ANR-Affaire du drapeau : profanation et "faux usage de faux"

Le Matin 23-04-2017 18522

ANR-Affaire du drapeau : profanation et "faux usage de faux"
La photo est incontestablement authentique

Retoucher une photo numérique est extrêmement compliqué, notamment pour ce qui est du traitement des bords et des ombres. Ce sont ces parties-là qui trahissent la retouche et permettent de la détecter. Il est plus aisé d’ôter des détails, surtout s’ils sont dans une zone d’éléments uniformes, sans aspérités, ni reliefs. C’en est une autre d’ajouter des éléments.

L’ancien ministre, Belkacem Sahali, épinglé par des internautes pour avoir utilisé l’emblème national comme une vulgaire nappe de table, a tenté de se disculper en produisant une autre photo. L’une des deux est donc un faux. Il tente de faire accroire qu’on aurait voulu attenter à son image par la manipulation de la photo de sa rencontre. Or, c’est son parti qui tente de "rattraper" le coup en retouchant l’image incriminée pour faire disparaître l’objet du délit.

La photo où le drapeau est "profané" est la photo originale. Il ne peut y avoir le moindre doute sur la question. La partie à gauche de la photo montre des détails sur le croissant et l’étoile qui ne peuvent être incorporés par une retouche quelconque. Les bouteilles disposées sur cette partie laissent transparaître la couleur rouge de ces éléments du drapeau. Elles ont constitué une difficulté insurmontable lors de la retouche. Elles ont donc été supprimées en même temps que les éléments en soubassements. Le sac que l’une dame a posé devant elle, porte, lui aussi, des traces de retouches. Sa surface est moins granulée et l’un des bras de la poignée a été raccourcis. Pris la main dans le sac, l’ANR aggrave son cas par un mensonge flagrant qui juridiquement est un usage de faux.

La question n’est donc pas une préoccupation morale. Elle est bien sûr politique. Mais elle est d’abord et surtout juridique. Le code pénal algérien prévoit depuis 1984 qu’"est puni d’un emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans quiconque volontairement ou publiquement déchire, mutile ou profane l’emblème national".

En 2010, dans l’affaire des émeutes du logement à Sidi Salem (Annaba), la condamnation de dix-sept personnes en appel (33 en première instance) pour "atteinte à l'emblème national", à des peines de 6 mois à 4 années et 500 000 dinars d’amende (2 à 8 ans de prison et à une amende d'un million de dinars en première instance), avait défrayé la chronique. La loi a été "appliquée" dans sa rigueur à ces personnes du bidonville SAS hérité de la période coloniale à Sidi Salem. A-t-elle une chance de l’être pour les occupants des résidences d’Etat ?

Se trouver a-t-il un procureur pour se saisir de cette profanation manifeste du drapeau ? Nous pouvons avoir la naïveté de le croire. L’argument d’atteinte à l’emblème national a mainte fois été utilisé, à tort jusque ce jour, pour discréditer l’opposition politique ou le mouvement social. L’on se souvient que les contestations de Kabylie ou du M’zab ont été, maintes fois, affabulées de ce crime par les relais du pouvoir. Ces champions de la défense de l’emblème national vont-ils se manifester ?

Mohand Bakir

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