Anciens combattants algériens du Moyen-Orient : des soldats oubliés ?

Le Matin 26-05-2017 23976

Anciens combattants algériens du Moyen-Orient : des soldats oubliés ?

Pendant que le 69e anniversaire de la Nakba (création de l'Etat d'Israël en Palestine, en mai 1948) a été commémoré par les Palestiniens et les États arabes qui se disent solidaires de la cause palestinienne, les anciens combattants algériens des deux guerres dites arabo-israéliennes (1967 et 1973) sont toujours à la recherche de la consécration de leurs droits moraux et sociaux.

À cette fin, une Organisation nationale des anciens combattants algériens au Moyen-Orient a été fondée le 2 mars 2001 à Tizi Ouzou et a lutté sur le terrain, y compris par des manifestations de rue pour faire valoir ses droits. Elle revendique quelque 4500 adhérents à travers les 48 wilayas. L'ONACMO a recensé plus de 12000 blessés parmi les éléments algériens qui ont participés aux deux guerres israélo-arabes.

On se souvient que l'année passée, les membres de cette Organisation qui relèvent des sections de huit wilayas de l'Est algérien (Batna, Constantine, Skikda, Guelma, Souk Ahras, Sétif, M'Sila et Biskra), s'étaient réunis à Batna, en présence de leur bureau national et de la fédération nationale des enfants de Chouhadas. Les anciens combattants du Moyen-Orient y avaient remis sur la table leurs revendications historiques, à savoir la reconnaissance par l'Etat algérien de la qualité de Moudjahid pour les combattants ayant participé à l'une des guerres israélo-arabes de 1967 et 1973, ou aux deux en même temps, et de la qualité de Chahid pour ceux qui sont morts dans ces conflits auxquels ont participé les soldats algériens de l'Armée nationale populaire (ANP).

Dans les rangs des survivants de ces deux guerres, qui se sont déroulées à presque 4.000 km de l'Algérie, on parle d'environ 20.000 éléments algériens, entre officiers, sous-officiers et soldats, qui ont été envoyés sur le théâtre de la guerre, dans le désert du Sinaï. La conduite et l'engagement des militaires algériens sur le terrain, face à l'armée israélienne, ont été remarqués et mis en relief, non seulement par leurs coreligionnaires des pays arabes (Egypte, Syrie,…), mais également par le témoignage de plusieurs responsables et officiers israéliens eux-mêmes. Des noms connus dans les rangs du personnel miliaire et civil de l'Algérie indépendante y ont pris part, à l'image de Khaled Nezzar, Larbi Si Lahcène, Abderrazak Bouhara et d'autres.

La question de la reconnaissance de l'Organisation et de l'octroi de son agrément revient de façon régulière, et cela seize après la création de cette organisation. Outre la revendication de la qualité de Chahid et de Moudjahid, respectivement pour les combattants tués sur le théâtre des opérations et pour les survivants, l'ONACMO réclame des indemnités spéciales pour les handicapés et mutilés de guerre. Les anciens combattants du Moyen-Orient lancent également appel pressant à l'écriture de l'histoire de cet épisode douloureux de la vie du monde arabe et des combattants algériens concernés par ce conflit atroce. Les membres de l'ONACMO demandent aux autorités du pays d'apprécier à sa juste valeur l'apport des combattants algériens, en érigeant une stèle et un musée pour honorer leur combat et leur mémoire, et en créant des médailles du mérite pour les martyrs algériens des guerres moyen-orientales.

Sur le plan matériel, les combattants algériens du Moyen-Orient attirent l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité d'une prise en charge sur le plan de la santé et de la retraite, avec les mêmes avantages que ceux dont bénéficient les moudjahidine de la guerre de Libération.

En tous cas, au vu de la poursuite de la lutte pour une reconnaissance intégrale du combat qu'ils ont livré, en 1967 et 1973, sur la péninsule du Sinaï, les combattants algériens du Moyen-Orient ne semblent pas satisfaits de la décision prise en leur faveur par le président Buteflika en 2015, consistant en la création d'une "médaille de la participation" aux deux guerres israélo-arabes.

À travers des échanges sur des forums Internet, les Algériens ayant participé aux deux guerres du Moyen-Orient contre Israël expriment leur déception face à ce qu'ils assimilent à de l' "ingratitude" de la part des pouvoirs publics algériens. Un ancien combattant d'origine de Bejaïa écrit: "Les anciens combattants du Moyen-Orient ont livré une vraie guerre d'intelligence et de haute qualification, avec des preuves, chiffres et des lettres, que personne ne peut nier, même les responsables juifs qui reconnaissent ouvertement la haute stratégie des Khalled Nezzar et autres officiers".

Un autre, originaire de Tiaret, exprime sa frustration en ces termes:

"Tout le monde a eu gain de cause, sauf nous qui étions au front de Sinaï pour mourir pour une autre cause, très jeunes, à l'âge de nos vingt ans (…) On est sorti après une carrière d'enseignement avec un traitement minable. Ce sont les anciens qui ont le plus apporté au pays ; aujourd'hui, ils meurent à petit feu, avec un soupir dans le cœur, sans souci de la part des responsables. Et dire que nous étions des anciens combattants à cette époque, Dieu nous le rendra certainement".

Un ancien soldat algérien du Moyen-Orient, habitant en Allemagne, intervient dans le forum, en s'adressant à ses anciens camarades: "A tous les anciens combattants du Moyen-Orient de 1967 et 1973. Chers frères, soyez fiers d'avoir fait cette guerre du Moyen-Orient, où nous avons même enregistré des morts, qui, pour nous, sont des chouhadas. Pour le gouvernement algérien, peut-être, ce sont des soldats oubliés. Mais, Dieu sait que nos frères morts pour cette guerre sont des chouhadas"

Amar Naït Messaoud

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