"Nous trafiquons les élections pour votre bien", nous disent-ils, affirme Soufiane Djilali

Le Matin 15-04-2017 26454

"Nous trafiquons les élections pour votre bien", nous disent-ils, affirme Soufiane Djilali
Soufiane Djilali :

Dans un entretien à El Watan, Soufiane Djilali dresse un tableau sans concession de la situation du pouvoir.

Le président de Jil Jadid ne prend pas de gants pour souligner que l’indifférence voir la violence des Algériens vis-à-vis des élections sont le symptôme du rejet du système auquel ils n’accordent aucun crédit. "Pour être franc, j’ai bien peur que les choses ne s’arrêtent pas à ces gestes qui restent en définitive assez pacifiques. Je n’exclus pas que des agissements autrement plus graves puissent survenir. La colère est difficilement contenue chez bon nombre de jeunes et moins jeunes. Il y a une détestation prononcée des hommes et des symboles du régime. Déverser sa hargne et sa frustration sur les affiches est un moindre mal. Mais tout cela est de mauvais augure."

Il observe que "les caciques se prévalent en fait de leurs propres turpitudes : "Nous trafiquons les élections pour votre bien", nous disent-ils. Alors les citoyens, qui se sentent, à juste raison, méprisés par les politiques accrochent les sacs- poubelle à l’emplacement des affiches. Le mauvais côté de la situation est que le rejet du régime se confond avec l’acte de voter."

Pour autant, Soufiane Djilali ne s’arrête pas à ces causes qu'on pourrait qualifier de superficielles. Il rappelle les causes profondes de la violence qui traverse la société algérienne et dissèque ses ressorts. Outre les pathologies psychosomatiques qui font des ravages, il pointe la gouvernance du pays.

Les ministres, les «pontes» du régime et leur progéniture sont bien dorlotés au Club des Pins, profitent des meilleurs postes et avantages à Sonatrach, Air Algérie, etc.

Le système de quotas

Il est manifeste que Soufiane Djilali dont le parti boycotte les législatives, reste convaincu que la politique de quotas révélée par plusieurs témoignages dans la presse est toujours d’actualité.

"Tout le monde sait bien qu’il n’y a pas «d’élus», il y a des quotas en fonction de données internes du pouvoir. "Puis il s’interroge : "Comment voulez-vous que les Algériens agissent en citoyen lorsque la fraude électorale est systématisée ?" Et de citer comme exemple du manque de confiance des Algériens envers les institutions, la panique qui a gagné les parents quand ils ont appris que "le ministère de la Santé a voulu procéder à la vaccination des enfants à l’école. J’ai vu des gens complètement paniqués parce que leurs enfants avaient reçu une dose de vaccin. Pour eux, il s’agissait là d’une opération commerciale avec un vil produit, au profit d’un clan prédateur mettant ainsi en danger la vie de nos enfants. Ainsi, les institutions de la République sont ressenties comme un danger potentiel pour la sécurité du citoyen sans compter le fait que celui-ci perçoit tout responsable comme un corrompu potentiel. Il y a donc une rupture très profonde et très dangereuse à la fois entre les citoyens et le personnel politique".

Un tantinet en colère, il incite à "cesser cette folie où on veut duper tout un peuple en essayant de lui faire croire qu’il a un Président qui dirige alors que celui-ci n’est même plus en situation d’être maître de lui-même". Puis de marteler : "Les gens ne sont pas dupes et ont bien compris la forfaiture. Ils savent qu’il y a des clans qui se déchirent derrière le corps semi-inerte du Président pour s’emparer du pouvoir. Il faut rapidement aller vers une solution politique". Le président de Jil Jadid appelle à trouver "un homme qui puisse apaiser les tensions, qui inspire la confiance et qui suscite l’espoir".

Il estime que "le pays a besoin d’un électrochoc. Sinon, l’enlisement dans l’immobilisme et la gabegie des institutions va nous conduire vers une implosion".

Il constate que les tenants du pouvoir ne sont pas prêts de lâcher prise. "Ils s’accrochent. Ils sont prêts à mettre le feu au pays plutôt que de partir. Ils peuvent hypothéquer la souveraineté nationale et brader les richesses du pays pour qu’ils soient protégés par les puissances étrangères". Et de conclure :

Cette situation est aussi le destin d’un peuple qui est resté trop passif et parfois complice de la déprédation par une caste d’hommes sans foi ni loi.

Yacine K.

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