opposition, Mme Bouhired a rendu public, aujourd’hui mardi, un communiqué pour prendre à témoin l'opinion nationale mais surtout de mettre en garde contre l'entêtement de ce "réalisateur officiel" spécialisé dans les films "historiques".

Le réalisateur en question n'est autre que Ahmed Rachedi qui s'est spécialisé depuis quelques temps dans là réalisations des films sur des figures de là révolutions grassement subventionnés pas le trésor public. L'héroïne de la guerre de libération nationale accuse ainsi et vertement le pouvoir politique d'être derrière cette opération de légitimation. "Un film prétendant relater ma vie et mon parcours militant est en préparation. Commandité par le pouvoir politique, financé sur le budget de l'Etat, il est confié à un cinéaste officiel. Dans un contexte de falsification décomplexée qui tente de tailler une histoire sur mesure à des usurpateurs et des faussaires, cette opération vise, une fois encore, à instrumentaliser la Guerre de libération nationale à des fins de légitimation de pouvoir", pilonne-t-elle.

En rupture de ban avec les pouvoir politiques successif, Djamila Bouhired refuse que son nom, son parcours et sa vie soient associés à ce genre d'entreprise qui vise à se jouer du passé révolutionnaire pour légitimer un pouvoir politique en mal de crédit. Elle dénonce une opération de "réduire la révolution à un rôle de faire-valoir d'un régime autoritaire, impopulaire et antinationale". Jamais des qualificatifs aussi durs et aussi radicaux n’ont été utilisés par cette légende vivante. C'est-dire la colère de cette femme qui aux côtés de nombreuses jeunes algériennes se sont battues pour l'indépendance nationale.

"Malgré mon opposition clairement formulée à la réalisation d'un film qui veut réduire la Révolution au rôle de faire-valoir d'un régime autoritaire, impopulaire et antinational, les commanditaires de ce film ont décidé de passer outre." Elle s'élève contre l'instrumentalisation de l'image des martyrs et des militants (es) indépendantistes. "Après avoir manipulé les Martyrs, ils revendiquent maintenant le droit d'instrumentaliser l'image des survivants dans des luttes d'arrière-garde".

Mme Bouhired qui de tout temps s'est opposée à toutes les tentatives de récupérations politiciennes du régime s'oppose fermement à une écriture falsifiée de l'histoire via des films "historiques" qui glorifient les acteurs politiques d'aujourd'hui. Un cinéma à fabriquer des histoires. " Je prends à témoin mes frères et mes sœurs Algériens pour réaffirmer mon opposition à la réalisation de tout film dont je serais le personnage principal, et mon refus de servir de caution à toute opération occulte. Je dénonce avec force l'instrumentalisation de la Révolution, et de ses Martyrs à des fins de légitimation de pouvoir", dénonce-t-elle.

Elle estime qu'il est temps "d'en finir avec l'histoire officielle qui a marginalisé les véritables combattants pour mieux réhabiliter les canailles et les faussaires". "Il est grand temps de mettre un terme à la profanation de la mémoire de nos Martyrs", bombarde Djamila Bouhired.

Hacen Ouali/El Watan

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