Les élections législatives algériennes et le vote kabyle

Le Matin 20-04-2017 17942

Les élections législatives algériennes et le vote kabyle
Devant le reflux du FFS et du RCD, le MAK s'est imposé sur la scène kabyle

Tous les partis, toutes tendances confondues, qu'ils soient du gouvernement ou de l'opposition appellent à une participation massive aux législatives prévues le 4 mai prochain en Algérie.

Ainsi les formations politiques qui passent le plus clair de leur temps à se plaindre de la fraude électorale sont devenues, comme à leur habitude en pareil cas, les partisanes les plus zélées de ces joutes dont elles tentent à présent de nous vendre le contraire de ce qu'elles avaient soutenu, arguant que le trucage des urnes est évitable pour peu que les citoyens aillent voter massivement.

Pour sa part, le gouvernement qui a découvert les vertus de la nouvelle com', a eu le génie ou l'imprudence, c'est selon, de l'articuler à la sphère religieuse. Après qu'il eut testé la technique avec les zaouias pour étouffer le scandale de la corruption ayant impliqué Chakib Khalil, il se rabat aujourd’hui sur les milliers de mosquées que compte le pays pour convaincre les électeurs de ne pas manquer le rendez-vous du 4 mai prochain.

Pour autant la logique qui sous-tend l'ensemble de ces actions convergentes est intéressante à analyser.

A y regarder de près, le système politique algérien est en quête d'une nouvelle légitimation politique. J'entends par système politique, les partis politiques légaux, les syndicats, le gouvernement, (la présidence n'existant plus) et la police politique (DRS) qui, demeure le principal animateur de la vie politique du pays. Dans le cadre de la démocratie de façade, le système conçoit les scrutins comme un plébiscite en sa faveur.

Redoutant la désaffection populaire, ce système qui a tout arrangé à l'avance, est très soucieux de donner la meilleure image possible de lui-même. Quand un protagoniste du système décide de boycotter un rendez-vous électoral, c’est qu’il a été informé de ce qu’aucun quota de sièges ne lui sera attribué ou de ce que ce quota est en deçà de ses ambitions. Cela fut le cas d’Ali Benflis, ancien chef de gouvernement et patron du nouveau parti Talaie El-Houriet.

Ce qui importe le plus pour ce système, c’est de voir au jour "j", les télévisons du cru et du monde entier, diffuser des images donnant à voir un peuple votant et vaquant à des élections normales. On dira alors voilà les Algériens ont voté ! le monde entier saura alors que l’Algérie est un pays comme tous les autres. Il y a des élections, et les gens accomplissent normalement leur devoir électoral. Le système agit comme ce malade, qui au lieu de se soigner, s’entête à s’auto-délivrer un faux certificat de bonne santé. Et, cerise sur le gâteau, les autorités algériennes ont réussi la gageure d’institutionnaliser même l’observation électorale internationale en l’intégrant dans leur dispositif de maquillage comme un simple élément du décor. En effet, depuis quelques années, il est fait appel aux missions provenant de l’Onu, d’Europe, de la Ligue arabe, et de l’Organisation de la coopération islamique, mais sans pour autant que cela puisse conduire à améliorer la transparence des élections. Même la réélection de Bouteflika pour son quatrième mandat a reçu la caution de l’observation électorale internationale. On est en droit de se demander si la mission d’une telle instance consiste à aider à élire un homme tout à fait invalide et qui, de par cette inaptitude, serait amené un jour à refuser de recevoir les chefs d’Etat étrangers.

L’opposition

L’opposition semble aujourd’hui complètement domestiquée. Le parti qui l’avait incarnée jusqu’en 2001, le FFS pour l’essentiel, a perdu ses bases kabyles et s’est retrouvé dès 2012 en face de trois alternatives : soit disparaître, soit se ranger du côté du MAK, soit s’accrocher au système politique. Il a choisi cette dernière alternative, en la maquillant d’un discours programmatique sur une conférence du consensus qui inviterait le pouvoir actuel à céder la place. Ce qu’on peut noter dès l’abord, c’est la disproportion entre le but proclamé et les moyens dont dispose ce parti. Cette formation n’a plus les troupes nécessaires pour mener à bon port un tel projet. En réalité le FFS espère que le gouvernement lui fera jouer un rôle similaire que celui qu’il a fait jouer par le passé au MSP pour contrer le FIS. Ce qui signifie que d’une certaine manière, c’est la question kabyle qui permet au système politique de concevoir encore une fois des élections à sa guise.

Face à la montée des idées indépendantistes et de l’hégémonie du MAK en Kabylie, le FFS devrait s’estimer en droit de posséder une expérience politique que son homologue islamiste était loin d’avoir. Ce qui l’autoriserait à s’investir dans un entrisme sous conditions, en évitant de donner des chèques en blanc. C’est peut-être cela qu’ont dû percevoir ceux qui ont lancé le RPK (Rassemblement pour la Kabylie) dont le sigle, mine de rien, est homophone de celui du fusil mitrailleur soviétique Kalachnikov. Au-delà du sigle, cette formation politique semble être née hors saison car elle ne fait pas rêver ou vient se mettre en travers d’un rêve qui a commencé à peine de cheminer dans les esprits de la jeunesse kabyle.

Ce qu’on peut dire des législatives du 4 mai 2017 c’est qu’elles sont certes algériennes, mais c’est la Kabylie, qui à sa manière, va voter.

Larbi Graïne

À NE PAS RATER

Plus de Débats