A comme Algérie (17)

Le Matin 15-06-2017 13731

A comme Algérie (17)
Mohamed Khider assassiné à Madrid

Qui est responsable ? A l’ère de la chirurgie qui repasse rides et neurones, qui est responsable de notre peur à la vue d’un miroir où se mire, dit-on, l’âme ? Qui tient entre ses griffes nos destins et celui de nos enfants ? En un mot, qui gouverne l’Algérie ? Trouver la réponse ne changerait pas notre sort. Quoique d’après Bernanos et Tahar Djaout, mourir ce n’est rien, le pire c’est mourir dupe. Sous les projecteurs, le cerveau paralysé nécessitant assistance 24h sur 24h déshonore la blouse blanche d’Hippocrate.

Q comme qui

Certes, l’AVC est un mal du siècle qui ne choisit pas sa cible et la science, comme toujours, n’ose pas avouer son impuissance de peur de voir tarir son nerf : l’argent. Apparemment le Val-de-Grace n’a pas profité au malade, mais à quelques hommes nourris d’obscurité, non vaccinés contre la rage au moment où le coût du vaccin chute plus rapidement que celui du pétrole. Face à 40 millions d’Algériens muselés, en laisse et drogués à fond sous l’étiquette d’un spectre. Drogue illicite de la rue ou licite du psy en passant par toutes celles qu’on s’injecte sans sortir de chez soi. Dans les vraies ou fausses statistiques, les femmes sont ignorées. Et pourtant, elles se droguent plus efficacement que les hommes, en catimini. Il suffit de voir comment elles maîtrisent leur fragile mental grâce aux pilules de la fée chimie. Elles s’interdisent la plainte et le luxe de tomber malade. Sinon qui soignerait l’enfant et l’époux ? Certaines malchanceuses sont répudiées dès le diagnostic. D’autres, plus douées pour la dissimulation, préfèrent se débrouiller pour enrichir toubib taleb et charlatan. Prière. Résignation. Un jour, elles meurent d’épuisement de stress en toute discrétion. Elles s’effondrent comme un château de sable pour être remplacées avant que leur corps ne refroidisse. Maillon faible, sans innocence et sans culpabilité. Tomber malade avant d’être veuve, une catastrophe familiale. Si le coq est le chef du poulailler, en cas de famine, on hésite à sacrifier la poule pondeuse. Quel lien existe-t-il entre la maladie des femmes et celle du président ? Un seul : faire semblant d’être au top coûte que coûte. Il existe une différence : c’est le sommet qui s’effondre sur la base, non l’inverse. Quant à l’homme, le ni-ni aussi, son espérance de vie est généralement plus brève.

La nature a bien fait les choses : "Que meurt d’abord le père", paroles de gosses y compris ceux de l’ogresse. Dans un pays où plus de 80 % des femmes n’ont pas de salaire officiel, c'est-à-dire d’assurance-vie-survie, de retraite..., on ne manque pas de parasites. Beaucoup se laissent parasiter par le corps qui les abrite via l’informel. Exception algérienne, le chiffre tend à progresser avec le nombre de femmes diplômées comparé aux pays-frères. Apparemment en bonne santé, le chef de famille, chassé de son boulot ou n’ayant jamais connu un vrai à part la débrouille et la solidarité familiale, se retrouve plus démuni que son Raïs. Certains écrivent des lettres pour se plaindre, se suicident, accueillent l’AVC, le diabète, la défaillance du cœur comme une délivrance. Tout sauf la honte du mâle incapable de nourrir ses enfants. Il a fallu le cancer du sein et celui de la prostate pour réaliser l’égalité femme-homme avant le trépas. Ce qui explique, sans doute, les mouvements mort-nés du féminisme et des droits de l’homme.

Malgré les possibilités et le bluff. On n’arrive pas à réussir nos villages Potemkine. En attendant, on fait la chaîne chez l’herboriste au détriment du pharmacien sans pour autant faire des économies. Le Val-de-Grace y est beaucoup dans ce manque de confiance. Si on estime à 10 % le nombre de médecins fiables en France, le prestigieux hôpital doit avoir plus que sa part… Le malade lambda, au milieu de sa camelote chinoise où trône le petit écran pour les télés gratuites, se montre serein et compatissant. Il plaint l’Autoproclamé sur son riche fauteuil roulant. A tout seigneur tout calvaire. Les 639 muscles du précieux corps échappent à toute maitrise malgré les pétrodollars et les génies du réparage cérébral. Ce qui n’empêche pas le Dey de bosser en solo pour 40 millions de paresseux. A se demander si l’Homme a encore une famille qui se soucie de lui accorder un peu de rémission qu’exige tout être humain dans son état. Notamment, quand elle lui doit son éden terrestre avec des chiffres dépassant les 1000 milliards en devises. Les historiens ne se contredisent pas en affirmant que l’homme civilisé est né quand il a commencé à prendre conscience de la souffrance de celui a perdu la santé. Sans oublier la paix et le respect dus à l’inévitable, la mort. En 1912, Miguel de Unamuno dans "Le Sentiment tragique de la vie" écrit : "Dans l’obscurité complète, l’animal qui ne périt pas finit par devenir aveugle." Depuis ce temps, on a découvert, dans les profondeurs abyssales de l’océan, des poissons aveugles qui fabriquent de la lumière à partir de rien, d’un grain de sable…

Q comme quand ?

Quand le rêve va se réaliser ? Cela dépend du rêve. Hier, quelle banalité dans un magnifique coucher de soleil, dans la fraîcheur d’une aurore argentée, dans les parfums vivifiants d’un printemps arc-en-ciel ou dans les couronnes diamantées des vagues d’un été à l’azur assuré. Seul un maboul comme un poète pouvait s’émerveiller de cet acquis aussi naturel que l’oxygène. De nos jours, rares sont ceux qui rêvent de la résurrection d’une telle magie. Quel que soit leur âge, leur sexe, il y a quelque chose de fini, d’opaque dans leurs yeux de plus en plus défaillants. Heureusement, il y a les lunettes à l’image du traitement des maladies chroniques au talisman étatique : la carte "chiffa". En 1943, Aldous Huxley, dans "L’Art de Voir", nous explique qu’il a failli devenir aveugle à l’âge de 16 ans. Pris en charge par un bizarre docteur Bates, il échappa aux lunettes et à la cécité. L’idée est simple : les yeux sont un organe comme les autres. Si on enlève le plâtre de la jambe cassée le temps d’une rééducation, pourquoi ne pas faire pareil avec les lunettes. Bravant la médecine conventionnelle et l’industrie qui va avec, l’ophtalmologue Bates a prouvé que les lunettes ne sont pas plus automatiques plus indispensables qu’une canne, un plâtre...Un instrument qui aide la guérison non la substitution. Bien sûr, c’est "le Meilleur des mondes" qui a fait la célébrité de l’auteur et non "l’Art de Voir", un livre aussi disponible qu’une Torah ou une Bible en Algérie. Le docteur Bates est mort pauvre et enterré de son vivant par l’histoire. "A 62 ans, il travailla 7 jours sur 7 à raison de 10 heures par jour afin de permettre au plus grand nombre de gens de mieux voir sans lunettes." Grâce à l’internet, il est sorti de l’anonymat comme d’autres préférant s’enrichir autrement et avec le risque de déplaire. Ils ne savaient pas trahir leur humanité. Dans "No Problem", Philippe Val écrit : "A part Judas et 2 ou 3 amateurs dont le nom m’échappe, tous les traîtres ont bien fini, riches, dans leur lit, au chaud, accompagné à leur dernière demeure par des épouses plus jeunes qu’eux, alors que sous leurs fenêtres s’entre-égorgeaient les sincères, les honnêtes, les purs, les justes, en un mot les ringards."

Parmi ces ringards, on a Mohamed Khider, dont la veuve vient de déclarer : "Un jour, l’histoire jugera." (1) Elle y croit, la dame. A la question, quel souvenir gardez-vous de Boumediene, elle répond : "Il était étudiant au Caire et venait souvent au bureau du Maghreb arabe, dirigé par Khider. Un beau jour, à la tête de son groupe, il prend possession d’une villa cossue du Caire dont le propriétaire était absent... Quand ce dernier est revenu, il a alerté… la police. Djamel Arafat, le frère de Yasser et ami de l’Algérie, a contacté Khider qui est parti avec Ait Ahmed pour dénouer cette affaire. Ils ont été voir Boumediene… : "Il n’est pas dans notre culture d’agir ainsi et de s’en prendre aux biens d’autrui", avait dit Khider, en insistant sur le fait que Boumediene et ses pairs étaient l’avenir de l’Algérie. "Qui es-tu pour me parler sur ce ton ?" avait sèchement répondu Boumediene, déniant à Khider même son rang d’un des leaders du FLN. Khider s’est énervé et l’a giflé. Boumediene… lui en a tenu rancune…pour sortir de la villa squatté… a exigé une somme d’argent…" (1) Vengeance d’une femme dont on a tué le mari ou témoignage neutre pour que l’histoire puisse juger en toute équité ? Si c’est un mensonge, on comprend mieux la maudite exception algérienne et pour s’en débarrasser, il faut gazer toute la population. Si c’est la vérité, on comprend que le propre neveu de Boumediene se vante de la terreur que suscitait son illustre oncle.

Un Ferhat Abbas n’y a pas échappé. Il a attendu 6 ans après la mort du Staline algérien pour écrire :

Semant des cadavres sur sa route, Boumediene faisait la conquête de l’Algérie. C’était la seule guerre qu’il fit. (2)

Que dire du sort qu’il a réservé à son ami et bienfaiteur Ben Bella aux deux exploits : le hold-up d’Oran et celui de la Caisse de Solidarité. On comprend l’inquiétude d’un Feraoun, le dédain égyptien, l’ironie d’un de Gaulle, d’un Bourguiba sans oublier la ceinture de l’ogresse d’un Mimouni. On comprend qu’une caméra cachée peut nous faire rire jusqu’au vomi parce que le dernier philosophe algérien, formé à la Sorbonne des années 60 et mathématicien de surcroît, "répudie" le vrai père au lieu du faux. Un enfant de 3 ans n’aurait pas fait une telle bourde. On comprend la danse du ventre des caméras braquées sur l’Algérie post-indépendante avant de s’en détourner en hâte et revenir forcées par la terreur islamiste et l’odeur allégée de l’or noir…

Quand l’Algérie va cesser d’être une exception qu’aucune règle ne veut confirmer ? Qu’espérer de plus qu’un président sans fauteuil roulant qui sait s’exprimer et marcher tout seul comme les autres ? Pour que cesse la moquerie des autres. Sans illusion, quand on constate, chaque jour, que la malédiction frappe jusqu’au ciel. On raconte, qu’il y avait jadis, en Afrique du Nord, un roi chat qui régnait sur des sujets rats. Un jour le monarque décida de faire le pèlerinage à La Mecque. Après une année, il revint si maigre qu’on pouvait compter tous les os de son corps. Heureusement, le turban vert des hadjis ornait fièrement son front. Sans tarder, il invita tout le monde dans son palais. Recevant à la porte la foule et exigeant la queue leu-leu. Un par un. Pour que chacun puisse le complimenter à son aise et humer un peu de baraka en privé. Étrange, le chat accueillait les gens et ressortait seul.

Calmons-nous et réjouissons-nous. Les veinards doivent être en train de profiter d’un festin à l’intérieur puisqu’il n’y avait aucune autre porte de sortie. Telles furent les réflexions de tous et notamment d’un vieux rat resté en retrait. De sa position, ce dernier constata que le ventre du monarque grossissait à vue d’œil. Quand vint son tour pour baiser le front et la patte de l’illustre hadj, il manqua d’enthousiasme. Le chat n’en fut pas surpris : "Ah ! C’est toi…je m’en doutais. Évidemment, c’est toujours la même chose ! Toujours le dernier ! Et alors, qu’est-ce que tu attends ? - …Seigneur…baissez votre tête…je n’oserai pas. - Hein ? Tu n’oserais pas…pourquoi ? – Seigneur Hadj Matou gentil…Quand je vois ce joli turban …je me dis : voilà un Pèlerin authentique. Mais, quand je vous regarde dans les yeux…Ce sont toujours des yeux de chat !" (3) C’est ainsi que le vieux rat, toujours à la traîne, prit la fuite pour éviter de finir comme les autres, dans l’estomac royal.

Mimi Massiva

Notes

  • 1 : El Watan 07/06/2017

  • 2 : "L’Indépendance confisquée"

  • 3 : Belaid Nait Ali (Les Cahiers de Belaid ou la Kabylie d’antan)

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